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Chronique d’un X : L’État à la maison

Par Jean-Claude Tremblay

par Jean-Claude Tremblay

jctremblayinc@gmail.com

Ma chronique allait s’appeler « Crucifixcail- leries », en lien avec le sujet de l’heure. Ça, c’était avant que j’entende parler du projet pour modifier les règles concernant l’école à la maison, une annonce qui passe un peu sous le radar mais qui m’a vraiment fait sursauter, surtout quand j’ai commencé à comprendre les préjudices qu’elle pouvait causer à une tranche vulnérable de notre société.

C’est Manon qui m’a d’abord interpellé sur ce qui entre autres, motivait les gens à retirer leurs enfants du système conventionnel.

Elle a des enfants avec des besoins particuliers que l’école de son quartier ne pouvait accommoder, faute de budget et de ressources spécialisées. Ils étaient orphelins d’un système qui les avait abandonnés.

C’est la première fois que je comprenais réellement que l’école à la maison, ce n’était pas toujours un choix léger et délibéré – que ça pouvait devenir carrément la seule option possible pour sauver de la noyade affective et intellectuelle nos pousses bien aimées.   

Quand nos enfants songent au suicide

Douance, dyslexie, TDAH et tutti quanti, le buffet des besoins et des conditions particulières est plus vaste que l’on ne croit, dans ce Québec « paradis des familles » qui me laisse souvent pantois. Le récent témoignage d’Hélène, une maman attentionnée avec un cœur gros comme ça m’a bouleversé : « Mon fils a sérieusement pensé au suicide tout au long de son parcours scolaire… », a-t-elle déclaré. Le système n’était tout simplement pas fait pour lui, incluant les tristement célèbres « examens du Ministère », dont l’aura anxiogène contribue à rendre nos jeunes extrêmement appréhensifs.

Son fils a depuis retrouvé sa joie de vivre, grâce à sa décision de faire l’école à la maison. Comme plusieurs autres, son fils s’est raccroché à la vie en apprenant à son rythme, par projets, avec des évaluations par portfolio : une méthode efficace, et surtout réconfortante, que le Ministre veut présentement abolir.

Boubou Macoutes de l’école à la maison

« Les parents de quelque 5 200 enfants qui font l’école à la maison devront se plier à des règles plus sévères : élargissement des matières à enseigner, examens ministériels obligatoires et visite des élèves par des contrôleurs de l’État », nous rapportait avec justesse « le Devoir ». Ça sonne comme l’escouade que Robert Bourassa avait mise sur pied et qui avait hérité du nom « Macoutes » en lien avec la police secrète haïtienne des Duvalier.

J’ai parfois été virulent envers le système scolaire qui trop souvent abandonne ses professeurs et qui, encore aujourd’hui, forme des travailleurs d’usine comme à l’époque industrielle, avec son apprentissage unilatéral, ses pauses régulées et ses huit heures bien sonnées. Promoteur d’une réforme majeure, je suis en faveur d’une offre pédagogique diversifiée, incluant les écoles alternatives et celles à domicile. Il nous faut revoir nos priorités comme société ; surtout à l’ère où la bienveillance et la créativité sont de loin les valeurs les plus essentielles à maîtriser.

Monsieur le Ministre

L’objectif n’est pas que les jeunes soient scolarisés selon vos paramètres. Le but ultime est que ces êtres humains s’acceptent tels qu’ils sont, dans toute leur splendeur, et que l’État favorise leur épanouissement en mettant à leur disposition les meilleurs ressources et outils disponibles sur la planète. Le tout, en fonction de leurs besoins spécifiques, et non des vôtres.

Vous vous attaquez au contenant… alors que vous devriez réformer le contenu. De toute évidence, vos intentions de départ sont louables, mais vos explications et votre mise en œuvre sont déplorables, et surtout préjudiciables.

Pour toutes les Hélène de ce monde et leurs enfants, je vous demande de faire preuve de compassion et de respecter le cheminement particulier de chacun.

J’invite votre ministère, notre obligé, à jouer un rôle de coach, de supporteur et de promoteur de la diversité d’éducation, et de vous attaquer aux réels problèmes que sont l’endoctrinement religieux et l’inconstance de vos commissions, dont l’abolition était jadis dans vos cartons.

Cordiales salutations.

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6 Comments

  1. Elaine Paquette

    Merci ! Tellement pour cet article.
    Il y a plusieurs éléments de désinformations dans les allocutions du ministre. Merci de vous intéresser pour vrai à notre réalité.

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  2. Martin durocher

    Merci monsieur Tremblay pour votre texte sur l’apprentissage en famille. Votre réflexion et vos exemples élèvent le débat et fait honneur à votre profession.
    Vous avez tout mon respect,
    Martin Durocher, papa d’un très heureux et brillant garçon de 9 ans en apprentissage libre (unschooler).

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  3. Annick

    Wow! Je suis maman faisant l’école à la maison pour mes deux jeunes enfants autistes et multiples diagnostics! Avec tous les articles ternissant l’éducation à domicile qui circulent dernièrement, sachez que votre texte m’a énormément fait de bien! Enfin quelqu’un qui le voit de la bonne façon! Enfin quelqu’un qui comprend ce que c’est que de s’investir dans l’éducation à domicile pour l’amour de nos enfants! Merci, merci, merci!

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  4. Hélène Chartrand

    Ahhh! Jean-Claude Tremblay! T’as encore réussi à me faire pleurer avec tes écris!!! Sauf que cette fois, ce sont des larmes de reconnaissance. Je te remercie au nom de toutes les familles qui sont dans la même situation que la nôtre. En effet, le choix de faire les apprentissages à la maison n’était pas un choix mais un acte de survie. Il est évident que j’aurais préféré voir mon fils s’épanouir et apprendre au sein d’une école entouré d’amis. Cependant, il en a été tout autrement. Toutes les difficultés vécues par fiston auxquels les écoles n’étaient pas équipées pour y faire face lui ont enlevé le goût de vivre. Heureusement, il se porte mieux aujourd’hui. Mais qu’adviendrait-il si il devait vivre les changements imposés par le Ministre Roberge? Je n’ai jamais cru aux examens du Ministère. L’évaluation via portfolio est selon moi la meilleure option pour tous les élèves du primaires et 1er cycle du secondaire. Davantage représentative de l’ensemble des acquis d’une années scolaire. De plus, le suivi assez serré de la Direction de l’enseignement à la maison (DEM) est aussi amplement suffisant.

    Extrait d’un article paru dans LaPresse:

    «Présentement, le projet d’apprentissage de l’enfant scolarisé à la maison doit comporter des activités « variées et stimulantes », dont l’apprentissage de la langue française, d’une autre langue et de la mathématique, ainsi que d’au moins une matière appartenant à chacun des domaines d’apprentissage suivants :

    – mathématique, science et technologie ;

    – arts ;

    – développement de la personne ;

    – univers social, dans le cas où l’enfant a atteint l’âge de 9 ans à la date du début de la mise en oeuvre du projet d’apprentissage.

    Les examens du ministère sont actuellement optionnels. En revanche, les parents doivent fournir au ministère des plans d’apprentissage et des évaluations de leurs enfants.

    « Il y a beaucoup de choses qui sont demandées, a insisté Mme Fortin en entrevue. Le parent avise, envoie son projet d’apprentissage, la Direction de l’enseignement à la maison (DEM) le regarde, ensuite le parent envoie un bilan mi-parcours, il y a une rencontre de suivi qui se fait, […] ensuite un bilan de fin d’année et il y a des évaluations qui sont faites par le parent tout au long de l’année. »»

    Salutations chaleureuses,

    Hélène Chartrand

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  5. Isa LISE

    Merci pour cet excellent article ! Une «Hélène» de France.

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  6. Melanie Camirand

    Merci beaucoup pour cet excellent article!

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