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Intergénération salutaire

Par Jean-Claude Tremblay

Chronique d’un X

jctremblayinc@gmail.com

Récemment, TVA mettait en lumière l’initiative du CHSLD Yvon-Brunet de Montréal, un établissement bien spécial puisqu’il abrite au sous-sol la garderie L’îlot, qui reçoit des enfants âgés de 18 mois à 2 ans. Cette démarche qui a fait les manchettes n’est pourtant pas nouvelle, puisque la formule est testée et mise en place depuis une bonne dizaine d’années, ici comme ailleurs.

Les résidents sont égayés par la présence des petits soleils, et ces derniers nourris par la profondeur des mamies et papis. Tout le monde est satisfait, et pour cause.

Primo: ça fait une activité récurrente, éducative et à coût nul pour les garderies. Les intervenantes gagnent, les petits aussi: check!

Secundo: les résidents ont de la visite. Pas besoin d’autre argument: check!

Tertio: les familles et les proches des résidents (lorsqu’il y en a) peuvent se sentir moins coupables de ne jamais les visiter: check!

J’en parle haut et fort cette semaine, car l’intérêt pour les initiatives qui rassemblent les générations, au lieu de les isoler, est viscéralement moribond.

On dirait que le Québec aime mieux se faire chanter Dégénération plutôt que de se donner la peine de les faire fonctionner. Plus facile de constater et de regarder le train passer que de générer de nouvelles idées et de les mettre en action.

Ségrégation générationnelle

C’est ironique, car depuis des années je m’époumone à expliquer les traits qui caractérisent chacune des générations, en enseignant le pourquoi et le comment du vivre ensemble. J’ai toujours invité les différentes générations à s’ouvrir et à respecter la vision de l’autre, car je crois qu’il faut miser sur les dénominateurs communs, qu’importe la fraction.

Le mot ségrégation a toujours eu une connotation ostracisante, et il est approprié de l’utiliser ici. Approprié parce que tout ce qu’on a réussi à faire dans les médias depuis des années, c’est de créer des classes séparées.

«Lui, il a tout ce qu’il veut, c’est un enfant-roi, et pis l’autre pense juste à lui, c’est un millénarial… Et que dire de cet enfant sandwich qui a grandi avec sa clé dans le cou?! Ah! tiens, regarde la génération dépassée qui ne vit que pour ses RÉER. Et pis lui il est déconnecté de la réalité, car il a connu une époque sans télé.»

On a le jugement facile, mais le point, c’est que le Québec fonce à 200 km/h dans un mur de « lave démographique », et une seule chose peut le sauver: transformer nos travers en leviers.

Dans les Laurentides, une organisation comme la Maison Aloïs Alzheimer fait office de pionnier, en favorisant les maillages entre aînés et bambins. Cet organisme qui accueille les personnes atteintes d’Alzheimer et de maladies apparentées, à son centre de jour, reçoit régulièrement la visite d’une garderie voisine. Cette initiative, la directrice Guylaine Charlot en est très fière et souhaite ardemment qu’elle se multiplie, avec raison.

Enfants et aînés ont beaucoup à s’apporter: ils n’ont pas de préjugés. Les petits ne les ont pas encore développés, alors que les plus vieux les ont égarés. Les preuves ne sont plus à faire: le modèle fonctionne, et ça ne prend pas une horde de fonctionnaires et une table de concertation pour le prouver. Qui plus est, l’exemple qu’on donne et les valeurs qu’on transmet à nos petits, c’est qu’on valorise la génération grise, mais aussi la leur.

«Le Québec, paradis des familles», vraiment?

Une famille, pour moi, ce n’est pas juste un couple avec 1,61 enfant, c’est inclusif et ça ne laisse personne derrière. Moi qui ai visité pas mal d’institutions ces dernières années, je n’ai pas vu les résidents recevoir grande visite, alors il faudrait commencer par donner l’exemple et arrêter tantôt de se vanter, tantôt de se blâmer – c’est toutes les générations qui depuis des lunes ne se sont pas présentées.

Je suis d’avis que le gouvernement doit faciliter l’intégration entre les centres de personnes âgées et les garderies. Mais connaissant la lourdeur de la machine, plusieurs étapes intermédiaires doivent être envisagées, à commencer par l’organisation de visites de nos écoliers, tant dans les centres que les organismes communautaires amis des aînés. Les écoles doivent revisiter leur rôle et allouer une bonne partie de leur temps à tisser des liens avec la collectivité, en permettant aux enfants d’être en contact constant avec leurs aïeuls, souvent seuls et isolés.

Nos enfants apprendront 100 fois plus vite la vie en côtoyant nos aînés, plutôt qu’à se sécher inutilement le gosier à force de réciter du « par cœur » qui ne les fera pas évoluer.

Investissons maintenant dans la dignité et l’interconnectivité, en redonnant un sens à la force multigénérationnelle, celle qui deviendra source de fierté pour toute notre contrée.

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