|

Tous à l'abri

Par serge-grenier

Entre les moustiques d’été et les neiges d’hiver existe une saison appelée automne, au nom tout à fait approprié de fall en anglais. Depuis Saint-Jérôme qui se fait coquette jusqu’à Morin Heights où tout n’est que beau, bon, kasher, nos frères feuillus s’adonnent au rouge à cœur joie pour le plus grand plaisir des visiteurs nippons.

Automne. Temps de récolte des derniers légumes. Dans la platebande, les rudbeckies succomberont bientôt aux gels. Les érables ont fini de se répandre en feuilles, ramassées longuement, patiemment, jusqu’à la toute dernière. On en reparlera au printemps. Et tel qu’inscrit dans l’agenda pour samedi: c’est le temps du tempo. Petite laine chaudement recommandée.

 

Un kit, je sais ce que c’est. J’ai déjà bûché sur un système d’étagères allemand, blanc, vachement design. Une personne seule pouvait y arriver, garantissait-on. Des heures de travail, mais j’ai réussi. Alors que pour installer un abri, il faut obligatoirement être deux. It takes two to tempo.

 

Précautions élémentaires: éviter à tout prix les jours de grands vents, la pluie battante ne valant guère mieux. Puis, une bonne paire de gants ainsi que la chaude et rouge chemise à carreaux réservée aux travaux à l’extérieur. Éteignez votre portable. Un escabeau ou une échelle si ce n’est pas trop vous demander.

 

Certains usagers d’abris tempo se rient des intempéries: «Emmenez-en de la neige!» Tough luck! Les voies de Dame Nature sont insondables et un ouragan est si vite arrivé. Je veux bien admettre qu’il vente moins fort dans les confortables replis des montagnes qu’à Drummondville vaste plaine, mais un abri tempo peut s’envoler aussi facilement qu’une volée de blanches colombes à des funérailles.

 

Une heure s’est à peine écoulée et les travaux vont bon train. Les arceaux, ça va. Un pet. C’est la toile. Voici venu le moment d’être deux, et même trois si vous êtes manchote. Un voisin enregistre la scène avec sa super caméra ultra-zoom, vous voyant déjà sur You Tube. Des enfants prennent des paris. Bien à l’abri à l’intérieur, l’épouse rongée d’inquiétude observe le tout à travers le plein-jour.

 

Le vent est léger. Pourquoi s’inquiéter? Ç’a été dit en toutes lettres pas plus tard que ce matin à Météo-Média: vents légers.

 

Bon, vents au pluriel, mais légers. Si on ne peut plus croire en Météo-Média, à quoi bon le câble et la soucoupe?

 

Le temps est venu de répartir les tâches. À bien y songer, il faudrait peut-être un escabeau et une échelle. C’est un bel abri, le modèle à deux fenêtres. Effet assuré. «Un jeu d’enfant», Raymond lance-t-il à la cantonade, fier pet.

 

Soudain, une porte s’ouvre et une voix en sort: «Raymond, Météo-Média annonce un ouragan.» Stupeur. «On parlait de vents légers. Dépêchons-nous de finir avant que l’ouragan arrive.» L’ouragan arrive. Pas un de ces ouragans détruisant tout sur son passage. Un simple petit ouragan, tout juste capable d’emporter un abri tempo dont la toile n’est pas encore tout à fait fixée.

 

La tension de la toile: tout est là dans la bonne installation d’un abri tempo. Vous l’a-t-on assez dit! Le voisin enregistre l’abri devenu cerf-volant et Raymond lui courant après. You Tube, c’est sûr. Ça va rigoler dans les chaumières. «Qu’est-ce que je vais faire?» C’est simple, Raymond. Gratter et pelleter: c’est ça que tu vas faire. Puis l’an prochain, l’expérience ayant aidé, tu achèteras un nouvel abri que tu feras installer par des gens qui s’y connaissent.

 

L’hiver sera dur, l’abri parti. Raymond grattera les jours de verglas, non sans quelques sacres venus du cœur. Un tempo flambant neuf. À deux fenêtres. Il demeure inconsolable. Même le steak Kobe de sa femme le laisse froid. Devenir la risée dans toute la vallée ne lui plaît guère. Damné You Tube! «Et si je portais mon masque d’Halloween pour éviter qu’on me reconnaisse?» songe-t-il avant de rejeter cette idée saugrenue d’un revers du cerveau.

 

Novembre, mois des morts. Une pensée pour l’abri envolé. Noël à grands pas et une idée-cadeau de madame, qui préfère toujours offrir des objets pratiques. Une année, une paire de pneus à neige, si joliment enrubannés sous l’arbre. Une autre, un kit d’horticulteur amateur. Pour les rudbeckies. Cette année, sans surprise, ce sera l’abri accompagné d’un certificat d’installation. Un baume sur la plaie de l’époux. Mais en attendant, c’est la voiture qui va tout prendre: neige, pluie, verglas, grêle, grésil, frasil.

 

Mais pourquoi donc ne pas y avoir pensé plus tôt? Un solide garage avec fenêtres, ça ne part pas au vent, ça se chauffe, et l’homme s’y réfugie avec sa collection de Popular Mechanics à la suite d’une dispute. Porte électrique grande ouverte, c’est frais l’été. Suggestion à sa femme d’idée-cadeau pour l’an prochain: briques et mortier?

NOUVELLES SUGGÉRÉES

0 Comments

Submit a Comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *