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CINÉMA – Le Parfum

Par stephane-desjardins

Sublimes odeurs

Il est des films singuliers qui se laissent déguster avec un plaisir renouvelé, malgré leur caractère particulier. Le Parfum, de Tom Tykwer, entre dans cette catégorie.

On avait dit que le roman de Patrick Süskind était inadaptable au cinéma. Tykwer et ses scénaristes, Andrew Birkin et Bernd Eichinger, ont prouvé le contraire en signant un film très personnel. Le réalisateur a même révélé que le romancier a un côté misanthrope, ermite, une sorte de Jacques Ferron allemand, et qu’il a dû batailler ferme pour obtenir les droits d’adaptation de son roman. Après avoir finalement accepté, l’écrivain lui aurait demandé de lui foutre la paix. Ce que le réalisateur a interprété comme une sorte de carte blanche.

Le résultat est un film captivant, mais pas à cause des artifices cinématographiques habituels. Comment traduire à l’écran le pouvoir persuasif d’effluves subtils issus des créations des meilleurs parfumiers du 18e siècle, époque où cette histoire parfois saugrenue se déroule? Le réalisateur utilise habilement les plans rapprochés, les maquillages, les couleurs et la musique pour mettre en valeur des sensations jusqu’alors inconnues au cinéma. Le résultat est parfois renversant.

Le Parfum est celui de Grenouille, un jeune homme aux origines plus que modestes (il est orphelin) dont la destinée sera toutefois celle d’un homme hors du commun. Sorte d’allégorie olfactive du Messie, le jeune homme est né dans l’environnement le plus abject qui soit : le marché aux poissons de Paris. On devine que c’est là que lui fut révélé un don exceptionnel : un nez aux capacités inouïes. Après une enfance misérable à l’orphelinat et dans le quartier des tanneries, il aboutit, grâce à son talent, chez un des plus illustres parfumiers de Paris.

Grenouille y excelle en créant de fabuleux effluves. Mais il se languit de créer l’œuvre suprême, celle qui a fait la légende des pharaons, celle qui le rapprochera le plus près de ce parfum unique d’une belle croisée dans les rues de Paris.

Cette quête bizarre, surtout à une époque pieuse où les superstitions et les légendes se répandaient facilement au sein d’un peuple majoritairement illettré, se transformera en une série de meurtres qui terrorisera la ville de Grâce, haut lieu de la parfumerie française du Moyen-Âge. Mais ces meurtres, initialement sordides, finiront pas être montrés comme une série de tableaux dont les victimes sont changées en modèles figés pour l’éternité.

La fin du film surprendra, d’autant plus que le flashback qui forme la scène d’ouverture, laisse le réalisateur deviner une conclusion funeste.

Tykwer disposait de moyens imposants pour réaliser son film, car il multiplie effets spéciaux et décors impressionnants. La reconstitution des villes Grâce et de Paris laissent souvent pantois. On indique que le film fut tourné en Espagne ainsi qu’à Moustiers Sainte-Marie, cette magnifique bourgade provençale. Le film lui-même est une sorte de tableau de grand maître et ses principaux comédiens laissent une marque indélébile dans notre esprit. Surtout Ben Whinshaw, dont le regard produit le même effet, à sa manière, que celui d’Anthony Perkins dans Psycho. Son personnage est une sorte de psychopathe presque divin, pour qui la création artistique prime sur tout autre considération. Même la vie humaine.

Le Parfum est un de ces films que l’on se doit de ne pas rater. Car une part de la fascination qu’il exerce vient directement du fait qu’il se visionne sur le grand écran d’un cinéma.

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