Entre jeunesse et (beaucoup) de sagesse

Par Marie-Catherine Goudreau

L’album de famille des sœurs McGarrigle

Daniel Giguère Collaborateur spécial – L’autobiographie, écrite par Anna et Jane McGarrigle, paraît ces jours-ci dans sa version française aux éditions Flammarion Québec sous le titre Entre la jeunesse et la sagesse. Un album de famille, précise-t-on en page couverture. Détail à ne pas négliger, et qui m’a d’ailleurs rappelé cette presque boutade que j’aime bien répéter à l’occasion : l’autobiographie est à la littérature ce que le home staging est à la décoration. Une façon de présenter les choses proprement quand on veut plaire à la visite.

Quiconque s’est intéressé à la musique folk dans les années 70 reprendra sans peine le refrain de la Complainte pour Sainte-Catherine, avec, en sourdine, les voix si singulières de Kate et Anna.
Dans le paysage hautement nationaliste de l’époque, où les Vigneault, Leclerc et Gauthier portaient les aspirations d’un peuple au travers des chansons phares, les sœurs McGarrigle poursuivaient discrètement leur carrière dans l’underground musical nord-américain, moins par choix que par une sorte de filiation naturelle, pourrait-on dire.
Anna rappellera d’ailleurs à quel point elle adorait le processus de création, mais n’aimait pas se retrouver sur scène.
L’autobiographie refait donc le parcours du clan McGarrigle, depuis le grand-père paternel, James E. McGarrigle, jusqu’aux enfants de Kate, Rufus et Martha Wainwright. Entre les deux, d’abord le récit d’une enfance à Saint-Sauveur dans les années 40.
L’école Marie-Rose, les sœurs Hinds, le club Crackpot, sœur Agnès. Le pire mauvais coup aussi, qui consistait à lancer un boulon attaché à une ficelle contre les fenêtres des maisons.
Délinquantes, vous dites? Et comment! Pour preuve, Jane racontera cette anecdote rigolote et plutôt révélatrice.
En 1966, alors que l’Amérique vit les bouleversements que l’on sait, et qu’à la radio tourne en boucle la chanson California Dreamin, Jane, qui vivait à San Francisco à ce moment-là, découvre un jour sa sœur Kate, visiblement sous l’emprise du pot, assise au milieu du salon.
Horrifiée, elle s’inquiétera des conséquences possibles si le voisin de palier, pas du tout cool, apprenait qu’il y avait une toxicomane (sic) dans l’immeuble.
Mais Jane ajoutera, presque aussitôt, qu’à sa connaissance, sa sœur n’aura fumé de la mari qu’une vingtaine de fois dans sa vie. Nous voilà rassurés.
Mémoires de jeunes filles rangées? Il y a un peu de cela, en effet. Les chapitres sont souvent très brefs, et portent sur des thèmes particuliers de la vie courante (Mon premier appartement, Le fleuriste, Une visite au Nouveau-Brunswick, Les locataires).
Anna et Jane replongent dans leurs souvenirs avec tendresse et un immense respect pour ces êtres chers qui ont traversé leur vie.
L’autobiographie est donc moins celle d’un groupe musical que l’histoire de trois sœurs qui, accessoirement, ont fait de la musique.
C’est le seul reproche que je ferais. Nous saurons fort peu de choses de leur carrière. Les influences, leurs spectacles, tout cela est survolé très sommairement.
On apprendra par exemple qu’en 1976, la chanson Complainte pour Sainte-Catherine tournait beaucoup en Europe du Nord, ce qui justifiera une série de spectacles en Grande-Bretagne et en Hollande avec un groupe de musiciens.
Comment cela s’est-il passé? On n’en saura rien.
Lecture d’été agréable, aucun doute. Mais on en conclut rapidement que si l’album de famille est fort bien réussi, la biographie des sœurs McGarrigle, elle, reste à faire.

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