Lettres de revenants
Par Rédaction
La reine Elisabeth II et son mari Philip, duc d’Edinburgh sont au Canada pour une visite dite royale du 28 juin au 6 juillet. Durant cette visite il est prévu que le couple royal visite la Nouvelle-Écosse.
À cet égard le gouvernement du Canada, par l’entremise de son ministère du Patrimoine et des gouvernements provinciaux participants, dont la Nouvelle-Écosse, a préparé un recueil de notes dans un guide historique à l’intention des médias.
Dans ce guide dit historique, il n’y est aucunement fait mention de la déportation des Acadiens.
Décrivons-le: Quelques phrases sur l’arrivée des colons français à Port-Royal, la prise de possession par l’Empire britannique de 1713 à 1760, puis l’apogée: la Confédération canadienne.
Voyons les explications formulées par les instances gouvernementales pour justifier cette omission.
Le ministre des Affaires Acadiennes, Graham Steele, a déclaré: «C’est dommage, mais il y a beaucoup d’autres choses qui n’ont pas été mentionnées. Alors je crois qu’il ne faut pas trop mettre de poids là-dessus.» Il ne faut surtout pas en parler monsieur Steele, tout comme plusieurs générations de jeunes Allemands n’avaient jamais entendu parler de l’holocauste.
Le ministère du patrimoine canadien, par son porte-parole madame Marchildon en remet, ajoutant:
«Le guide ne se veut pas un guide historique exhaustif».
Évidemment puisque les recettes de morue braisée n’y sont pas…
Puis pour se mériter la palme de l’imbécillité, elle commente ainsi: «Le gouvernement du Canada reconnaît l’importance de la place qu’occupent les Acadiens dans tous les secteurs de la société et le rayonnement de leur culture partout dans le monde.»
Cette mise en scène burlesque, pour promouvoir le Canada comme un pays de terre promise, m’incite à faire une comparaison avec la mise sur pied des événements internationaux qu’ils soient sportifs, culturels ou politiques. Que font les autorités politiques tous pays confondus lors des Jeux Olympiques, des G8, G20, des expositions dites mondiales et autres?
Elles s’empressent de cacher leurs sans-abri, de déplacer leurs prostituées et de nettoyer leurs ordures, témoignant ainsi de leur hypocrisie. Il en est de même avec la Déportation des Acadiens.
La prostitution intellectuelle qui consiste à masquer par omission volontaire, des faits historiques majeurs, des événements qui ont eu des répercussions sociologiques pendant des décennies, semble par comparaison, au prétendant d’une jeune fille, mais qui a une maladie vénérienne dont il ne parlera pas, même au risque de perdre l‘amour de celle-ci, après….
Pour en finir avec quelques salauds qui emprisonnent l’Histoire dans une asepsie malgré tout nauséabonde, je vous présente quelques lettres inédites de correspondants exilés acadiens
(1758-1762). Je crois qu’ils sauront vous faire comprendre ce que fut la Déportation des Acadiens:
«La famille de feu mon frère Charles vous embrasse vous et leurs cousins et cousines. Il vous mande de vous informer par toutes vos connaissances si vous ne pourriez point apprendre en quel endroit pourraient être ses frère et soeur, vous informer s’ils sont morts ou vivants et de lui faire savoir. Dites-moi combien il y a d’Amirault et de leur famille de morts, depuis notre départ et combien des Dasit et de leurs familles aussi de morts.»
«Et vous vous informerez aussi si vous avez levé l’argent appartenant à feu mon beau-père, qui était caché proche le cabane au coin du sud-ouest. On voit mêmement l’arbre sous lequel il est qui a la racine soulevée. Il doit être sous cette racine. Ainsi si vous l’avez levé ou que vous la trouviez suivant l’indication que nous vous donnons vous nous marquerez la somme qu’il y avait et si vous venez à Miquelon pour apporter le reste de celle que vous avez, vous aurez la bonté de l’apporter aussi avec l’autre.»
«Pour la mienne, je suis toujours sur un lit de souffrance à tirer des larmes des yeux de tout le monde. Mon pauvre corps est couvert d’infirmités dedans et dehors. Enfin mon très cher cousin, je ne puis mourir et je ne puis vivre.»
«Plaise à Dieu d’en pouvoir sortir un jour et de nous faire la grâce de vous rejoindre.
Ce serait là le plus grand de mes désirs, et qui durera autant que moi, parce que tant que je serai dans ce monde, je n’oublierai jamais la perte de mon pays.»