Rentrer dans sa bulle

Par claude-andre

La rentrée littéraire BD!

L’été, saison de bulles légères et d’histoires éphémères propice à déguster des savoureuses bandes dessinées comme d’autres des sundaes au caramel crépusculaires. Avant de lui dire adieu, voici un savoureux bouquet de parutions très récentes sauf exceptions. Enjoy!

Paul à Québec

L’achat d’une maison, un voyage en banlieue de Québec pour la Saint-Jean-Baptiste, un proche qui attend la visite de la Grande Faucheuse, bref l’apparente banalité de la vie de tous les jours. Pourtant, on ne saurait trop vous recommander le dernier opus de Paul. Dessinée en noir et blanc à l’aide de traits clairs, la force de cette œuvre «confort food» réside dans ses dialogues exempts de rectitude et surtout de ses ambiances familières. On y croise des effluves de marie-jeanne, on applique du beurre sur sa croûte de pizza au restaurant Madrid et, entre deux jurons made in Kebec, on invective le nouvel ordinateur… Si les cinq précédentes aventures ont connu un certain succès, la consécration est désormais au rendez-vous puisque plus de 12 000 exemplaires du dernier opus ont trouvé preneur en quelques mois à peine.

Paul à Québec. 4/5

Michel Rabagliati
Éd. La Pastèque 187 pages.

27,95$

184 rue Beaubien

Un Français, l’auteur et dessinateur Cyril Doisneau, décide après quelques voyages chez nous de s’installer à Montréal. À l’instar de son célèbre homonyme photographe, le bédéiste, dont le dessin nerveux évoque Reiser, s’attarde surtout sur les détails de la quotidienneté. Le lecteur ami de la France s’amusera avec ce carnet de bord divisé en quatre saisons qui recèle de nombreuses observations sur les différences entre les deux cultures mais, hélas, oubliera aussi très rapidement ce court récit néanmoins fort agréable. 3/5

184 rue Beaubien
Éd. La Pastèque 64 pages.

16,95$

Putain de guerre!

Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney
À travers les souvenirs d’un jeune tourneur d’une vingtaine d’années appelé de front en front, Tardi (épaulé par son conseiller historique Jean-Pierre Verney) livre une autre œuvre bouleversante sur la guerre en général et celle de 14-18 en particulier. Au second degré, c’est aussi de notre époque dont il s’agit avec ses jeux d’alliances, son capitalisme assassin et sa chair à canon internationale. Sur le ton intimiste, le personnage peu éduqué mais néanmoins lucide que dessine l’antimilitariste Tardi témoigne, sans l’utilisation des bulles propres à la bédé et de façon horizontale, de l’horreur au quotidien avec un esprit anar qui n’aurait pas déplu à un Georges Brassens. Couleurs vives au début, tirant vers le noir et gris à la fin, cette œuvre magistrale pourvue d’explications historiques à la fin pourrait vous rafraichir à la fois la mémoire et les convictions. 4/5

Ed. Casterman 67 pages

Un zoo en hiver

Jirô Taniguchi

Récipiendaire de nombreux prix dont l’Alph’Art du meilleur scénario au prestigieux Festival d’Angoulême pour le premier volume de la série Quartier lointain, le célèbre bédéiste japonais raconte ici les émois du passage de l’enfance à l’âge adulte dans le Japon du milieu des sixties. De surveillant de la fille de son patron dans une usine de textile qui ne respectait pas son mariage de convenance à assistant d’un grand maître du manga à Tokyo, l’apprenti mangaka découvrira l’alcool, la jalousie, les rivalités et les affres de la création. En noir et blanc, l’auteur, qui utilise un dessin carré qui évoque les vieilles bédés américaines, propose un récit enlevant et touchant qui nous fait pénétrer dans l’atelier d’une bande de créateurs allumés mais besogneux. 3.5/5

Ed. Casterman 231 p.

Le Chat du Rabbin

Joann Sfar

Puisque le biopic sur Serge Gainsbourg devrait prendre l’affiche sur nos écrans bientôt, le prétexte est plus que salutaire pour vous faire part de l’œuvre du réalisateur du film qui est également le bédéiste Joann Sfar. Un artiste que je viens enfin de découvrir suivant ainsi l’excellent conseil du chanteur Arthur H qui m’a chaleureusement recommandé il y a quelques années la série **Le chat du Rabbin**, dont le cinquième et dernier tome est paru en 2006. Proche du conte surréaliste, le chat, doté de la parole après avoir bouffé le perroquet, veut devenir un bon juif pour se rapprocher de la fille du rabbin, sa maîtresse. Mais ce chat est aussi philosophe et libre penseur et n’accepte pas les préceptes de la Torah sans les remettre en question. Héritier de Fred et Hugo Pratt, Sfar s’avère d’ores et déjà comme une figure de proue de la bédé contemporaine et son œuvre déborde largement du cercle des bédéphiles. Magique. 4.5/5
Éditions Dargaud.

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