Vous êtes de retour de Cuba, vraiment?
Par Rédaction
Bronzé, reposé, calmé, vous avez appris quelques mots d’espagnol…
Mais non, vous n’êtes pas allé à Cuba, voyons pourquoi, à travers un personnage qui s’y est vraiment rendu: Pierre Lemoyne, sieur D’Iberville et d’Ardillières (1661-1706).
Fils de Charles Lemoyne, baron de Longueuil, Pierre à onze frères, qui seront marins, guerriers, découvreurs. Pierre à vingt-cinq ans lorsqu’il se rend avec l’expédition de Pierre de Troyes et soixante-dix autres coureurs des bois, en canots, par l’intérieur des terres,de Montréal à la Baie d‘Hudson, quatre-vingt-huit jours de canotage, de marches en eaux glacées, du harassement des myriades de moustiques, de noyades, d’un début de rébellion, puis finalement, la troupe parvient au sud de la Baie d’Hudson, elle y était pour en déloger les Anglais qui y avaient établi des postes de traite de fourrures avec l’aide d’un certain Radisson…
Débuta alors pour Pierre Lemoyne une carrière militaire et maritime incomparable.
Pierre Lemoyne est le seul Québécois qu’aucun Anglais n’a vaincu, Napoléon ne peut se vanter de pareil bilan…
Sa devise, qui est l’homme, était: «Je n’expose rien que je ne veuille exécuter».
Tantôt en France pour y escorter des bateaux de ravitaillement, tantôt à Saint-Jean pour y débusquer les Anglais qui y établissaient des forts, mais le plus souvent à la Baie d’Hudson où ses plus grands combats ont eu lieu,d’Iberville à bord du Pélican avec quelques-uns de ses frères, est de tous les affrontements, de toutes les missions périlleuses, il est l’homme de l‘heure.
Qu’on en juge, alors qu’il est dans le détroit de Hudson, il dut affronter trois vaisseaux anglais, en captura un, saborda l’autre, tandis que le troisième s’enfuit.
Au cours du combat, lors d’un bref répit, et que le commandant Fletcher du Dering, se trouvait à proximité du Pélican et que les deux commandants pouvaient aisément se voir, Fletcher demanda à d’Iberville de se rendre, il refusa, le commandant Anglais rendit hommage au courage de son adversaire en ordonnant à un serviteur de lui apporter une bouteille «de vin vieux, et but à la santé de son adversaire, élevant son verre en un geste de salut,d’Iberville lui rendit la politesse».
Quelques moments plus tard, d’Iberville par une habile manœuvre de diversion, envoya le Dering par le fond avec corps et biens, la victoire était totale.
Quelques années plus tard, en 1690, la politique du gouvernement de Louis XIV devint ouvertement une politique d’expansion coloniale, ayant pour but de contenir les Anglais à l’est des Appalaches. C’est dans cette perspective qu’on lui confia une expédition qui devait remonter le golfe du Mexique de profiter des acquis de Cavalier de La salle qui avait pris possession de la Louisiane en avril 1682 en l’honneur de Louis XIV.
Rappelons que la Louisiane du 18ième siècle comprenait le Montana, les Dakotas, le Colorado, l’Iowa,l’Arkansas,le Wyoming,le Missouri,l’Oklahoma et la Louisiane actuelle, presque la moitié des États-Unis que nous connaissons de nos jours. D’Iberville en sera le gouverneur de 1699 à 1702.
Tour à tour française espagnole, bassin de déversement des esclaves noirs venus du Sénégal, de l’Angola et de la Guinée, puis plus tard des Acadiens, elle était toutefois française dans son identité propre et c’est ainsi qu’en 1718, le frère de Pierre, Jean-Baptiste Lemoyne sieur de Bienville fonda-t-il la Nouvelle-Orléans en l’honneur du régent Philippe II, duc d’Orléans. D’Iberville quitta la Louisiane en avril 1702 pour ne jamais plus y revenir, car le pouvoir politique Français lui confia la mission de chasser les anglais des Carolines. À la tête de 12 vaisseaux, il sillonna les Antilles,la Martinique, les îles Sous-le-vent, St-Kitts puis la Guadeloupe. Après avoir vaincu les Anglais dans l’île de Nevis dans les Caraïbes, d’Iberville meurt probablement de la fièvre jaune à bord du Juste alors en route pour Cuba prendre des renforts. Enterré sous l’église de San Cristobal à la Havane, ses restes furent transportés plus tard au Palais des Capitaines Généraux, de nos jours le Musée de la ville de La Havane.
Albert Millaire, comédien et metteur en scène, a vu a travers une vitre, ses ossements, et sur sa sépulture il a récité quelques strophes du Vaisseau d’Or d’Émile Nelligan.
Monsieur Millaire avait dans les années 1960 interprété le rôle d’Iberville dans une série de 39 épisodes, il demande aux historiens et aux politiciens de s’y mettre afin de rapatrier les restes de ce héros de la Nouvelle-France. Mais les Québécois tout à leur bronzage et qui croient avoir été à Cuba, n’en ont rien à en débattre, la génération des lézards n’a pas le temps de visiter la merveille architecturale et historique du patrimoine mondial qu’est La Havane, trop loin vous diront-ils…
Les mêmes diront aux visiteurs Français en hiver: «AH! vous n’avez pas l’habitude du froid…»