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(Des) espoirs olympiques

Par Josée Pilotte

J’ai longtemps rêvé en cachette d’être une patineuse artistique. Faut dire qu’à mon époque toutes les filles s’appelaient Nathalie et patinaient à l’aréna du coin. Il y avait un petit quelque chose d’élégant dans les robes à paillette qui m’impressionnait. J’enviais leur beauté, leurs cheveux attachés en chignon et la poudre dorée sur les joues.

 

Moi, je jouais au basket et j’avais les cheveux courts.

Et puis, je n’étais pas très douée pour «dribbler» le ballon et marquer un panier. Mais j’avais le cœur à l’ouvrage comme on dit!

Peu de temps après, je me suis mise à l’escrime et là, je dois avouer que j’ai eu un peu plus de succès. Même que j’ai réussi à me rendre aux Jeux du Québec.

Je me souviens encore de la fierté qui m’habitait et de mon manteau bleu poudre à l’effigie des jeux. Oh my God!, que j’étais fière!

Mais, ma carrière d’escrimeuse s’est arrêtée-là.

Je me suis mise peu de temps après à triper volleyball.

 

Mais la vraie raison pour laquelle je n’ai jamais pu faire l’arabesque et une pirouette suivie d’un double piqué, mon rêve de petite fille, c’est que ma mère «monoparentale» n’avait ni voiture pour me barouetter d’un aréna à l’autre ni les moyens pour m’acheter le kit de la patineuse parfaite. C’était notre réalité. J’avais beau rêver et faire l’avion dans mon salon, la vie, la mienne, c’était ça. Et je n’étais pas plus malheureuse pour autant.

Quand j’écoute l’histoire fabuleuse des sœurs Dufour-Lapointe je me dis qu’elles ont eu de la chance d’avoir des parents comme eux. Des parents dévoués, impliqués, aimants, et d’en avoir deux surtout! D’avoir eu des parents qui se sont donné «la possibilité» de faire des choix de vie.

Parmi ces choix, certains chroniqueurs cette semaine en ont vu là un sacrifice: celui de rester à la maison pour s’occuper de ses enfants.

Mais a-t-on demandé aux intéressés si ces choix avaient été de réels sacrifices? Posons-nous la question: s’agit-il d’un sacrifice de consacrer son temps à ce qui nous est le plus cher, la chair de notre chair?

 

Bon. Je fais partie des gens qui ont réagi aux propos de Réjean Tremblay dans sa chronique datée du 10 février dans le Journal de Montréal, où il se demande si les sœurs Dufour-Lapointe seraient arrivées là où elles en sont si elles avaient été «dumpées» dans une garderie à 7$ à 2 ans? Cette dernière remarque en a fait grimpé plus d’un dans les rideaux, plus d’une, devrais-je dire.

 

Ce qui me dérange le plus dans ce propos non seulement gratuit mais macho c’est qu’encore au 21e siècle, nous tenions ce genre de discours tranché: t’es une bonne mère si tu consacres ta vie à élever tes enfants à la maison ou t’es une mauvaise mère si tu les «dumpes» à la garderie.

Pourtant notre société ne valorise pas les mères à la maison. Que voulez-vous, ce n’est pas très glamour dans notre monde de performance et de «m’as-tu vu» d’avouer dans un 5 à 7 que tu es une mère au foyer qui cultive ses propres carottes dans son jardin. C’est contre performant. C’est plate, inintéressant sauf peut-être quand tu es une mère qui a la joie de voir ses trois filles performer aux olympiques et surtout de se faire poser la question publiquement: «Et vous m’dame chose, quelle est votre recette de la mère parfaite?»

 

Nous sommes pourtant nous-mêmes les maîtres d’œuvre de cette société d’individualistes aux valeurs parfois chambranlantes et Réjean Tremblay en fait lui aussi partie. Il la dépeint – cette société tordue – assez bien d’ailleurs dans ses téléromans, qui présentent une image de la femme assez discutable merci!

 

Alors à défaut d’avoir toujours le choix, ou le «gut», ou les moyens, ou les nerfs, ou la capacité de… certaines femmes choisissent la famille en premier, pour d’autres c’est la carrière. Et pour d’autres encore c’est un espace entre les deux.

 

Mais peut-on vraiment performer dans tout? Peut-être pas, j’en conviens. Mais faut-il être mère au foyer à s’occuper de ses kids pour qu’ils deviennent des olympiens?

Peut-être pas non plus. Ce n’est ni tout blanc ni tout noir.  Dieu merci.

Je crois que ça prend un peu plus que ça chez les parents et chez les enfants. Ça prend des aptitudes, du courage, de la persévérance, du travail, de la discipline, de l’amour et par dessus tout de la volonté et la possibilité de pouvoir réaliser tout ça. Tout ça dans la limite de nos limites. Et ça prend, non que dis-je, ça devrait prendre tout un village (olympique) pour élever un enfant, M’sieur Réjean!

 

L’équilibre c’est le dur combat de notre société de démesure et d’extrême.

Et la vie est beaucoup plus compliquée et nuancée que 700 mots écrits par un chroniqueur du journal de Montréal, comme mon préfet préféré me l’a déjà balancé à la gueule.

 

Est-ce que d’avoir eu des parents présents pour les sœurs Dufour-Lapointe a contribué à leur succès? Certainement, cela ne peut pas nuire. Est-ce que cela a été déterminant? C’est là que des gens comme Réjean Tremblay se mettent le doigt dans l’œil. Pour suivre sa logique, il faudrait que toutes les femmes restent au foyer pour engendrer des prix Nobel et des olympiens! À quand son prochain téléroman des super femmes au foyer dociles, en lingerie fine bien sûr, pour rester fidèle à lui-même?

 

Assez sur ce sujet, je retourne à mes olympiques. J’me peux plus d’écouter Alain Goldberg!

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