|

Au-delà du grand-père : entretien avec Boucar Diouf

Par Jean-Claude Tremblay

Au-delà du grand-père

On lui attribue plusieurs titres, dont ceux de biologiste, d’océanographe, d’humoriste, de professeur, de conteur, de chroniqueur, d’auteur et d’animateur de télévision. Mener un entretien linéaire avec ce personnage charismatique relève d’une mission impossible, si bien que j’ai d’entrée de jeu opté pour une formule libre, adaptée à mon invité, Boucar Diouf, le bien-aimé.

J’ai commencé l’entretien en lui mentionnant que je n’avais aucune question, ce qui l’a fait éclater de rire et l’a visiblement surpris – lui qui s’attendait à une entrevue classique, aux antipodes de mon approche conversationnelle, d’humain à humain. Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’avec autant de chapeaux portés, les champs d’intérêt et sujets qui ont dominé la conversation ont été grandement variés. On a parlé de Sarkozy, de Kadhafi, de Trudeau, de Harper, de Couillard, et donc de politique, une de ses passions, mais on a aussi traité de famille, d’environnement, d’éducation, de nos enfants, de sociologie, du Sénégal, de Rimouski, des Laurentides, du fleuve, de pot et tutti quanti! Bref, on a jasé de tout, mais l’instant de ce chaleureux échange, nous avons donné un congé mérité à son vénérable grand-père.

À défaut d’avoir à ma disposition tout un journal, voire un livre dédié aux différents sujets dont nous avons traités, je vais tenter de vous exposer en rafale le fruit des propos de notre conteur préféré. Voici donc la vision du complice Boucar, de ses déclarations et de mes inspirations tirées d’une conversation à cœur ouvert!   

Sur le cannabis

J’en avais entendu parler, et je le savais contrarié, j’ai alors voulu commencer fort et valider. « Le dossier m’irrite! » m’a-t-il d’emblée mentionné! « Traiter le sujet comme si c’était une essentialité, je ne pourrai jamais comprendre ça – je pense que c’est précipité et je ne peux pas être d’accord avec cette décision. Si j’exclus l’usage à des fins thérapeutiques, le pot, ce n’est pas un besoin, c’est un désir avec des conséquences! », a-t-il conclu avec insistance et un sincère désarroi.

Par ailleurs, si vous n’avez pas entendu ses propos sur le sujet à son émission La nature selon Boucar, allez sur le site Web de Radio-Canada pour en entendre l’intégralité. Mon invité a d’ailleurs conclu ce bloc avec humour en disant: « Tu sais, Jean-Claude, j’ai l’impression que cette plante que l’on croyait verte deviendra or pour les rouges! » Et vlan!, dans les dents.

Sur les Laurentides

Questionné à savoir quelle était sa relation avec la région, il m’a mentionné ce qui suit: « J’adore les Laurentides et son terroir, j’y viens avec ma famille… Y aller, c’est comme faire un voyage dans le Sud, même si c’est dans le Nord! J’aime et j’ai besoin des grands espaces dégagés et sans obstacle que la mer procure, mais en même temps, j’ai besoin de l’arbre, car il me fascine. L’idéal serait pour moi d’avoir la mer à droite et une forêt à gauche! » OK, mon cher Boucar, j’en parle aux MRC concernées, et on va travailler là-dessus!

Sur ce que les gens ne savent pas de Boucar

« Malgré mon ouverture et le fait que je suis totalement intégré à la culture d’ici, je mange encore les plats de ma mère! Oui, je l’admets, elle m’envoie des plats et je les mets dans mon congélateur – le couscous, les haricots et les arachides, je me nourris comme quand j’étais jeune. J’ai beau cuisiner des spaghettis et d’autres plats dits québécois pour mes enfants, chez nous, on mange différemment, mais assis à la même table. » On constate que l’expatrié trouve réconfort dans le goût et les odeurs dégagées par les ingrédients et plats bruts et cuisinés, ceux qui lui rappellent sa tendre et chaleureuse enfance, celle de la mère patrie qui, de plus en plus, l’appelle et le séduit.

Sur son spectacle, Magtogoek, ou « le chemin qui marche »

Ce spectacle est unique et hors concours, puisqu’on y raconte de façon exceptionnelle l’histoire du Québec à travers le majestueux fleuve Saint-Laurent. À savoir s’il était content de la réaction du public, l’attachant et authentique Sénégalais d’origine m’a répondu ceci: « Je suis mal placé pour dire que les gens sont charmés, mais je pense humblement que ça leur fait du bien. Ils rient, car c’est de l’humour, mais je les invite en croisière et on parle de biologie, de nordicité et d’environnement – je pense que c’est mon spectacle le plus achevé. » L’homme a totalement raison; pour avoir suivi de près sa carrière, je suis d’avis que Boucar est comme un puissant vin de garde, un qui s’améliore d’année en année et qui développe des notes complexes et exquises, fortes d’une riche expérience de vie et d’une sagesse vaillamment récoltée.

Dans une classe à part

Vous voulez savoir pourquoi la démarche de l’homme n’a pas d’équivalent? Parce que son approche est « boucarienne » et n’a de dénominateur commun qu’elle-même. J’ai conversé avec un être d’exception, généreux, lucide, brillant, doux, mais résilient – un ambassadeur de la culture d’ici, un qui l’incarne et la vit.

Cher Boucar, mon grand-père Le Saux ne donnait pas dans la philosophie, mais brillait par ses actions empreintes de rigueur et de détermination. Je tiens pour acquis que dans une autre vie, nos grands-papas respectifs se seraient très bien complétés, en jasant de ce qui était pour eux une priorité – le sens de la famille et l’intégrité. Merci à toi, mon humaniste adoré, celui avec qui j’ai pris un réel plaisir à échanger. Au privilège de se recroiser.

NOUVELLES SUGGÉRÉES

0 Comments

Submit a Comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *