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À l’ombre du parasol jaune

Par Josée Pilotte

Je sais que c’est à la mode d’avoir l’air très occupé, de travailler trop, d’en ramener le soir, le week-end, en vacances. 
C’est à la mode d’être brûlé. De ne pas voir le « boute du boute », mais d’aimer tellement ça d’avoir « l’air d’être quelqu’un », qu’on finit par se croire et se faire accroire qu’on ne sait plus comment décrocher de nos vies effrénées. 

Sans compter tous nos exploits sportifs qui demandent à eux seuls beaucoup de temps et d’énergie. Et comme c’est à la mode de courir un marathon avant de mourir d’épuisement, on l’ajoute sur notre to do list.

Et pour rendre nos vies un peu plus compliquées, on doit rester bien accroché à son fil Facebook pour être certain de ne rien manquer (au cas où – tout d’un coup que la Terre s’arrêterait de tourner pendant notre absence). Bref : on est tous une belle gang d’hyperactifs!

Eh bien moi, j’ai beau aimer ma job, aimer mon boss (ben oui, c’est moi), au fond, je suis une grande fainéante qui, en tapant sa chronique de retour de voyage, rêve à son prochain départ et qui réussit de plus en plus longtemps à tenir à distance tout ce qui pourrait venir interférer ce moment d’évasion.

Mon dernier voyage fut en tous points parfait. Cette fois-ci, nous avons opté pour des vacances « baba-cool ». Avec le farniente comme mode de vie. Surtout aucun effort physique. Pour une famille hyperactive comme la nôtre, c’était tout un exploit en soi.

Nous avons donc pris « le temps » de ne rien faire. Nous avons même insisté pour le regarder passer, le temps.

Le prendre par la main, lentement, doucement, piano, piano comme disent les Italiens.

C’est déstabilisant au début, mais je vous assure qu’on y prend goût assez rapidement. On a même choisi délibérément de louer une maison sans wifi, sans télé. Rien. Bref, je vous dirais qu’on a choisi de se choisir.

C’est donc quelque part sur une île de la Méditerranée que nous avons déposé nos valises cette année pour quelques semaines, sans vélo, sans running de course, sans horaires et sans bebelles électroniques.

Durant ces quelques semaines de vacances, le merveilleux aura aussi fait que nous croisions sur notre route le cousin de Chéri et sa petite famille. Nous nous étions donné un point de rencontre d’une semaine pour rassembler nos deux tribus.

Le soleil, les rires étaient au rendez-vous. Les longs dîners sous le porche à l’ombre des après-midi chauds, où les cigales chantaient allègrement, nous remplissaient de bonheur. Le vino bianco aussi faisait bien la job. Les siestes, ah les siestes! Le bonheur! Les enfants. La famille. La vie quoi!

Piano, piano…

Même la mer était d’un calme désarmant. Rien pour vous stimuler, autre que la beauté du paysage. Au loin, Fiston flottant dans l’eau, en étoile sur le dos, regardant l’azur du ciel à l’infini. La belle Alizé, elle, dévorait son livre sous le parasol jaune. Son petit frère Eliot, lui, courait de la maison à la mer et de la mer à la maison pour battre un record de je-ne-sais-quoi. Pendant ce temps, Antoine, du haut de ses 20 ans, levant le nez de ses lectures philosophiques, nous rappelait notre jeunesse, notre idéalisme, en nous ressortant de grandes théories (Ouf, on en a eu des discussions). Et nous, les adultes, on se remplissait la tête d’images de ces instants merveilleux.

Unanimement, cette semaine-là nous aura marqués tout un chacun à sa façon. Mais c’est sans doute Martin qui aura le mieux décrit ces moments mémorables, lors du dernier souper avant que chacun poursuive la route des vacances. Un souper à l’image de ces moments : de pasta et de vino rosso. Simple, mais tellement bon.

« Ça fait trois semaines que je suis en vacances. J’ai vu tout plein de choses super belles, j’ai eu du bon temps avec mes kids et ma blonde. Mais cette dernière semaine, c’est bizarre comment elle est passée lentement. Comme quand j’étais kid, j’ai eu presque le goût de l’ennui qui ma roulé dans la bouche, comme quand tu ne sais pas quoi faire de ta peau… Ce bref instant, je l’ai vu passer, juste assez pour me voir aller, pour nous voir aller à ne rien faire. Mais en fait, on faisait quelque chose : on prenait le temps de vivre, de rire, de partager, tous ensemble. Et un de mes highlights de mon farniente à l’italienne des derniers jours, c’est que j’ai découvert, sous le parasol jaune, que malgré les 30 ans qui nous séparent, Lou partageait les mêmes goûts musicaux que moi! Et ça, ça ne serait jamais arrivé, si je n’avais pas pris le temps. »

Oui, il a bien raison le cousin Martin. Le temps, on court tous après comme des fous! Alors qu’il est souvent juste là, à l’ombre d’un parasol jaune.

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