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Du sang sur la neige

Par Josée Pilotte

Non mais, dans quel monde on vit?!
Nous avons reçu, au journal, la semaine dernière, suite à notre article sur la famille syrienne ceci : « OU ELLE est la famille « syrienne »?? Vous pouvez pas leur montrer la face, juste les  « membres » du comité d’acceuil?? ».
Ceci se passe dans nos Laurentides, sur notre site Internet. Je crois que ce commentaire gratuit synthétise le monde dans lequel on vit actuellement : le manque de savoir-vivre.
Le manque de savoir tout court aussi. L’absence totale d’esprit critique.
Notre propension à sauter aux conclusions trop rapidement.
Et avouons-le, à prêter de mauvaises intentions à tout le monde : notre voisin, notre élu, la caissière au supermarché et puis les médias en général.
Comme si on était toute une gang de twits juste là à alimenter les théories conspirationnistes. Alors que, peut-être, il y a un sens, une raison derrière le fait que, justement, on ne voit pas leur visage, « leur face » comme le dit si mal cette personne.
Mais comme on veut tout voir et pas forcément savoir, on est vite sur la gâchette.
Bref, dans tout ce chaos, nous cherchons désespérément à trouver du sens à ce qui paraît insensé.
Comme…
La confusion des genres. Y’a pas si longtemps au Québec, on associait un groupe ethnique, une confession religieuse, au terrorisme. Et je ne crois pas que cela ait beaucoup changé.
On se pensait à l’abri au Québec et particulièrement À QUÉBEC, ce village gaulois, mais pourtant, l’impensable est arrivé. On verra les conclusions de l’enquête, mais on s’entend-tu pour dire que si ça prend un village pour élever un enfant, eh bien, notre village est malade. Cette analogie me fait dire que dans tout acte isolé, ça prend peut-être une personnalité fragile pour commettre un tel geste, mais cela ne nous dédouane pas de notre responsabilité collective. Parce que la société transmet des valeurs. De fraternité, de respect de la différence, de tolérance, de « vivre ensemble ».
C’est toute une nation qui est touchée au cœur, on ne peut pas faire semblant que c’est juste les autres et que ça arrive aux autres. C’est un acte individuel qui nous touche collectivement et que l’on devra traiter et guérir tous ensemble.
Dans tout ça, ce n’est plus une question de religion, mais d’extrémisme. Et ça se passait bien tant que ça se passait chez les autres (tirez-moi pas de roches, je suis cynique), mais là, la donne a changé. Il s’agit d’un petit « pure laine » qui a sauté un plomb et qui a posé un geste incompréhensible, qui a commis l’irréparable. Que va-t-il arriver maintenant? Souhaitons-nous seulement que ça nous fasse un électrochoc pour nous réveiller.
Parce qu’entre vous et moi, l’immigration est là pour rester. On n’a pas le choix, on va devoir apprendre à vivre ensemble.
Et le vivre ensemble nécessairement chamboule nos valeurs.
Mais quelles valeurs?
Notre individualisme? La recherche de la performance à tout prix? Notre course à notre enrichissement matériel?
Il n’y a aucune religion qui prône tout ça. Ah oui, j’oubliais, la « religion du matérialisme » qui vénère le dieu « Cash » comme sur la monnaie américaine : « In God We Trust ». On nous a vendu que pour être heureux, il fallait consommer. Le bonheur en douze mensualités! Ou si vous préférez, soyez heureux maintenant et payez plus tard…
Non mais, dans quel monde de fous on vit?!
On cherche un sens à tout et tout de suite. Et au diable la vérité, l’important c’est que le sens nous convienne. Pis en 140 caractères si possible. À une autre époque – pas si lointaine pourtant – on laissait retomber la poussière avant de sauter aux conclusions, avant de porter un jugement, avant de trouver les coupables; on ne faisait pas dans le sensationnalisme, dans l’instantané, juste pour être les premiers à donner son opinion.
Non, on nuançait, on réfléchissait, on creusait avant d’écrire ou de commenter un événement. Aujourd’hui, ce sont les gérants d’estrade qui, sur les réseaux sociaux, commentent sur tout et n’importe quoi. Et le monde prend pour du cash ce que l’algorithme de Facebook lui suggère, that’s it!
Bienvenue dans le monde de la post-vérité et des réseaux sociaux!
On en est là. Et après, on se demande pourquoi notre monde est si malade et perdu.
À force de tirer sur l’élastique de l’individualisme, de niveler vers le bas, en alimentant ce vide, eh bien, ça pète!
Les Américains ont eu leur 11 septembre 2001. Les Français ont eu leur 13 novembre 2015 (attentat au Bataclan). Eh bien nous, les Québécois, avons eu le 29 janvier 2017.
La seule différence, c’est que dans les deux premiers cas, le terroriste c’était « l’autre ». Dans notre cas, c’est l’un des nôtres…

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1 Comment

  1. Barbara

    Bravo pour cet article courageux et d’une grande lucidité.

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