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Joël Bertomeu:  Faire vibrer son identité masculine

Par Martine Laval

Joël Bertomeu est un passionné de la photo qui, très jeune, s’y initie grâce à son père, lui-même amateur de clichés. Caméraman, cadreur, directeur de la photographie, réalisateur, il a expérimenté et approfondi toutes les facettes du métier, faisant de lui un professionnel du milieu reconnu et honoré pour la qualité de son travail. Documentariste chevronné interpellé par la cause des hommes au Québec, actif depuis plus de 25 ans dans le domaine du film et de la télévision, Joël Bertomeu a produit quelques films touchant l’identité masculine ̶ Tel père tel fils, En mal de mère, Ni rose ni bleu 1 (le 2e, projeté au grand écran dernièrement, sera prochainement diffusé à Canal Vie-TV5) ̶ . Rencontre avec celui qui s’applique à faire vibrer l’identité masculine.

D’où vient le déclic de votre intérêt pour le sujet de l’identité masculine?</strong>

Je m’intéresse à tout ce qui tourne autour de l’identité masculine, car je suis moi-même engagé depuis 25 ans dans un groupe d’hommes, Les hommes de cœur, un organisme sans but lucratif dirigé par Luc Lacroix, dont l’objectif est de revaloriser le rôle des hommes et des pères dans notre société.

Mon père était maniaco-dépressif (bipolaire), une maladie qu’on ne savait pas soigner à ce moment-là. Ayant de grands moments de dépression, des phases maniaques difficiles à vivre, il était plutôt absent et j’ai vécu un profond manque de père. L’organisme m’a donc permis de rencontrer le monde des hommes. L’observation de ces groupes d’hommes a été tellement révélatrice pour moi et m’a tellement aidé dans différents aspects de ma vie, que je me suis demandé comment je pouvais apporter cette intimité-là au cinéma, d’où mes documentaires.  

En tant que réalisateur, l’important est donc de partager et de passer des messages profonds à travers vos films.

Tout à fait! Bien que ça fasse presque 40 ans que je fais du film, depuis environ 15 ans, je m’intéresse principalement à l’humain. C’est un créneau que j’ai développé à partir de mes premiers documentaires sur les hommes et qui m’a amené, depuis, à tourner des films et des émissions touchant le côté humain, introspectif, psychologique. 

Ma propre réflexion en ce moment se dirige vers les garçons, les jeunes hommes qui sont un peu perdus, décrocheurs d’école, qui se font dépasser par les filles à l’université, qui sont souvent élevés par des mères  monoparentales, sans image paternelle ou alors une image négative. Pour un garçon, l’image paternelle est très puissante. Quand il y a un manque, ça lui manque toute sa vie. Les groupes d’hommes remplacent donc un peu l’image paternelle, parce que c’est 10, 15, 20 gars qui renvoient en miroir ce qu’est l’identité masculine. Et cette identité se doit d’être représentée par un homme, car contrairement à la fille à qui on va expliquer son passage à la phase femme lorsqu’elle a ses premières menstruations, il n’y a rien qui indique aux garçons quand et comment on devient un homme. Les tribus aborigènes ont des rites d’initiation pour devenir un homme, mais dans nos sociétés modernes, il n’y a rien.

Est-ce que toutes les étapes franchies par la femme dans les dernières décennies, qui ont transformé le rôle de l’homme, la dynamique de couple et le rôle parental (congé parental, garde partagée), remettent les choses en place quant à la digne place qu’a l’homme dans la relation paternelle?

Tout à fait! Puisqu’avant, c’était surtout la femme qui s’occupait de l’aspect éducation, alors que le père pourvoyeur était surtout là dans un rôle d’autorité. Aujourd’hui, on est davantage dans une relation éducative égalitaire, même que la garde partagée favorise la prise de décisions « paternelles », alors que l’homme devient père et mère durant cette période. Je vois d’ailleurs des pères extraordinaires. Même jeunes, ils sont très bons avec leurs enfants. Je trouve que les hommes sont devenus de bien meilleurs papas.

L’homme trouverait-il alors davantage son équilibre en dehors de l’unité familiale?

Je crois que l’équilibre se trouve très bien à l’intérieur du couple, mais elle dépend de la dynamique entre les partenaires. L’équilibre dans l’éducation c’est très sain, et je vois des papas qui, dès le début, changent les couches, aiment leurs enfants, les embrassent. Ça ne veut pas dire que l’homme se soit féminisé! Il révèle simplement davantage ses émotions, sa sensibilité. Et c’est ce que je veux montrer à travers mes films : que les hommes ont des émotions, comme les femmes. Ils les cachent, ayant peur de montrer ce tabou ancestral qu’est celui de la vulnérabilité. Il y a des études en laboratoire qui démontrent, par exemple, que dans des chicanes de couple, les hommes sont beaucoup plus affectés, touchés, bouleversés que les femmes. Ils réagissent souvent 24 heures plus tard, mais ceci n’empêche pas cela.

Ce sont des pages entières que j’aurais pu noircir sur le sujet tant il y a à discuter, mais lorsqu’en allant promener mon chien en ce beau dimanche après-midi, je croise un homme dans la trentaine qui promène gentiment son enfant endormi dans la poussette, avec d’un côté la bouteille de son petit et de l’autre une petite bière, je me dis que dans le fond, tout est tellement plus cool lorsqu’on lâche prise et qu’on laisse tout simplement vivre… et laisser vivre…

www.leshommesdecoeur.org et www.joelbertomeu.com

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