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Fin d’été et remerciement

Par Mimi Legault

Il y a un an… C’était la fin de l’été. Un dimanche tout en sueur, froid avec dans ses poches des nuages gonflés à bloc prêts à éclater gouttes que gouttes. C’est d’ailleurs ce qui était arrivé au début de la matinée. La journée s’était déroulée comme un long fleuve tranquille : grise, humide, collante comme de la visite que l’on n’attend pas.

A l’heure de l’apéro, nous avions poussé l’audace de lancer une ou deux bûches dans le foyer ne fût-ce que pour tirer les rideaux devant cette météo maussade qui, comme un enfant qui rechigne, ne savait plus ce qu’elle voulait. Tout ce que nous entendîmes par la suite furent les gémissements de Dame Nature enragée qui, aidée par le vent, déversa ses pleurs et ses plaintes contre les fenêtres du salon. J’avais soupiré d’aise devant les flammes et le bois qui faisait craquer ses jointures. On se sentait bien. Il y a comme ça des tranches de vie, des moments de pur délice qui se croquent comme des bonbons en sucre d’orge. Nous avions levé nos dry martini juste au moment où le film débutait. Je ne me souviens plus du titre et ça n’a vraiment aucune importance. Ici, j’aimerais vous parler d’une scène qui m’avait frappée. Avertissement : quelques-uns d’entre vous risquent d’être probablement déçus. Ce n’est ni une scène de sexe ni de violence. Je préfère vous en avertir…

Permettez-moi un aparté : cet été, lors d’une vente de garage. Un petit garçon d’environ 4 ans, je dirais. Son père pointe l’index vers la table sur laquelle trônent d’anciennes vidéos. Le papa propose à fiston d’en choisir une. Alors le bambin tout mignon, tout blond d’un air angélique regarde la dame vendeuse et lui demande : madame, je veux de la guerre ou de la violence, vous en avez? J’ai bien entendu le mot violence. Ce n’est pas ça le pire. Le pire, c’est lorsque j’ai vu les deux parents éclater de rire devant tant de génie-de-leur-ti-garçon. Je ferme la parenthèse…

Donc, le film. La vedette était Denzel Washington dans le rôle d’un soldat. Il était l’invité de son supérieur pour un souper d’Action de grâce. Le décor était plutôt cordial. Je ne sais plus si j’ai vu un chat qui dormait devant le foyer. Une pensée surgit dans mon esprit : le chat pourrait fort bien être le meilleur ami de l’Homme, mais il ne l’admettra jamais. J’ignore l’auteur de cette pensée, mais j’aime chat! Je m’égare, je m’égare! Donc un décor chaleureux. On devinait qu’à l’extérieur, l’automne s’était bien installé et qu’il avait jeté l’été en bas de son hamac. Je sentais le moment magique et c’est précisément ce moment qui m’avait émue : devant un Denzel ébahi, le patron s’est recueilli, tous les invités autour de la table ont baissé les yeux. Le gars a récité le bénédicité, prière que l’on récitait avant le repas.

C’était venu me chercher très loin. Pas la prière, mais ce qu’elle représentait. Marquer une pause, se recueillir quelques instants ne serait-ce que pour apprécier ce merveilleux moment de se retrouver en famille ou entre amis. Rien n’est plus apprécié (en tout cas pour moi) que des gens, à l’Action de grâce, pendant que l’automne fait son lit dans des draps de flanellette s’enferment pour quelques secondes dans un silence voulu. Je sais, ce n’est pas très poétique. Là n’est pas mon but. Ce mi-octobre ou presque nous permet de réaliser ce que l’on a et non ce que l’on n’a pas.

Être reconnaissant à ces petits bonheurs de rien du tout qui parfois nous passent sous le nez. L’Humain a perdu l’odorat du bonheur. Durant ce prochain week-end, si vous recevez des gens à votre table, invitez-les à se recueillir. Je sais, il faut énormément d’humilité pour le faire. Je vous propose la prière que maman disait : merci pour ce repas et faites que l’autre ne tarde pas. Je triche, elle disait « merci, Seigneur… » Ce ne sont pas tant les mots qui comptent, mais plutôt l’intention de reconnaissance. Merci. Merci la vie!

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