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Mes ailes

Par Mimi Legault

En ce temps de pandémie où il est beaucoup question d’anxiété chez les enfants, j’ai choisi de vous raconter une anecdote vécue à 7 ans très exactement pour vous démontrer en toute simplicité que parfois, quelques paroles bien placées peuvent changer le cours d’une vie. La mienne en tout cas.

Je vous mets un peu dans le contexte avant de narrer ma petite aventure. Ma mère n’était pas toujours d’accord avec les profs qui téléphonaient à la maison pour se plaindre de nos facéties. Elle n’était pas pour autant une maman d’enfant-roi. Pas pantoute. Mettons qu’elle faisait la part des choses, qu’elle écoutait la version de l’enseignante et la nôtre après.

Un jour, la directrice avait dit à ma mère : votre fille a un mauvais caractère. Et maman lui avait poliment répondu : excusez-moi, ma sœur, elle a plutôt du caractère….

C’était son genre. Donc, mon histoire. J’avais sept ans, j’étais en 2e année. J’avais une amie que j’appelais Loulou. Amie est un bien grand mot, il y avait beaucoup de confrontation entre nous en classe. Toutes les deux désirions arriver premières en tout. S’ensuivaient des chicanes de bébé la la ou des tu n’es plus mon amie. Un jour, nous nous sommes échangés de gros mots. Mutuellement, je le jure. J’étais revenue de l’école en sifflant, Loulou en braillant.

Le lendemain, la directrice nous demande toutes les deux à son bureau. Je précise ici que le père de Loulou était président de la commission scolaire, ce qui pesait beaucoup dans la balance. Je revois encore Loulou accompagnée de sa mère qui portait (cela m’avait frappée) une étole de vison. Cette dernière caressait douce-ment le dos de la pôvre Loulou qui pleurait doucement. C’était un tableau touchant, Loulou aurait mérité un Oscar! La directrice était une religieuse. Bâtie comme Laurent Duvernay-Tardif et large comme une pizza. Elle connaissait sa force et son pouvoir. Une petite voix me disait que c’était moi qui allais passer dans le tordeur parce que Loulou montrait maintenant un drôle de sourire. Et la lambada est partie. La vieille corneille s’est penchée vers moi en commençant par ses mots : alors, mademoiselle Legault, il paraît que…

Je vous fais grâce de tous les mots qu’elle m’a postillonnés en pleine face. Heureusement, qu’il n’y avait pas de pandémie…

Je tentais de lui dire que Loulou avait fait la même chose et que… Peine perdue, elle m’ordonnait de me taire. Têtue, je recommençais. Mais elle avait le haut du pavé. Surtout ne pas pleurer, surtout ne pas baisser les yeux.

Soudain, elle s’est calmée. Elle m’a dit sur un ton d’un général d’armée qui abuse de son power trip : et maintenant, vous allez vous serrer la main comme de vraies amies. V’la-ti-pas Loulou qui, dans un élan de générosité, avance son bras vers moi. Mon cœur bat la chamade, je suis rouge de colère, je tremble.

À contre cœur, je tends la main. La bonne sœur jouit comme si elle venait de trouver son point G. Vous pouvez retourner en classe et même si c’est supposé être silence, vous pourrez jaser. Je me suis levée en coup de vent, j’ai clanché jusqu’à la classe sans me retourner. J’entendais les pas de Loulou qui tentait de me rejoindre. J’ai ouvert la porte de la classe et l’ai claquée très fort.

De retour à la maison, je savais que la directrice avait téléphoné. Maman m’a demandé ma version des faits. Plus tard, dans le boudoir, mes parents désiraient me parler. Maman a pris la parole. Tu vas peut-être trouver ça injuste mais ton père et moi n’avons aucune intention d’aller régler des enfantillages à l’école parce que l’on pense que tu es capable de te défendre toute seule.

Ce soir-là, je me suis couchée sur le ventre puisque dans mon dos, deux ailes venaient de pousser. Vous savez quoi? Je les porte encore! Ça ne s’use pas. Merci chers parents d’avoir cru en moi!

mimilego@cgocable.ca

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