«Sauvez mon âme!»
Par Josée Pilotte
«J’ai bien aimé votre billet de la semaine dernière et j’aime bien la facture de votre hebdo. Vos textes et chroniques sont aussi fort intéressants. En outre, votre ligne éditoriale a sans doute souvent pour effet d’alimenter ou de provoquer le débat. Les Anglais diraient que vous posez un regard “edgy” sur l’actualité. Vous êtes différents.»
(– Jacques Hamelin, Sainte-Adèle)
Parlant d’«edgy»… J’en ai un peu ma claque des gens qui lisent à la virgule près et prennent tout au premier degré; je ne parle évidemment pas ici de M. Hamelin, ce gentil Adélois qui ouvre ma chronique, mais plutôt de ces hommes qui m’écrivent pour paraît-il sauver mon âme. Non mais!… On se calme le pompon, messieurs!
Je ne veux pas en dire plus pour l’instant, mais plutôt vous partager tu-suite mon coup de cœur du week-end. Oui, bon, je sais, okay, j’suis en retard: c’est le film Babel d’Alejandro Gonzalez, celui de Amours chiennes (Amores Perros) et 21 grammes.
L’émotion, sur une trame sonore époustouflante, explose à la figure, expose le manque de communication, l’intolérance et l’absurdité des vies que nous vivons en ce début de siècle. Un récit déconstruit habilement, comme dans 21 grammes, par un génie du 7e art. Des hommes, des femmes, des enfants, avec leurs modes de fonctionnement, leurs (pertes de) repères, leurs craintes, leurs fragilités et leurs espoirs respectifs… Et puis les murs immenses, insurmontables, qui se dressent entre les êtres, le vertige qui saisit quand une circonstance anodine entraîne des conséquences souvent tragiques, toujours imprévisibles sur l’Autre… Et puis la fragilité inquiétante du mur entre le destin et le hazard, le moment où il commencera à s’effriter. Et puis surtout, toujours, planant au-dessus de tout, l’Incompréhension.
La linotte et son plumeau ou «Jopi, l’incomprise insoumise»
Imcompréhension? Vous voulez en entendre parler? À plus petite échelle, bien sûr; à propos de ma petite personne, évidemment.
Loin de moi l’idée de vous faire «brailler» sur mon sort mais, depuis ma révélation sur mon désir de l’Inde, les gourous se précipitent à ma porte…
«Tu es présentement en état choc avec toi-même. Car les réponses sont toutes en toi, tu fais partie de l’univers, donc l’univers fait partie de toi. Alors vois-tu les forces qui dorment en toi? Il te suffit de les réveiller et le monde sera à toi; s’il n’est pas déjà à tes pieds, car tu as un charisme assez exceptionnel, merci!»
(– Normand F., Sainte-Marguerite)
Cher Normand: Je vous rassure, je ne suis ni à la recherche d’un Dieu ni en état de «choc avec moi-même» comme vous semblez le déplorer.
Mon Dieu à moi, il s’appelle Chéri et il me bénit tous les soirs. Alléluia!
Y’a les intellos qui écrivent à mon rédac’chef…
«Une griffe de linotte vous a écorché quant à votre opinion sur Bon Cop Bad Cop.Vous l’énervez. Elle vous lance la pire injure qu’elle ait pu trouver dans sa petite tête: “Intello-chiant-qui-fait-chier”, que je traduirais comme suit: ton esprit d’analyse me dérange, comprends donc que l’humour véritable passe par les mots pipi-caca, vois comme je suis drôle, j’emploie le mot “chier”.»
(– Michel R., Riviève-Rouge)
Cher Michel: Je vous fais un cadeau aujourd’hui en réalisant sans doute l’un de vos vieux fantasmes refoulés: être enfin publié dans un journal. Félicitations! Puis, en plus, y’avait aucune faute dans ces quelques lignes! De toute façon, des baveux comme vous, on aime ça! Michel, vous fais-je un peu plus honneur dans cette chronique-ci avec Babel? Pourriez-vous me renvoyer un nouveau qualificatif, autre que «linotte»?…
En passant: mon rédac’chef est bien assez grand pour se défendre et puis, croyez-moi, il ne manque pas de vocabulaire! «Intello-chiant-qui-fait-chier», c’est un mot doux que je lui balance avec affection régulièrement.
Y’a les petits comiques…
«Je recherche une bonne femme de ménage et je regarde sur votre site web mais celles qui annoncent se trouvent à Laval ou à Rawdon… Bizarre pour un journal du Nord!! La fille, Josée Pilotte, qui critique pas mal tout, est-ce qu’elle fait des ménages!!??»
(Jean-Philippe B., Saint-Sauveur)
Cher J-P: J’me peux plus! V’la enfin quelqu’un qui m’a comprise. J’me vois déjà troquer la plume pour le plumeau. Non mais, franchement! Ou bien t’es sérieux et tu crois que je fais les ménages comme «side-line» le week-end – alors t’es un vrai gars; ou bien tu veux jouer au séducteur – pis, ben… t’es un vrai gars!
Z’avez remarqué? Ben oui: c’est juste des hommes qui signent!… Et dire que les femmes qui m’ont écrit, toutes, ont saisi cette envie de se réinventer ailleurs l’espace d’un instant ou d’une marche aux côtés de mon sage-homme au chapelet.
Incompréhension entre les sexes? Pourtant j’avais l’impression qu’on parlait la même langue, qu’on s’exprimait clairement, bref que l’on communiquait. Au fond, le constat demeure: les hommes sortent de la taverve pis puent le Brut 33; les femmes, elles, savourent le bistro français, sentent le Chanel no 5 et… respirent le Brut 33!
L’Occident résumée ainsi n’en rend l’Inde que plus attirante!
Messieurs, surtout n’arrêtez pas de m’écrire. Sans vous ma vie d’éditrice manquerait de couleur.
Mais Babel… Je vous le suggère fortement!
Un film dont on a un goût de (re)parler, qui nous permet de rêver un monde moins con, peuplé d’humains plus humains.