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« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »

Par Frédérique David

« La France va cramer! », s’est exclamé le présentateur météo Marc Hay sur les ondes de BFMTV, le 15 juin dernier. Ce coup de gueule du journaliste français, alors que l’Hexagone enregistre des températures anormalement élevées pour un deuxième mois consécutif, marquait la fin d’une époque où la météo servait à déterminer si on allait pouvoir organiser un pique-nique ou une sortie en vélo.

Le derecho de mai du corridor Québec-Windsor nous a récemment démontré que les prévisions météo ne sont plus à prendre avec un grain de sel. Les tempêtes se multiplient, les records de températures et les phénomènes anormaux aussi, et le bulletin météo sur lequel nous avons les yeux et les oreilles rivés est devenu le moment où l’on espère qu’une autre catastrophe ne viendra pas frapper à notre porte. « Je pense qu’il faut qu’on change notre manière de parler de ça car ça n’imprime pas. Et clairement, il faut que les gens se rendent compte que ce qui est en train de se passer n’est que la face cachée de l’iceberg », a déclaré le journaliste météo en ondes.

Quand les présentateurs météo adoptent un ton alarmiste et appellent à une prise de conscience, c’est que le monde montre des signes inquiétants. Tempêtes de sable en Irak, vagues de sécheresse dans la corne de l’Afrique, chaleur extrême en Inde et au Pakistan (frôlant les 50 degrés Celsius récemment), typhon meurtrier aux Philippines, montée des eaux dans plusieurs régions du monde sont quelques-uns des signes que rien ne va plus. Localement, nous vivons des vigilances météo de plus en plus nombreuses et des incidents de plus en plus extrêmes, mais ce n’est rien comparativement à d’autres régions du monde où des enfants de 13 ans risquent leur vie en descendant au fond d’un puits pour tenter de recueillir quelques gouttes d’eau. Les dérèglements climatiques s’accompagnent d’inégalités, notamment entre les pays pauvres et les pays riches, qui permettent à ceux qui ont le pouvoir d’agir de continuer de détourner l’attention sur des sujets comme le contrôle de l’immigration ou la sauvegarde du français. Et voilà que la menace d’une récession permet encore une fois de reléguer le réchauffement climatique au dernier rang des décisions importantes!

Pourtant, l’urgence est là, maintenant! Et il serait bien que les promesses électorales des mois à venir au Québec et au Canada en tiennent compte, d’autant plus que la lutte aux changements climatiques n’est pas incompatible avec une croissance économique. Il serait temps que nos politiciens reconnaissent l’urgence climatique et prennent toutes leurs décisions en fonction de leurs impacts environnementaux. Il serait temps qu’ils sortent de ce dangereux déni, au nom des générations futures.

Les avertissements annonçant des bouleversements dramatiques se multiplient et, malheureusement, les pays qui contribuent le plus au réchauffement climatique sont ceux qui en subissent le moins les conséquences. Le Québec ne manque pas d’eau et les catastrophes météorologiques ne sont pas meurtrières. Dès lors, il est facile de remettre à plus tard les décisions environnementales et de poursuivre dans son confort nombriliste. D’ailleurs, le premier ministre François Legault a eu l’audace, lors de son dernier bilan parlementaire, de déclarer qu’ « il n’y a aucun gouvernement qui a un meilleur bilan en environnement et en lutte contre les changements climatiques que le gouvernement de la CAQ. » Pourtant, au mois d’avril, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charrette, déclarait que les propositions environnementales des partis de l’opposition sont « impossibles » à tenir, notamment celle de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre. Il a même ajouté qu’« on aura de la misère à atteindre » la cible du gouvernement, soit 37,5 % d’émissions en moins d’ici 2030, malgré les avertissements des experts du GIEC. Et preuve que ce gouvernement n’a pas l’intention d’en faire plus, le premier ministre François Legault a récemment refusé l’invitation du collectif « Vire au vert » de participer à un débat des chefs sur la crise climatique lors de la prochaine campagne électorale, alors que les chefs des principaux partis politiques y seront.

Au Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, il y a 20 ans, Jacques Chirac déclarait, dans un discours devenu historique : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’humanité contre la vie ». Qu’avons-nous fait depuis?

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