Quel est votre taux de plutonium?
Par Journal AccèsSous la patte d’Omalley Par CHRISTIAN GENEST
Je n’en reviens tout simplement pas de vous voir.
Pathétique.
Toi, le fake-ster assis seul au parc.
Toi, qui filmes au show des Stones, en plus tu brouilles ma perspective du stage.
La foodie là, qui photographie à 8 reprises son assiette bien avant d’y goûter, elle est froide ton assiette, bien fait pour toi.
Toi, qui cliquetiques sans cesse ton Snapchat à la salle de bain les yeux encore collés.
Vous, les quatre best à table qui ne vous êtes pas vues depuis des lunes, scotchées à votre téléphone nucléaire au resto.
Toi, qui dors avec ta messagerie allumée, et même pas parce que t’attends un booty call.
Toi, qui brandis le selfie stick sans cesse. Sans farce… un selfie stick.
Et pis toi, qui vérifies trois fois sur un trajet de 10 minutes si tes disciples like ta face de canard.
Get a life!
Sérieusement, si votre papa était amoureux de son Tanqueray comme vous l’êtes de votre téléphone nucléaire, vous le pousseriez de force à la Maison Jean Lapointe.
Le syndrome FOMO (fear of missing out) vous a incontestablement mis au plancher.
Répétez après moi : « Je suis cyberdépendant! »
Je l’avoue d’emblée, c’est LE sujet de discorde avec mon ado. J’en fais une fixation de voir ces gens synthétisés à leur bidule, comme des info-bèses dévorant de la bande passante sans retenue.
Facebook était down la semaine dernière. Combien de fois avez-vous cliqué l’app afin de soulager votre souffrance?
Vous avez songé à votre rapport aux médias sociaux?
Vous laisseriez vos enfants se droguer sans réserve devant vous? Pire encore, vous le faites devant eux?
Assumez-vous cette impuissance face à ce comportement malgré les répercussions néfastes sur votre quotidien?
Vous êtes « vedges »!
Vous êtes très loin du fantasme de la coupure internouille?
J’gage que ce sera un défi de taille et que vous aurez peine à récolter vos jetons d’électroïnomane anonyme.
Puisque votre cerveau a été capturé sournoisement, je me permets de vous proposer quelques moments de dégourdissement en dehors de la toile.
Si vous lisiez, Pour un milliard et une roupie, de Vikas Swarup?
Non non, pas sur votre machin, en vrai papier. Osez même le salir en le trimbalant un peu partout, tant mieux si vous ne pouvez plus le refermer.
Si vous sympathisiez avec votre voisin au resto?
Peut-être vous offrira-t-il une coupe de champagne comme il m’est arrivé au marché Ribeira cet été. Juste comme ça.
Laissez la vie placer cette rencontre sans en sentir l’obligation de géolocaliser une photo avec cet aventurier inconnu.
Si vous appreniez un instrument de musique?
Sans vous en vanter aux 323 personnes que vous n’avez de toute façon pas vues depuis fort longtemps.
Si vous vous donniez comme défi de réussir le meilleur ossobuco?
Appelez votre mère, ou encore allez chez Milano et demandez la recette à Francesca; pour une fois, abstenez-vous de googler Ricardo ou pire, de vous en vanter à toute la planète.
Si jamais vous êtes vraiment convaincu d’être le Daniel Pinard du veau, invitez des amis à le déguster et placez tous les gizmos addictifs dans la corbeille à pain, ce sera tendance bientôt : le phone stackin’.
Ne jetez surtout pas les os, ils agrémenteront un bouillon réconfortant et le parfum de celui-ci ne se texte pas encore, partagez-le plutôt avec quelqu’un.
Tranquillement, votre cerveau reprendra du service suite à ces quelques jours de sevrage, vous vous départirez de ce monstre suceur de temps qu’est votre portable, sans trembler, sans penser que votre journée sera ruinée ou que vous allez tout louper.
Il se peut que vous songiez à faire du sport, plutôt qu’à être une victime de l’esclavage du paraître version 2016; à confronter votre neveu aux échecs ou à racler les feuilles juste pour le plaisir de vous catapulter dedans, comme ça, pour le feeling, pas pour prétendre à la planète Zuckerberg que votre vie est parfaite, car de toute façon, elle ne l’est pas.
Après tout, la meilleure photo n’est-elle pas celle qu’on a d’imprimée en plein cœur?
Le meilleur parfum n’est-il pas celui qui évoque une rencontre particulière?
Pitié, décrochez et saisissez le monde autour de vous, parce que celui-ci s’épanouit beaucoup plus sur le plancher des vaches que sur la glace de votre clavier plein de bactéries.
En tout cas, d’ici là, cessez de m’envoyer des invitations à Candy Crush Saga.
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