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Réflexions et déconstruction de l’amour

Par Ève Ménard - Initiative de journalisme local

Pendant les vacances de Noël, j’ai lu un livre, fort intéressant et recommandé par une amie, sur le concept de l’amour et son évolution depuis l’âge moderne. Intitulé « Pourquoi l’amour fait mal – L’expérience amoureuse dans la modernité », le livre est écrit par Eva Illouz, une sociologue spécialisée des sentiments et de la culture. Bien que l’œuvre soit dense, elle est extrêmement bien vulgarisée et actualisée.

Son auteure apporte une toute nouvelle manière de concevoir l’amour et ses déclinaisons. Voici quelques thèmes qui y sont abordés, et que j’ai particulièrement appréciés pendant ma lecture.

Capital social de l’amour

« L’amour occupe une place centrale dans cet ordre fondé sur la reconnaissance où la valeur sociale est attribuée à une personne à travers des chaînes de rituels d’interaction. Il s’agit de la manière la plus intense et totale de produire de l’énergie émotionnelle, un effet du rehaussement du moi induit par l’amour. » (p.234)

Eva Illouz argumente que l’amour comporte un capital social, par la reconnaissance qu’elle octroie. La sociologue considère que l’amour devient un processus continu de « validation » de la valeur d’un individu. Lorsqu’elle parle de « rituels d’interaction », elle fait référence aux codes qui régissent les relations de couple, comme le fait de faire des sorties, d’emménager ensemble, de se marier, de se dire « je t’aime »

Tout ce processus participe à construire chez les individus impliqués un capital social qui les réconforte et qui ajouterait à leur valeur personnelle. C’est justement une des raisons pourquoi l’amour fait si mal, si on se fie au titre de l’auteure : lorsque ce n’est pas réciproque, l’individu ne se sent pas validé, ce qui nuit à son estime personnelle.

Pratiques genrées

Le livre est aussi traversé par une approche féministe propre à son auteure. Celle-ci aborde donc, à différents moments, le rapport distinct à l’amour qu’entretiennent les femmes et les hommes. Dans un passage fort intéressant et qui porte à réflexion sur ces « rituels d’interaction » dont il était question plus tôt, Eva Illouz aborde les pratiques romantiques genrées. Elle se questionne à savoir pourquoi ouvrir la porte à une femme ou lui envoyer des bouquets de fleurs sont considérés et ressentis comme plus érotiques que de demander à une femme la permission pour caresser sa poitrine. Elle répond : « Parce que ces pratiques genrées réalisent plusieurs choses à la fois : elles esthétisent le pouvoir qu’ont les hommes sur les femmes; elles diluent la domination dans le sentiment et la déférence » (p.347).

Imagination et culture de masse

Enfin, Eva Illouz aborde aussi ce qui est très propre à la modernité et en constante évolution : la culture de masse. Les technologies et les différents genres culturels comme le cinéma, la télévision ou le théâtre produisent des désirs, des envies et des émotions chez les individus. Il se produit alors ce que l’auteure nomme « l’institutionnalisation de l’imagination ». En effet, ces médiums culturels provoquent chez ceux et celles qui les consomment des scénarios cognitifs qui romantisent des relations existantes ou simplement imaginées.

Cette imagination romantique aurait alors pour effet de faire de l’amour une émotion par anticipation : celle-ci est ressentie et rêvée avant même de se produire. Ceci a pour effet de créer, très souvent, des attentes inatteignables.

Récemment, Eva Illouz a publié un nouveau livre sur le sujet, « La Fin de l’amour : Enquête sur un désarroi contemporain ».

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