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Sous les pavés la plage

Par Éric-Olivier Dallard

Banlieue rouge

«Nous sommes un désoeuvrement de l’esprit sans fin, avec tout ce qui naît avec lui, et en premier lieu cette fierté imbécile de ce même désoeuvrement et ses dérives, que l’on revendique en chantant, que l’on porte comme une fleur à la boutonnière, que l’on scande dans le vide bruyant qui nous entoure et que nous fabriquons en série, battant l’air de nos paumes entr’ouvertes.

Nous sommes l’incarnation du “déclin de l’empire américain”».

Sombre, pour le moins, le regard que je jetais dernièrement sur ma génération, celle des trentenaires attardés, que je rebaptisais «génération L», «“L” pour “loosers”».

C’était une manchette d’un quotidien, la semaine dernière: «Les jeunes Québécois sont les plus politisés des Canadiens». Bien, bien. La génération qui suit la mienne ne sera sans doute pas une autre «L»…

Quand j’étais rédac’chef à Ottawa, les locaux du journal étaient voisins de ceux… du «Parti Marxiste-Léniniste du Canada»! Ce n’était pas il y a 30 ans… c’était il y a, quoi?, cinq ans peut-être… Des gens charmants assuraient la permanence des quelques mètres carrés dont le Parti était locataire. Des gens charmants disais-je, doux rêveurs, attendant sans doute – plus que préparant – les «lendemains qui chantent», mais sans trop d’illusions ni trop d’amertume… Tous dans la cinquantaine, la soixantaine… Rien des anarchistes soixante-huitards. Des paisibles gardiens d’une idéologie poussiéreuse qui avait le charme des pièces de musée…

Sur cette «idéologie poussièreuse» semble souffler un vent de jeunesse. En fait, le vent d’une jeunesse qui ne cherche pas seulement à «soulever la poussière» mais aussi, parfois, à soulever les pavés. L’on en a eu, à Saint-Jérôme, une belle démonstration, de cet enthousiasme.

Il y a, dans ces mouvements d’une gauche jeune et «sans peur et sans reproche», quelque chose de rassurant, bien sûr: l’apolitisation et le désintérêt de la chose publique par la jeunesse n’est peut-être pas inéluctable. Que ce renouveau se cristallise dans des mouvements qui cherchent à faire table rase des principes «démocratiques» et «capitalistes» tels que nous les connaissons est logique: le nouvel intérêt pour la politique doit passer par l’intérêt pour un «ordre nouveau»… Mais cela ne va pas sans une certaine inquiétude: si ces jeunes nouveaux militants sont portés par un enthousiasme bienvenu, il ne faudrait pas qu’ils perdent de vue ce que certaines des idées qu’ils véhiculent ont engendré aussi: Cuba, le Venezuela d’Hugo Chàvez, la Chine, la Corée du Nord…

Il serait bien, aussi, qu’ils lisent un peu Alexandre Soljenitsyne…

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