Benoît Simard
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Première édition du Gravel Bike Challenge 500 : En compagnie de Lyne Bessette

Par benoitsimard

7 h 50 – Il faudrait bien que je mette un peu de crème solaire, et que je remplisse le sac sur le tube supérieur de mon vélo d’un peu de bouffe. Lyne m’attend déjà sur la ligne de départ, mais elle doit être en train de terminer une entrevue.

Retour en arrière, fin juin, quand je reçois un texto de la députée de Brome-Missisquoi : « Salut, serais-tu partant pour faire un 500 km de gravelle le 15 août ? » Ma réponse : « on va où? Pis on part à quelle heure ?». Cinq cents kilomètres de vélo, c’est une bonne semaine d’entraînement, mais quand l’idée est de le faire en moins de 24 heures, ça ajoute un peu au défi, ça sera donc l’histoire de ces prochaines lignes.

Dany et Martin, nos compagnons d’aventure habituels, seront aussi de la partie. C’est d’ailleurs avec eux que Lyne avait prévu que nous roulions cette première édition du Gravel Bike Challenge 500, sur les magnifiques chemins de terre battue des Cantons-de-l’Est.

L’organisation nous fournit un plan du parcours et les différents points de contrôles. Nous établissons ainsi des points stratégiques, comme des restaurants ou dépanneurs, où nous pourrons nous ravitailler en eau et en nourriture. Comme notre objectif est de parcourir la distance d’un seul trait, nous partons avec le strict minimum, réparti dans quelques sacs fixés sur nos vélos.

La journée s’annonce magnifique, le soleil est fort. Il fera chaud. Le parcours est à l’image de celle que l’on se fait de ce coin de pays : de belles côtes et collines, des vallons à volonté. Ça va gicler dans la bosse ! Et c’est un peu ce qui est arrivé quand après environ 100 km, Martin est victime d’un bon coup de chaleur. Motivés d’un trop-plein d’enthousiasme à l’idée d’une telle épopée, nous avons roulé à un rythme trop rapide. La chaleur accablante combinée au dénivelé du premier quart de ce parcours sont venus à bout de notre costaud de service. De toute évidence, il traverse un mauvais moment, et nous devons déjà prendre une décision difficile.

Nous décidons alors de poursuivre, Lyne et moi, laissant Dany et Martin derrière. Ils compléteront à un rythme plus cool, et nous pourrons remettre du charbon dans le foyer. Il reste 350 km à faire, environ 6 heures de clarté avant d’avoir à sortir les lumières, pas le temps de niaiser.

Je me retrouve donc seul avec mon olympienne préférée et nous fonçons tête baissée, chacun sachant ce qu’il doit faire. Mis à part un moment sur la piste L’Estriade, ancienne voie ferrée maintenant asphaltée, où un vent de face et une pente à moins de 4% nous apparaissent comme un défi digne de l’Everest, nous avalons les kilomètres à bonne vitesse, sans anicroche, profitant de la beauté du comté.

Il y a 7 points de contrôle, nous devons prendre un autoportrait à chacun d’eux. Malgré les heures qui s’écoulent, nos sourires surpassent les traits tirés par la fatigue. À chaque point nous attend une surprise : galette délicieuse, savon local (on en aura bien besoin plus tard), sandwich et tartelette sont de fabuleuses additions à cette journée bien remplie. C’est vers 21h que nous atteignons la ville de Richmond où nous attend un smoke meat, couronnant près de 300 km en selle.

Après la canicule du jour, la température est plus fraîche, mais les jambes… un peu moins. C’est là que je décrète l’heure d’un « nettoyage de camping », dans la salle de toilette du bar. On en profite pour enfiler un cuissard et un maillot propre. La transpiration et la poussière nous ayant gommés et laissés dans un état plutôt moribond : repartir dans des vêtements propres a un effet revigorant.

Un arrêt au dépanneur du coin nous permet aussi de faire le plein d’eau, de chips et d’amandes salées. La santé mentale prend parfois le dessus de la logique dictant la santé nutritive… bien que nous ne le sachions pas à ce moment, c’était le dernier ravitaillement auquel nous aurions droit avant la fin de la ballade.

Rouler dans le noir est une expérience que tout cycliste devrait expérimenter. Éclairé d’un faisceau clair, mais limitant tout de même l’amplitude du champ de vision, on vit des moments grisants et uniques. Nous roulons dans le calme de la nuit, croisant quelques ratons et autres yeux lumineux sur les bords des chemins. Tout cela a un côté zen et méditatif hors du commun.

Vers 3 h du matin, Lyne me dit qu’elle commence sérieusement à cogner des clous, après 19 heures de vélo. Nous ralentissons sérieusement, incapables de pousser sur les pédales. Elle court à côté du vélo pour tenter de rallumer la flamme. De mon côté, chaque fois que je mets le pied à terre pour l’attendre, je suis étourdi au moment de repartir. Tour de contrôle, nous demandons l’autorisation d’atterrir.

C’est comme ça qu’au milieu de nulle part, nous décidons de prendre une pause, je remarque un parc sur le bord d’une rivière. Au croisement du chemin Boynton et du sentier Tomifobia, nous déposons nos montures pour une sieste de trente minutes : elle, assise et appuyée à un arbre, moi, couché en boule directement sur le sol.

Le moment est stratégique. Quand nous repartirons, l’aube se pointera et nous pourrons apprécier les doux rayons du soleil et la lumière du jour qui se lève une deuxième fois lors de cette même sortie. La rosée et la brume du matin, couvrant lourdement les champs des fermes que nous traversons, donnent un aspect irréel à ce moment magique.

Nous grelottons tous les deux, déterminés à nous réchauffer en pédalant plus fort. C’est là que l’on constate que nos réserves de nourriture sont vides, avec plus de 50 kilomètres à parcourir sur plus de 700 mètres d’ascension. Si d’habitude je dis que faire des côtes permet de rouler plus longtemps et que j’aime ça, après 450 km, c’est peut-être légèrement superflu, en témoignent les quelques mots d’Église prononcés par ma partenaire. Je ne crois pas que cela eut été toléré à l’Assemblé nationale.

Nous franchissons finalement la ligne d’arrivée près de 24 heures après notre départ. Toute qu’une randonnée ! La plupart des 70 participants ont divisé la distance à parcourir en trois grosses journées. On peut dire que c’était « une pas pire journée au bureau ». Et si vous pensiez que passer 8 heures assis à un bureau était dur sur la nuque et le popotin, imaginez une vingtaine d’heures sur un siège de vélo. Le pire, c’est que l’on recommencerait demain, allez comprendre pourquoi… oh, et pour fermer la boucle, j’ai bel et bien eu le temps de mettre de la crème solaire avant de partir.

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3 Comments

  1. Mario Vachon

    En bonne compagnie, le temps passe vraiment plus vite !!! Bravo!

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  2. Suzanne Gagnon

    Incroyable et savoureux comme récit. Félicitations les guerriers du vélo 👍

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  3. ALAIN DAVIAULT

    Un récit qui me dit qu’il vaut mieux se définir plutôt que se laisser définir et de travailler en concertation avec l’autre et les environnements. Bravo à vous deux !

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