NOËL au chalet
Par serge-grenier
Je n’ai jamais tenu chalet dans le Nord même si je fréquente les lieux depuis toujours. Ni maison, ni chalet, rien. Mais cela ne m’empêche pas de fréquenter des amis qui en ont, eux. Le chalet de mes rêves se situe du côté de Sainte-Anne-des-Lacs, même s’il n’est pas encore construit.
Un plancher pour marcher, un toit pour recueillir l’eau de pluie, de grandes fenêtres. Du bois, beaucoup de bois. Haie de cèdres imposante pour ne pas voir du solarium l’abri tempo. Cuisine américaine comme on dit à Paris. Certifié tout ce qu’on veut, le plus vert des chalets verts: l’émeraude de la municipalité régionale des Pays-d’en-Haut.
Pas Salon des métiers d’art une miette, ce chalet. Un choix. Deux seules concessions au passé: l’imposante et superbe armoire bretonne XVIIIe, acquise à prix d’or chez un antiquaire de la rue Crescent mais dissimulant tout de même la télé, et un tapis, un très beau tapis tissé par des doigts de fée au Kirghizistan dans les années vingt à des salaires de crève-faim. C’est fou de marcher dessus. Le bon bois sec qui crépite et sent bon, ces langues de feux rouges et bleues se tortillant d’aise. Ça parle, un feu. La prudence élémentaire de l’écran empêche toute étincelle de sauter s’éteindre dans la riche toison d’un ours blanc du Nunavut abattu avant la grande interdiction. Cactus géant dans un angle vitré, heureux contrepoint aux épinettes de dehors. Pour l’ambiance, le coup d’œil et le son, une chaîne dernier cri Bang & Olufsen.
Vues sur plein d’arbres, feuillus pour les couleurs et résineux pour la senteur. Éclairage aussi savant que discret côté cour, donnant un érable bleu du plus bel effet. Dans un coin rocailleux du jardin, un espace zen pour me ressourcer. Bain d’oiseaux. J’ai tout, je crois.
Bureau à la britannique, je dirais. Lampes de cuivre, acajou pour le secrétaire, lambris. Là aussi coin feu, même si ça finit par coûter cher de bois. Le lit. J’insiste pour qu’il soit porteur de beaux rêves et de chevauchées fantastiques. Éclairage tamisé, propice. Salle d’eaux entière sauf le bidet. Personnellement, je n’y arrive pas et une amie pourrait s’y laver les cheveux, pensant que.
La cuisine. Ah, la cuisine! Je pense à tout. Rangement à profusion, rebord de fenêtres pour fines herbes, électroménagers aussi performants que flattant l’œil, coin repas. Le gaz pour la cuisson, y’a que ça! Vaisselle que blanche. Et surtout pas de verres de couleur, ça porte malheur. J’aime les plats mijotés en cocotte Le Creuset. Ça fait rustique.
J’allais oublier l’arbre de Noël. Je n’ai pas de crèche à lui mettre au pied alors je ferai sans. Un vrai sapin? C’est un arbre de moins dans la forêt. Un artificiel avec garantie de la Tire Canadienne? On le voit tout de suite que cet arbre n’en est pas un. Surtout le blanc avec incassables boules bleues déjà suspendues. On oublie l’arbre de Noël. Me rendant visite, des gens venus des Îles (Montréal, Laval). Ah, les Îles: si proches et déjà si différentes! Ces iliens nous adorent, ils ne peuvent nous résister. La preuve: ces ponts qu’ils ont construits au fil des ans, Gédéon-Ouimet inclus. Ils sentent le besoin de se rattacher au continent, c’est viscéral, c’est québécois. À propos, que mangé-je dans le temps des Fêtes? Et qu’organisé-je comme soirée? Un cocktail dînatoire? Un souper tapas? Une dinde? Ils ne coucheraient quand même pas tous ici et je n’ai qu’une seule chambre d’amis en plus d’avoir tendance à vouloir dormir seul par les temps qui courent. L’été, ça irait, ils apportent leur tente ou ils couchent dans le Winnebago. Mais l’hiver.
Municipalité bien protégée, c’est rassurant. Les forces de l’ordre veillent au grain. Un seul appel et la police arrive plus vite que la pizza. Les voisins seront vraiment sympas. Tarte aux pommes encore fumante en guise de cadeau de bienvenue dans le secteur. On me proposera sans surprise de ma part le covoiturage pour aller travailler dans l’Île.
Mon chalet, vous l’aurez compris, n’est pas encore construit et le terrain pas encore acheté. Faudrait que je me dépêche. Une vie est si vite passée. Comment compenser? Les amis voyons! Ceux qui durent et les nouveaux qui se font au hasard des rencontres dans nos belles montagnes et autres dîners en ville.
J’aime ainsi rêver…