Trouver sa voix
Par Josée Pilotte
Des êtres et des choses me fascinent: les athlètes qui repoussent sans cesse les limites du corps humain, courant un marathon en moins de deux heures (une limite sur le point d’être atteinte selon les experts); les neurochirurgiens qui font des miracles avec leurs doigts de fée; les scientifiques comme Hubert Reeves qui réfléchissent sur l’infinitude de l’univers; les Steve Jobs et autres visionnaires de ce monde qui ont eu le génie d’y croire et de faire. Le Machu Picchu au Pérou, une création de l’Homme qui dépasse l’entendement. Le génie créatif des artistes qui, à travers une œuvre, déclenche une émotion chez l’autre.
Mais pourquoi cette fascination? Car il y a souvent un «mais» ou un «pourquoi», dans toute fascination quelle qu’elle soit… et après toutes ces énumérations toutes aussi fascinantes les unes que les autres, et bien comprenez que je m’explique (très) mal ma «grande fascination» pour… La Voix, «The Voice» pour les Français.
Quand je me vois assise en boule dans mon salon chaque dimanche soir, “scotchée” devant ma télé, le son dans le tapis, vêtue de mon coton-ouaté-à-capuche, et bien je crois être devenue moi-même l’une de mes propres fascinations!
Chéri me regarde alors d’un air effrayé comme si j’étais une folle finie, mais même ça je m’en fous. J’ai abandonné la grand’messe du dimanche et «Dieu Lepage» sans aucun remord. J’ai contaminé mon plus jeune qui est presque à son tour devenu aussi fou que moi, mais je trouve ça drôle.
Bref, ne m’invitez pas, ne me téléphonez pas. Le dimanche soir chez les Gascon/Pilotte, on écoute La Voix!
Bizarrement je n’ai jamais été une fan d’émissions telles que Belle et Bum, Beau et chaud, L’École des fans, ou encore La Soirée canadienne comme dans l’temps de nos parents. En fait ce genre d’émissions me tape sur les nerfs normalement. Pourtant, j’adore la musique sous toutes ses formes. Dans mon iPod? Du
Brassens comme du Albin de la
Simone, le dernier Pierre Lapointe comme le nouveau Suuns, ce groupe rock-électro montréalais dont le NY Times a fait l’éloge récemment. Bref plein de trucs de l’artiste émergent jusqu’à la bonne vieille toune des années 80, en passant par de… «fascinants»… classiques.
Et le pire, c’est que j’ai toujours eu en horreur les groupies qui développent une fascination démesurée pour leur vedette. Je ne comprends pas qu’on puisse arriver à un show avec une pancarte: «Je t’aime Céline!» Ni le tatouage sur le torse. Je comprends encore moins qu’on veuille faire le tour de la planète pour assister à tous les shows de Madonna. J’ai un frisson dans le dos quand je repense aux femmes qui perdaient connaissance à la vue d’un seul petit déhanchement d’Elvis sur scène, ou de la tronche d’un Beatles. Alors fouillez-moi le pourquoi du comment mais je suis maintenant une groupie. Et une groupie assumée en plus de ça!
Plus aucun jugement, le sens critique à vingt milles lieues sous les mers.
Le show n’est pas seulement à la télé, il est aussi dans mon salon!
Bien sûr, je pourrais toujours intellectualiser la chose et chercher à comprendre ce phénomène social qui envahit nos écrans. Certains spécialistes se sont penchés sur le sujet et selon eux il existe une recette miracle pour nous rendre accros à ce genre d’émission: beaucoup d’identification (ça pourrait être ma voisine, ou moi, sur la scène), une pincée de misérabilisme, dans un bouillon de compétition. Ajoutez le pouvoir des juges (les juges officiels sur le plateau et nous-même au bout du fil) sur les concurrents, comme au temps des jeux du Cirque à Rome alors que le peuple détenait le pouvoir de vie ou de mort sur les gladiateurs. Et vous avez là le cocktail parfait d’une bonne téléréalité.
Devant tout le succès de ce «Cirque» d’aujourd’hui auquel je participe moi aussi, assise en boule dans mon salon tous les dimanches soirs, je ne peux m’empêcher de me demander quand même: tant de bruit autour de telles voix risque-t-il de finir par les enterrer? Et je trouve cette question… bien fascinante elle aussi.