La meilleure façon d’écoeurer touristes et villégiateurs

Par stephane-desjardins

Notre chroniqueur, rédacteur en chef d’un journal financier, s’attaque avec zèle aux débats économiques qui animent la région.

es travaux se poursuivent sur l’autoroute des Laurentides. Un chantier immense, plus que nécessaire. Que Québec aurait dû entreprendre il y a plus d’une décennie.

J’arrive d’Afrique du Sud. Ce pays a beau avoir l’économie la plus développée et la plus moderne du continent africain, je me serais attendu à des routes correctes, sans plus. Mais leurs autoroutes sont parfaites. Toutes leurs autoroutes. Pas un nid-de-poule. Pas une craque. Pas une bosse. Même leurs routes secondaires feraient rougir n’importe quel Québécois. J’étais en Afrique. Le continent le plus pauvre du monde. Alors que le Québec fait partie du G-8. On a beau avoir un hiver plus rude que celui d’Afrique du Sud (dont l’hiver ressemble à notre été), la comparaison laisse songeur. Québec a tout de même compris le message et investit dans les infrastructures. Enfin. Mais je me suis fait prendre trois fois en deux semaines de transit entre Montréal et Sainte-Adèle. L’équivalent de l’heure de pointe aux approches du pont Champlain. Un samedi matin. Un vendredi midi. Juste pour aller chercher des matériaux pour ma nouvelle clôture, j’ai perdu plus de deux heures chaque fois. Imaginez quelqu’un qui ne retape pas sa maison dans le Nord. Imaginez comment se sent le touriste égaré dans une forêt de gravats, de dix roues et de bétonneuses, coincé dans un trafic qui avance à la vitesse météorique de 20 km/h. Le ministère du Transport a prévu mesures et amendes garantissant une certaine fluidité du trafic. Je reconnais qu’il s’agit d’un défi certain. D’autant plus que les itinéraires alternatifs sont rares. Mais pourquoi n’a-t-on pas installé des panneaux incitant les automobilistes à emprunter les routes 117 et 125? Pourquoi n’y a-t-il pas davantage d’informations données aux automobilistes? Ils auraient pu installer un centre de surveillance avec caméras et panneaux indiquant le nombre de minutes de retard entre telle ou telle sortie. Panneaux qui pourraient suggérer un itinéraire alternatif. Je n’ai rien vu sur le site web du ministère des Transports à ce sujet. Le site répertorie tous les chantiers en cours, ce qui est une bonne chose. Il indique la date projetée de fin des travaux, mais pas de suggestion d’itinéraires de contournement. Donc, le touriste doit jouer à la roulette russe… La plupart du temps, il s’aperçoit trop tard qu’il y a des travaux majeurs une fois pris dans la soupe. Pour l’économie Laurentienne, c’est un irritant de plus dans une année où les Américains se font rares, traumatisés par la baisse de leur économie et un endettement personnel et collectif qui frise le scandale. Les gens qui éprouvent l’expérience de la 15 une première fois arrivent souvent en retard par rapport à ce qu’ils avaient projeté: c’est une nuitée, un repas ou deux de moins dans les Laurentides, une activité reportée à plus tard ou même aux Calendes grecques. Et ceux qui reviennent passent moins de temps dans le Nord, car ils tentent de passer aux heures de faible achalandage. Leurs dollars sont donc injectés ailleurs. Je n’ai pas de chiffres sur ce phénomène, mais il est reconnu que tous les chantiers d’infrastructures affectent l’économie locale. Parlez-en aux commerçants de Sainte-Adèle quand Québec a refait la 117 en plein centre-ville, il y a une décennie. Les Laurentides perdent des millions, c’est certain, dans la réfection de l’épine dorsale de leur réseau de transport. Et comme un malheur ne vient jamais seul, la rentrée s’est transformée en cauchemar sur le bitume flambant neuf de la 15. Il aurait fallu investir dans le transport en commun. Multiplier les liaisons ferroviaires et les bus. Et, pourquoi pas, rêver d’un train de banlieue qui va à Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, à l’autre bout de Mirabel, même à Lachute ou Bois-des-Filion. Il aurait fallu augmenter le nombre de trains et de bus qui desservent déjà la région. Mais Québec a choisi de mettre l’argent ailleurs. Il est, certes, impossible de se passer d’automobiles hors de la métropole. Mais pour faire la navette entre son boulot et son domicile, à heures fixes, rien ne vaut le transport en commun. Je l’ai fait pendant des années. Et pendant plusieurs de ces années, il y avait des chantiers routiers majeurs. C’était une époque où je payais ma carte mensuelle avec le sourire!

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