Go, môman, go!

Par Josée Pilotte

J’ai le bonheur de vivre avec trois hommes. Trois vrais. La maison regorge de testostérone. Détrompez-vous je ne pratique pas la polyandrie, my god non, beaucoup trop exigeant et compliqué pour moi. Non, un seul chanceux est admis dans mes draps (quoique parfois vient se lover en boule un p’tit Lou en manque d’affection).

Je dirais plutôt que, dans mon cas, vivre avec trois hommes ressemble plus à une gymnastique perpétuelle qui vacille entre le saut de Tarzan et la chute libre sans parachute; tout comme la pauvre Olive dans Popeye qui essaye tant bien que mal d’exécuter le grand écart en équilibre entre deux fils électriques (une jambe à l’Est, une jambe à l’Ouest). D’ailleurs je ne sais pas pourquoi mais dans ma jeunesse, on m’a souvent comparée à Olive. Moins par affection pour mon apparence plutôt longiligne que par moquerie pour mon petit côté «garçon manqué dégingandé». Tout ça pour dire que je n’ai pas souvent le loisir de me plaindre ne serait-ce qu’une minute. On me pousse toujours au bout de mes limites.
«Go môman go! T’es capable!»

J’ai le grand privilège de pratiquer le vélo de montagne avec mon ado de 16 ans. Presque 17 (je tiens à le préciser!). J’ai le privilège de me retrouver souvent seule, dans les bois, en vase clos avec lui à dévaler les montagnes.

Je dis «privilège» puisque jusqu’à maintenant je n’ai jamais croisé dans son regard cette gêne, cette honte que nous éprouvions parfois nous-même envers nos parents à cet âge rebelle. Au contraire je dois dire que j’ai le plaisir d’y voir plutôt… oui… de la fierté. Une fierté qui se traduit un peu trop souvent à mon goût par: «Go môman go! T’es capable!»

Pourtant, j’ai beau lui dire que môooooman a ses limites, qu’elle n’espère en aucun cas faire les prochains jeux olympiques, que le vélo de montagne ce n’est pas un sport de moumoune et qu’il n’y a pas beaucoup de môooooomans de quarante ans qui pratiquent ce sport et qui suivent (même de loin) leur fiston de 16 ans presque 17.

J’ai beau lui dire qu’il n’y a pas beaucoup de mères qui portent le «bleu» aussi fièrement aux mollets et aux coudes que moi. Qu’au contraire, les mères «normales» préfèrent porter de loin la petite robe soleil et le talon haut laissant ainsi apparaître une jambe galbée et basanée à souhait plutôt que d’y vider une bouteille de fond de teint à chaque fois pour camoufler les ecchymoses. Oui, j’ai beau lui dire tout ça.

Mais. Rien à faire. Je n’ai pas le droit de m’arrêter dans une montée pour reprendre mon souffle… et surtout pas le droit d’appliquer les freins dans une descente, sans entendre: Qu’est-ce que tu fais, Môman?!…

J’pédale, bout-d’viarge, j’pédale.

Mais j’aime encore mieux pédaler dans les bois, en vase clos avec lui, en suant, à dévaler les montagnes, que pédaler devant un juge parce que, pour mon ado, la vie est une montagne…

Disons que, pour Môman, les sueurs ne seraient pas les mêmes.

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