(Photo : Courtoisie)
Flavie Payette-Renouf et sa grand-mère en 1988.

45 ans plus tard : L’héritage de Lise Payette

Par Rédaction

JE ME SOUVIENS

Flavie Payette-Renouf possède aujourd’hui un nom de famille composé, réalité rendue possible grâce à sa grand-mère Lise Payette. À l’époque ministre d’État à la Condition féminine, cette dernière permettra que les enfants puissent porter le nom de famille de leurs deux parents à partir de 1981. Décédée  en 2018 à l’âge de 87 ans, Lise Payette fut journaliste, animatrice, écrivaine, pionnière en politique et figure emblématique du féminisme québécois. Sa petite-fille nous raconte cette femme d’exception qui a légué à elle et à tout le Québec, un héritage des plus inspirants.

Il y a quelques années, Flavie a été approchée par Jean-Claude Lord pour réaliser un documentaire au sujet de sa grand-mère qui s’intitulera « Lise Payette : Un peu plus haut, un peu plus loin » et sera diffusé en 2014. Il s’est agi d’une expérience très enrichissante pour la jeune femme aujourd’hui réalisatrice âgée de 32 ans. « Ce qui m’a fasciné, c’est de voir à quel point elle a été très rapidement conscientisée par son désir que les femmes prennent leur place dans la société. […] Toute jeune, elle avait déjà des ambitions et des désirs de faire avancer les causes auxquelles elle croyait. »

Deux luttes communes

Flavie Payette-Renouf décrit sa grand-mère comme étant une femme qui s’est battue toute sa vie pour ses convictions, qui remettait les choses en question et qui ne baissait jamais les bras, des valeurs qui s’inscrivent aujourd’hui dans celles de sa petite-fille. « Quand j’ai l’impression qu’ily a une injustice, j’ai envie de la faire connaître pour qu’on comprenne qu’elle est présente et pour essayer de changer les choses. Automatiquement, quand je suis sur une production de télévision, je vais essayer d’avoir des filles dans l’équipe, de leur donner confiance. »

D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, Flavie Payette-Renouf travaille en tant que réalisatrice, elle qui mentionne être tombée dans le milieu très jeune alors que sa grand-mère et sa mère écrivaient des téléromans. En effet, Lise Payette fut aussi une grande animatrice et auteure. « Elle a toujours eu l’impression qu’elle avait moins les mains liées en écrivant des téléromans qu’en politique où il y a vraiment des règles à respecter et un protocole. Alors qu’en télévision, elle pouvait faire réfléchir des gens beaucoup plus facilement avec ses personnages et ses documentaires ». Aujourd’hui, Flavie aborde son métier d’une manière semblable et engagée. « C’est une forme de pouvoir dans le sens qu’à travers des documentaires et des reportages, j’ai l’impression que je peux essayer de faire changer les mentalités, d’offrir un regard différent sur certaines situations. »

Les deux grandes luttes de Lise Payette furent l’égalité des femmes et la souveraineté du Québec, deux luttes qui sont aujourd’hui celles de sa petite-fille. « L’indépendance du Québec, c’est quelque chose que ma grand-mère m’a léguée, qu’elle m’aura appris à comprendre et pourquoi nous devrions le faire ».

La Fête nationale occupe bien entendu une place particulière chez la famille Payette. « Ma grand-mère a organisé en 1975 une des plus grandes fêtes nationales de tous les temps; je pense qu’elle n’a jamais été égalée. […] C’est certain que pour ma grand-mère, ça toujours été quelque chose qu’elle voulait célébrer et elle me l’a transmis. »

L’épisode des « Yvettes »

Flavie revient sur cet épisode plus sombre de la carrière politique de sa grand-mère. « Je pense qu’elle [Lise Payette] a été vraiment dépassée par tout ce qui a été fait. Elle avait quand même l’impression que c’était allé plus loin que ce que représentaient vraiment les paroles dans lesquelles elle s’était enfargée et qu’elle aurait préféré ne pas dire. »

Malgré tout, Lise Payette a quand même su relever du positif à travers cette expérience. « Elle a passé toute sa vie à dire aux femmes de s’impliquer et de s’engager en politique. De voir qu’il y avait 10 000 femmes qui s’étaient déplacées pour aller manifester, même si c’était contre elle, voir que les femmes prenaient position, elle en était quand même très fière », souligne la réalisatrice.

Passer le flambeau

Lise Payette a toujours dit avoir énormément confiance en la jeunesse. Justement, au cours du documentaire, elle échange avec de jeunes politiciens dont Gabriel Nadeau-Dubois. « Même si elle ne partageait pas forcément les idées de Gabriel dans Québec Solidaire, elle trouvait ça magnifique de voir les jeunes se mobiliser, discuter et faire avancer le débat », indique sa petite-fille. Ainsi, Lise Payette ne s’est jamais contentée de ses convictions, elle qui préférait le débat et le progrès. « Elle aimait débattre, elle aimait discuter. Pour elle, parler à des gens convaincus qui se parlent entre eux, ça ne fait pas avancer
les choses. »

Cette grande femme a ainsi légué un héritage important non seulement à sa famille, mais à tout le Québec. « Je pense que l’héritage qu’elle lègue aux femmes est vraiment majeur. […] Quand elle était au conseil des ministres, dès qu’elle recevait une liste de noms, s’il n’y avait pas des noms de femmes pour un poste, elle disait : « retournez faire vos devoirs, je veux qu’il y ait des noms de femmes qui soient considérés ». Cet entêtement à remettre en question, je crois que c’est quelque chose qu’elle a initié et qui continue aujourd’hui. Je crois que les femmes du Québec lui en doivent beaucoup et le Québec en général aussi. »

Historique : L’épisode des « Yvettes »

Le 8 mars 1980, Lise Payette dénonce à l’Assemblée nationale les stéréo-types sexuels encore présents dans les manuels scolaires québécois. Ainsi, le petit garçon, appelé Guy, pratique des sports et aime la compétition, alors que la petite fille, prénommée Yvette, aide au soin de la maison et est bien obéissante.

Le lendemain, lors d’une réunion partisane, Lise Payette revient sur le sujet et déclare que Claude Ryan, chef du camp du Non [Référendum de 1980] et chef du Parti libéral du Québec, souhaite que les femmes demeurent des Yvettes et elle ajoute qu’il est marié à une « Yvette ».

Bien qu’elle se soit par la suite excusée, l’erreur sera exploitée pour faire la promotion du « Non ». Un grand rassemblement sera même organisé et auquel participeront 15 000 personnes – en majorité, des femmes.

Le 18 mai 1980, le « Non » remportera le référendum.

Source : Encyclopédie Canadienne
Flavie Payette-Renouf et Lise Payette accompagnées de Pauline Marois et Sophie Thibault lors du tournage du documentaire. Photo : Courtoisie

1 commentaire

  1. J’aimerais vous signaler que le référendum s’est tenu le 20 mai 1980 et non le 18 comme l’article le mentionne. L’erreur vient de l’Encyclopédie canadienne. Merci

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