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Annus horribilis

Par Simon Cordeau

Qu’on se le dise, 2020 a été une année calamiteuse. Elle était à peine commencée qu’on voulait déjà qu’elle finisse! Se sont succédés les désastres, les crises, les frustrations et les inconforts.

Certes, je me réjouis de voir se conclure cette annus horribilis (année horrible, pour ceux qui ont perdu leur latin), et je vous souhaite à tous une annus mirabilis pour 2021 (une année miraculeuse).

Cela dit, le confort qui nous reste aurait fait bien des jaloux parmi nos ancêtres.

En 1914, on vous obligeait à tuer d’autres êtres humains, sur un autre continent, caché dans une tranchée boueuse et froide, pendant qu’on faisait pleuvoir des bombes sur votre tête. Et si, par chance, vous en reveniez vivant, peut-être avec quelques membres en moins, on était étonnés que l’expérience vous ait « changé ». On avait même peur que votre état traumatisé soit… contagieux.

Aujourd’hui, on vous RECOMMANDE de rester chez vous. Pour votre sécurité. Et certains désertent leur foyer.

En 1858, ça pue à Londres. Ça pue toujours, à Londres, parce qu’il n’y a pas d’égouts. Vous faites vos besoins personnels dans un seau et vous jetez ça dans la Tamise ou, tout simplement, par la fenêtre. (Tenez-vous loin des murs, si vous vous promenez en ville!) Mais cet été 1858, il fait tellement chaud que l’odeur est insupportable, même pour les lords qui siègent au Parlement. Ils décident de doter la ville la plus populeuse du monde d’un système d’égouts. Cet épisode de l’histoire s’appelle d’ailleurs The Great Stink.

À Montréal, on construit le système d’aqueduc et d’égouts durant les mêmes années. Mais dites-vous que l’eau courante ne sera filtrée qu’à partir de 1918, après une épidémie de fièvre typhoïde en 1910.

Aujourd’hui, vous pouvez prendre votre douche tous les matins, et évacuer vos déjections dans une eau cristalline. Mais ce qui effraie vos concitoyens durant une crise mondiale, ce qui les empêche de dormir la nuit… c’est de manquer de papier de toilette.

En 1763, le sucre valait tellement cher que la France a préféré céder, à la Grande-Bretagne, le vaste territoire de la Nouvelle-France (sauf la Louisiane) plutôt que quelques petites îles antillaises où on cultivait la canne à sucre.

Aujourd’hui, vous pouvez boire une canette d’eau sucrée, et pétillante (et peut-être même caféinée!), refroidie par votre frigo, pour moins d’un dollar.

En 1920, les États-Unis interdisent la production et la vente d’alcool. Au Québec, l’alcool est prohibé de 1919 à 1921.

Aujourd’hui, tant les SAQ que les SQDC sont considérées services essentiels!

En 1941, on commence à utiliser la pénicilline pour traiter les infections. Avant, si une blessure s’infecte, il fallait couper. Et je ne suis pas sûr qu’on vous endormait avant…

Aujourd’hui, on vous demande de porter un masque en tissu. Et certains s’en plaignent.

Tout ça pour dire, oui l’année était horrible, mais assis dans mon divan, au chaud, avec une bonne bière bien froide, incapable de choisir un film parmi les milliers disponibles instantanément, je préfère me réjouir des conforts qu’il nous reste, plutôt que de me plaindre des petits inconforts temporaires de 2020.

 

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