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Banques alimentaires : la faim gagne du terrain

Par Simon Cordeau

Les Canadiens dépendent de plus en plus des banques alimentaires pour se nourrir. Celles-ci ont reçu 1,5 million de visites en mars 2022, c’est-à-dire 15 % de plus qu’en 2021, et 35 % de plus qu’en 2019, révèle le bilan annuel de Banques alimentaires Canada. Au Québec, c’est encore pire : le Bilan-Faim 2022 recense 2,2 millions de demandes d’aide alimentaire chaque mois, soit 20 % de plus qu’en 2021. De plus, 34 % des bénéficiaires sont des enfants.

Dans les Laurentides, l’augmentation est moins importante, «mais quand même présente», explique Annie Bélanger, directrice générale de Moisson Laurentides. En mars 2022 dans la région, les programmes de dépannage alimentaire ont reçu 37 050 visites : à peine plus qu’en 2021, mais 10 % de plus qu’en 2019. Ici, 28 % des bénéficiaires sont des enfants.

Inflation

«L’inflation a un impact énorme sur une clientèle déjà fragilisée», indique Mme Bélanger. L’alimentation est souvent le seul élément du budget encore compressible, ajoute-t-elle. Ainsi, les gens doivent se rabattre sur l’aide alimentaire pour manger à leur faim et boucler les fins de mois.

Aussi, la clientèle touchée par l’insécurité alimentaire est en train de changer. Les aînés, par exemple, sont plus nombreux à faire appel aux banques alimentaires. Leurs revenus de pension sont souvent fixes, sans indexation. Cela veut dire qu’une importante augmentation du coût de la vie les touche particulièrement, détaille Mme Bélanger.

Les travailleurs, même à temps plein, sont également affectés. «Pour les gens au salaire minimum ou proche, quand on voit le prix du logement, de l’essence, du panier d’épicerie augmenter, la marge de manoeuvre est mince», illustre-t-elle. Ce sont 12,8 % des demandes alimentaires qui viennent de gens qui occupent un emploi. «C’est quand même beaucoup», s’alarme Mme Bélanger.

Elle s’inquiète également que les enfants représentent près du tiers des bénéficiaires. «C’est difficile à croire dans une province comme le Québec où il y a de l’abondance. Mais c’est la réalité», déplore-t-elle. Aussi, il y a encore beaucoup de préjugés autour de l’insécurité alimentaire, et cela peut stigmatiser les gens qui en ont besoin. «Les chiffres, ce sont ceux qui vont demander de l’aide. Il y a beaucoup de gens qui vivent de l’insécurité alimentaire et qui n’en demandent pas, de l’aide.» Tout le monde peut être touché, rappelle-t-elle, tant votre voisin, votre ami que votre belle-soeur. Il suffit d’une perte d’emploi, d’une séparation qui va mal, ou d’une maladie qui frappe sans assurance adéquate, illustre-t-elle.

Moins à offrir

Ce qui est plus inquiétant encore, selon la directrice générale, c’est l’approvisionnement. Celui-ci a diminué de 18 % depuis l’année dernière pour Moisson Laurentides. Les fournisseurs, comme les producteurs, les transformateurs et les épiceries, doivent eux aussi composer avec des chaînes d’approvisionnement fragilisées et l’augmentation des coûts. Ils continuent leur soutien, se réjouit la directrice générale, mais ils ont diminué leurs dons en denrées, desquels dépendent les banques alimentaires.

Ainsi, Moisson Laurentides avait consacré 30 000 $ à l’achat de denrées en 2019. «Là, on est à 700 000 $ en 2022», regrette Mme Bélanger. «Pour compenser, on aura une personne qui sera vraiment dédiée aux relations avec les fournisseurs, pour maintenir ceux qu’on a et aller en chercher de nouveaux.» Elle espère aussi que la Grande Guignolée, qui aura lieu le 1er décembre, permettra de récolter assez de denrées et de dons monétaires pour maintenir les services. «Peut-être qu’on ne sera pas toujours obligés d’investir autant. Je crois qu’on pourrait diminuer de moitié, si on travaille bien avec nos fournisseurs», souhaite-t-elle.

Toutefois, il est difficile de compter uniquement sur des dons, reconnaît Mme Bélanger, surtout lorsque la demande augmente autant.


La faim en chiffres

Au Canada, les banques alimentaires ont reçu 1,5 millions de visites en mars 2022. C’est 15 % de plus qu’en 2021, et 35 % de plus qu’en 2019.

Au Québec, il y a 2,2 millions de demandes d’aide alimentaire chaque mois en 2022. C’est 20 % de plus qu’en 2021. Cela représente mensuellement :

  • 589 940 collations servies;
  • 1 189 498 repas servis;
  • 493 420 dépannages ou paniers de provisions;
  • 671 000 personnes aidées.

Dans les Laurentides en mars 2022, on compte 37 050 visites aux programmes de dépannage alimentaire, pour 45 570 personnes aidées, dont 15 310 enfants. Parmi les bénéficiaires :

  • 49,2 % sont sur l’aide sociale;
  • 13,1 % sont sur la pension de vieillesse;
  • 12,8 % ont un emploi;
  • 5,4 % sont sur l’assurance-emploi.

Grande Guignolée

Le 1er décembre prochain aura lieu la Grande Guignolée. Comme chaque année, des bénévoles récolteront les denrées alimentaires et les dons monétaires. Cela permettra de fournir des paniers aux plus vulnérables et à ceux qui en ont besoin.

On cherche des bénévoles, qui peuvent participer seuls, entre amis ou avec leurs collègues. On invite aussi les entreprises intéressées à s’impliquer. «On demande aux gens 3 heures de leur vie. C’est une belle activité, c’est festif. Et on espère que les gens vont être généreux», encourage Annie Bélanger de Moisson Laurentides.

Pour s’inscrire: moissonlaurentides.org

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