(Photo : Courtoisie)
Karine Major, propriétaire de l’entreprise Sauveroise « Le P’tit Vallon ».

Cocher oui, cocher non

Par Jean-Claude Tremblay

L’industrie de la calèche prendra fin le 31 décembre prochain à Montréal, à la suite d’une décision de la mairesse Valérie Plante de bannir les activités, donnant ainsi raison aux plaignants qui réclamaient la fin des activités pour motif de cruauté envers les animaux. Fini les tours guidés, les chariots qui promènent les nouveaux mariés et les ballades romantiques sous les ciels étoilés : les chevaux seront dorénavant retraités, et quant aux cochers, c’est au chômage qu’ils devront se pointer.

Comme les traditionnelles balades en calèches sont encore présentes dans notre région, et compte tenu de la popularité et de l’attrait touristique de ladite activité pratiquée en toutes saisons, la question suivante s’est naturellement posée : est-ce que les Laurentides emboîteront le pas de l’interdiction, ou deviendront-elles un bastion de résistance ?   

Contestation 2.0 : la genèse 

Dans le cas de Montréal, c’est le web et les réseaux sociaux qui ont accéléré et propulsé l’intolérance, et encouragé les gestes d’intimidation envers les travailleurs de l’industrie de la calèche. Entre 2016 et 2018, de nombreuses et troublantes images montrant des chevaux tombés morts au sol (notamment à Montréal) ont fait le tour du monde et ont été en quelque sorte, un point de bascule qui aura réussi à nuire à toute l’industrie au Québec.

À l’ère de l’instantanéité de l’information, une où l’on ne prend pas le temps de nuancer ni de toujours considérer les deux côtés de la médaille, de si fortes images avaient déjà sonné la fin d’une époque et rallié une bonne partie de l’opinion publique à la conclusion suivante : « les cochers et exploitants de l’industrie sont tous coupables de cruauté envers les animaux et le jugement est sans appel. »   Ne soyons pas naïfs, la maltraitance existe et doit être dénoncée, certes, mais affirmer que « tous les acteurs du milieu sont coupables de maltraitance » est non seulement excessif, mais préjudiciable et inexact.  

Plus près de chez nous, mon enquête m’a mené sur la piste de Mme Karine Major, propriétaire de l’entreprise Sauveroise « Le P’tit Vallon », qui offre des services liés aux chevaux comme des tours de calèches, de l’équitation et des carrousels de poney. Depuis la pandémie « anti calèche » qui a pris de la vitesse en 2016, elle et son équipe se font insulter à chaque sortie qu’ils font, et c’est seulement la passion des chevaux qui l’incite à poursuivre dans son métier non traditionnel.

Un cheval traité comme un membre de la famille

Fille d’un ingénieur civil, celle qui a étudié en tourisme pour suivre son cœur afin de s’occuper des chevaux se dit atteinte et attristée par toute cette mouvance, souvent haineuse, qui émane de l’ignorance. « Moi mes chevaux font partie de la famille, chacun a sa personnalité et ses propres besoins et je les traite avec le plus grand des respects », a déclaré Mme Major. Ses chevaux font l’objet de rigoureux suivis par un vétérinaire et les activités de son entreprise sont surveillées par la MAPAC.

Néanmoins, Mme Major n’a jamais eu besoin d’une polémique pour prendre des mesures pour protéger ses animaux : « j’ai toujours limité les balades, en fonction de la condition des animaux, de leur humeur et de leur désir – tout comme nous, parfois ça ne leur tente pas et ce n’est certainement pas moi qui vais les forcer ! », à t-elle- lancé comme si elle parlait de l’un de ses enfants. Elle a débuté dans le domaine il y a 30 ans pour ensuite prendre la relève de son patron en 2002, année qui marque son début comme entrepreneure. « Ce n’est plus ce que c’était… je dois faire face à des gens qui chaque fois m’accuse de maltraitance et passe des commentaires désobligeants et intimidants – une fois une famille au complet s’est même mise à crier des slogans de maltraitance sans même m’avoir adressé la parole ni posé de questions au préalable.  Ce métier je ne le fais pas pour l’argent, je le fais par amour, il faut comprendre que les dépenses ont bondi de 41 % en deux ans alors ça ne peut pas être mon principal revenu », a-t-elle conclu. 

La SPCA sans équivoque

Fondée à Montréal en 1869, la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA de Montréal) a initialement été mise au monde pour améliorer les conditions de vie des chevaux de trait, alors omniprésents sur toute l’île de Montréal. Depuis ce temps, à la lutte pour la protection s’est ajouté un militantisme insistant pour l’abolition de l’industrie des calèches. À preuve, suite à un incident de calèche dans le Vieux-Québec en 2016, SPCA de Montréal avait publié ce qui suit sur son site : « le temps est venu de suivre l’exemple des autres grandes villes en éliminant progressivement cette industrie archaïque, cruelle et dangereuse ».

Au moment d’écrire ses lignes, les propriétaires de calèches ont annoncé qu’ils déposeraient au palais de justice de Montréal une injonction pour contrer la fin de leur industrie, prévue le 31 décembre prochain.   

Morale de l’histoire

Ce n’est jamais tout noir ni tout blanc. L’abus et la cruauté existent et nous devons comme société prendre acte et agir en conséquence : ça doit être tolérance zéro. Cela dit, il existe aussi des gens passionnés qui pratiquent le métier avec amour et passion, des gens comme Mme Major et combien d’autres qui le font avec morale et éthique, des gens qui ne méritent pas de se faire insulter, insultes qui soit dit en passant proviennent essentiellement de touristes.

Le message que les cochers tentent de transmettre tant bien que mal c’est « informez-vous avant de juger, vous pourriez être agréablement surpris ». Quelles que soient vos convictions profondes, faites-vous un point d’honneur de vous renseigner et ensuite, vous aurez tout le loisir et la légitimité d’évaluer selon votre âme et conscience.

Photo : Courtoisie
Photo : Courtoisie
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