Des élus connectés aux besoins de leur population
Par Rédaction
Depuis plus de deux mois, les Québécois sont nombreux à écouter les points de presse de Monsieur Legault. Dans les premières semaines de la crise, le taux de satisfaction vis-à-vis du gouvernement du Québec s’est élevé jusqu’à 95%. Plus que jamais, nous entendons parler de politique non seulement dans la province, mais partout à travers le pays et le monde. À cet effet, nous nous entretenons avec deux professeurs en sciences politiques à l’UQAM, André Lamoureux et Anne-Marie Gingras, afin de connaître leur vision de la gestion par nos gouvernements et les impacts probables de la pandémie sur la sphère politique.
La gestion de la crise
À travers sa vision de la crise, André Lamoureux déplore d’entrée de jeu l’«irresponsabilité » du gouvernement fédéral dans les premières semaines de la crise, en relevant notamment la réaction tardive au niveau du contrôle des frontières et des aéroports. « Je dirais que la gestion du gouvernement Trudeau a été vaporeuse dans les premières semaines. »
Pour ce qui est de la gestion de la crise par le gouvernement du Québec, le professeur déplore une « grave erreur » en lien avec les CHSLD. « Au début de la crise, d’une manière très pertinente, nous avons barricadé les hôpitaux, monter un système de protection, mais nous n’avons pas pensé une minute à faire la même chose avec les CHSLD. » En termes généraux le professeur dénonce un manque d’anticipation au sein des différents paliers gouvernementaux.
Tout de même, il salue la capacité du premier ministre du Québec à avoir créer un lien de confiance très rapidement avec les Québécois, élément le plus important selon lui. Anne-Marie Gingras reconnaît aussi la transparence du gouvernement. « La décision de communiquer beaucoup, je crois que c’était la bonne décision », affirme-t-elle.
Des critiques nécessaires, mais modérées
« Dans la période contemporaine, je pense qu’il n’y a jamais rien eu d’équivalent », avance André Lamoureux au sujet du taux de satisfaction extrêmement élevé vis-à-vis du gouvernement Legault et ce, surtout dans les premières semaines de la crise. De mémoire, Madame Gingras croit qu’il faudrait remonter à la crise du verglas en 1998 pour retrouver un taux semblable, si tel était bien le cas. Elle tient tout de même à rappeler que ces impressionnants taux d’approbation sont temporaires. « Évidemment qu’en période de crise, il y a des oppositions qui sont souvent plus modérées. Ça ne sert à rien de frapper sur la tête du gouvernement si la source du problème n’est pas celui-ci, mais plutôt la pandémie. »
En outre, André Lamoureux soutient que l’esprit critique doit demeurer. « Ce n’est pas parce que le gouvernement Legault fait un bon travail qu’il n’y a pas place à la critique et la mise en contradiction des ministres du gouvernement ». La professeure Gingras appuie aussi l’importance de l’opposition, mais spécifie que les critiques doivent être réalisées de manière intelligente. « Nous pouvons toujours faire des critiques, mais il faut les faire de manière modérée. Trop de partisanerie n’est pas tellement la bienvenue en période de crise. »
Un profil de leader à revoir?
Actuellement, nous sommes témoins non seulement au Canada, mais partout à travers le monde, de politiciens qui s’élèvent en cette période difficile et s’attirent les louanges. Certaines qualités comme l’empathie et la transparence semblent plaire aux différentes populations. Sommes-nous en train de repenser le profil des leaders politiques? À cet effet, André Lamoureux anticipe que les gens souhaiteront un chef qui est plus près de sa population et surtout, des préoccupations des citoyens.
« Pour l’époque actuelle, je pense qu’on va préférer, à court terme, les leaders empathiques », affirme de son côté Anne-Marie Gingras. Or, elle avance que d’autres qualificatifs entreront en ligne de compte comme le sens de la créativité et de la collaboration. Elle donne l’exemple d’Emmanuel Macron en France qui tente de faire avec Angela Merkel en Allemagne, un projet commun afin de sortir l’Europe de la pandémie. « Par la suite, j’ai l’impression que les peuples sont fatigués de voir toujours le même personnage à la tête de l’État et donc ils changeront du tout au tout. » La professeure donne cette fois l’exemple de la transition entre Stephan Harper et Justin Trudeau au Canada, soit deux personnalités complètement différentes.
Certains enjeux remis en question
La pandémie actuelle pourrait aussi, selon André Lamoureux, transformer certains enjeux comme le libre-échange. « Toutes les négociations au sujet du libre-échange devraient avoir comme première condition, qu’il y ait des conditions sanitaires minimales dans les pays avec lesquels on fait du commerce », déplore le professeur qui peine à comprendre l’absence de la question sanitaire lors de certaines discussions à cet effet. Selon lui, il est primordial qu’à l’avenir, de nouveaux cadres soient établis pour les discussions à l’international. « On ne peut pas avoir une deuxième situation pareille; c’est l’économie mondiale qui en est affectée. » À son avis, la globalisation et le libre-échangisme risquent d’être remis en question.
De son côté, Anne-Marie Gingras est plus nuancée. « La dépendance envers la Chine est remise en question à court terme. Mais est-ce qu’à long terme, ce sera la même chose? Je n’ose même pas me prononcer dans la mesure où les produits moins onéreux qui viennent de la Chine s’inscrivent dans une chaîne d’approvisionnement qui fait l’affaire d’un peu tout le monde. » La professeure de sciences politiques admet qu’il est difficile de prévoir les développements et les influences à long terme. « Nous ne pouvons parler que du court terme parce que souvent, dans ce genre de crise, les gens préfèrent oublier et retourner à leurs habitudes d’avant. »
Il y a tout de même certains aspects qu’il serait préférable de retenir pour le futur, selon Anne-Marie Gingras. Elle souhaiterait notamment que l’attention que nous portons pour ce qui se passe ailleurs au Canada demeure. « J’aimerais qu’on puisse savoir ce qui se passe dans les provinces maritimes, en Ontario ou même en Colombie-Britannique, parce que finalement, ce n’est pas uniquement une question de comparaison, c’est une question de mieux connaître le fonctionnement des autres provinces. » Et ainsi, mieux comprendre certaines enjeux fondamentaux de notre pays comme le pétrole et les pipelines.