Fermeture du golf de l’Estérel
Par Luc Robert
Plusieurs entrevues menées ces derniers jours par Accès ont démontré que le golf de l’Estérel est fermé, malgré le flou et l’espoir qui ont transpiré depuis deux mois.
« Les frères Stern ont payé 4,5 M$ pour le golf de l’Estérel en connaissance de cause (zonage récréatif). On fait face à des développeurs aguerris et pas pressés, qui ont une seule intention. Tu ne payes pas ce prix pour le fermer pour rien : tu l’achètes pour le développer. Or avec moi, il n’y aura pas de développement sous mon règne. »
C’est en ces termes que le maire de l’Estérel, M. Frank Pappas, a répondu aux citoyens, lors d’une réunion extraordinaire portant majoritairement sur le sort du réputé parcours de 18 trous, le 6 mai.
Le 5 avril dernier, un communiqué était émis pour informer la population que le golf changeait de mains, passant du contrôle de citoyens de Hong-Kong (Jonathan Chan et Jason Sze) à celui de développeurs locaux (Richard et Derek Stern). Depuis, les rumeurs ont fusé : démantèlement des verts du parcours, employés qui ne sont pas réembauchés, citoyens locaux prêts à acheter le golf, nouveau projet de 9 trous, développement immobilier possible, etc.
« Il n’y a pas de développement. C’est une entité privée qui a acheté, sur laquelle nous n’avons aucun contrôle. On n’est pas dans un pays communiste, ici. On ne peut forcer personne à ouvrir le golf. Mais j’ai des motifs raisonnables de croire que le golf de l’Estérel n’ouvrira pas. En même temps, on ne se fera pas manger la laine sur le dos par des développeurs immobiliers », a tonné Me Pappas dans son langage coloré habituel.
Remboursements
D’autres sons de cloche ont laissé entendre que le golf pourrait devoir rembourser à la ville des rabais de taxes consentis lors des 10 dernières années.
« Les terrains de golf ouverts au public bénéficient d’un régime fiscal avantageux, selon l’article 211 de la Loi sur la fiscalité municipale. Mais lorsque les lieux cessent d’être utilisés comme terrain de golf, le propriétaire doit rembourser à la municipalité la différence entre les taxes payées et celles qui l’auraient normalement été en l’absence de ce régime, jusqu’à concurrence de dix exercices financiers. Or les Stern jouent là-dessus, en disant que c’était fermé avant leur prise de possession », a expliqué une source au fait de la loi et du dossier.
D’autres sources fiables ont confirmé que les employés du golf ont depuis trouvé du travail ailleurs pour cette saison.
Quant aux verts du parcours, la paille a été retirée sur certains, mais d’autres toujours recouverts risquent de se détériorer, car le gazon ne peut actuellement pas repousser et être entretenu.
Pertes d’emplois
Le premier magistrat veut sauvegarder le joyau local, inauguré en 1963.
« Je compatis avec ceux qui perdent leur emploi. Je ne suis pas un adepte de la discipline, mais le golf fait partie de l’âme et de l’essence même de la municipalité. Si vous nous arrivez avec un projet de 18 trous, quelque chose qui sort de l’ordinaire, nous serons tout ouïe. La population et le conseil trancheront ensuite. Il existe des philanthropes au Québec, comme les Desmarais et les Bronfman, qui redonnent à la communauté. Le golf, c’est l’arbre du jardin local, qui donne ses fruits. Tu ne te débarrasses jamais de lui. Il fait partie de notre existence, de notre ADN. Il n’y a pas d’inquiétudes à avoir : le zonage du golf ne changera pas et il n’y aura pas de développement immobilier pendant mon mandat », a-t-il assuré devant le public et les auditeurs présents via Internet.
M. Pappas a souligné que des analyses plus poussées lui permettent d’avoir une vue d’ensemble de ce qui pourrait survenir.
« S’il y avait un enjeu environnemental, on aurait la juridiction pour agir. Mais à date, ils sont clean (légaux). J’espère que la sensibilisation fera son chemin. Si le golf reste fermé, sa valeur va diminuer, tout comme celle des terrains avoisinants, je suppose. »
Me Pappas avoue que des investisseurs du coin l’ont contacté pour racheter le golf de l’Estérel. « C’est intéressant, mais tout le monde veut un golf gratuit. Un calcul rapide de rachat couterait très cher. Même si on obtenait un taux préférentiel de 1,8 % à la banque (consenti aux Villes), ça représenterait un montant lourd pour une hypothèque. Pour un emprunt de 5 M$, on a estimé à 1 500 $ de plus par année la hausse du compte de taxes des citoyens, pour un amortissement de 40 ans. C’est un pensez-y bien. »