Il manque de place pour nos garderies

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Tout parent le sait : il n’y a pas assez de places dans les garderies du Québec. Mais il est aussi difficile pour les services de garde et les centres de la petite enfance (CPE) de trouver l’espace pour accueillir plus d’enfants.

Nathalie L’Espérance et son mari sont responsables d’un service de garde (RSG) en milieu familial, le Petit Train, à Sainte-Adèle. Depuis 2004, ils offrent 9 places subventionnées. Un nouveau projet pilote du gouvernement permettrait à Nathalie d’ouvrir 3 places supplémentaires.

Mais pour ça, elle doit trouver un partenaire qui est prêt à lui offrir un local. Elle a donc approché plusieurs entreprises et organismes locaux. En vain. « Ici à Sainte-Adèle, il n’y a personne. Il n’y a rien. On a beau essayé. Je ne comprends pas. […] Il doit bien y avoir un local quelque part dans la région pour nous accueillir », se désole-t-elle.

Quant à lui, le centre de la petite enfance (CPE) Les Bonheurs de Sophie ouvrira un nouvel établissement à Prévost, dans le Domaine Laurentien. Il aura 80 places, dont 20 en pouponnière. Mais c’est grâce à des années de recherche et de travail acharnés, sans compter une bonne dose de chance.

« Actuellement, il y a au-delà de 1 000 familles en attente. Ça, c’est juste dans notre région », indique Sabrina Gagnon, présidente du CPE. Certaines familles sont sûrement comptées en double, précise-t-elle, puisqu’elles font des demandes dans plusieurs CPE. Il manque quand même un nombre considérable de places.

Des exigences difficiles à remplir

« C’est un très long processus. […] Moi, je suis arrivée en 2018 et les places étaient déjà octroyées. Et ç’a été fastidieux comme recherche pour un local », confie Sabrina. En partant, adapter un local existant aurait coûté trop cher.

« On s’est donc tournés vers la construction neuve, mais on a eu plusieurs bâtons dans les roues. »

En plus d’un budget serré, les services de garde doivent respecter de nombreuses contraintes gouvernementales.

« Les exigences sont élevées, mais on s’entend que ce sont nos tout-petits qui sont là. Il faut assurer leur sécurité », concède volontiers Sabrina.

Toutefois, cela limite grandement les emplacements possibles. À Sainte-Adèle, par exemple, Nathalie serait même prête à accueillir 12 enfants le jour chez elle, où elle tient son service de garde depuis maintenant 20 ans, si elle ne trouve pas de partenaire. Après tout, elle en a accueilli 15 durant la pandémie : 9 le jour et 6 le soir. Pourtant, des contraintes concernant le code du bâtiment et même le réseau d’aqueduc, qui est à pleine capacité à Sainte-Adèle, l’en empêchent.

« Dans la MRC, il y a plusieurs dames qui veulent un permis pour ouvrir un service de garde en milieu rural. Mais elles ne peuvent pas, parce qu’il n’y a pas d’aqueduc. C’est tout un enjeu municipal », ajoute Nathalie.

Lorsqu’il a voulu ouvrir un troisième établissement à Sainte-Sophie, le CPE Les Bonheurs de Sophie a eu le même problème. « Il aurait fallu creuser un puits temporaire, le temps que l’aqueduc arrive. La Ville a été flexible avec nous pour trouver des solutions, mais ç’aurait été des coûts supplémentaires. Et au niveau écologique, ce n’était pas la meilleure des idées », raconte Sabrina.

Le CPE a cherché un terrain adéquat dans toutes les villes de la MRC de La Rivière-du-Nord. Ce n’est qu’à la dernière minute qu’il a enfin trouvé un terrain qui convient à Prévost. « On a été chanceux. C’était notre dernière option avant qu’on nous retire les places », se réjouit Sabrina.

Soulager la pénurie de main-d’œuvre

« Ce n’est pas juste pour moi. Je ne suis pas toute seule à chercher des locaux. Si au moins il y avait quelques portes d’ouvertes, je pourrais même me jumeler avec d’autres. On pourrait être trois RSG dans un local et même aller plus loin, avec des services atypiques et le soir. On serait en train d’ouvrir comme un mini CPE », rêve-t-elle.

Un partenariat avec une entreprise ou un organisme local permettrait même à l’employeur d’offrir des places à ses employés, souligne Nathalie. « Si une personne n’est pas capable de placer son enfant, elle ne peut pas aller travailler », illustre-t-elle.

De son côté, Sabrina est heureuse que les efforts soutenus des membres de son CPE portent enfin fruit. « Normalement, si tout va bien, on pourra mettre la pelle au sol cet automne. Notre objectif est d’ouvrir au printemps 2023. Je ne suis pas inquiète. »

Elle est toutefois bien consciente que ces 80 nouvelles places, très attendues par les parents de Prévost, seront loin d’être suffisantes.

« Nous, on y va avec toute notre énergie. On est conscient des demandes des parents, qui tentent tant bien que mal de trouver une place pour leur enfant. […] On reçoit beaucoup d’appels, et il y a eu beaucoup de larmes versées au téléphone. Il y a des parents qui, malheureusement, n’iront pas travailler parce qu’il manque encore de places pour leurs enfants. »

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