L’Estérel exproprie le terrain de golf emblématique de son territoire
Par Luc Robert
Le conseil de la ville d’Estérel a pris une décision importante quant à l’avenir du terrain de golf d’Estérel, le mercredi 27 août dernier, en procédant à son acquisition, lors d’une décision unanime votée en séance extraordinaire.
Le conseil a ainsi décidé d’acquérir la propriété à des fins de réserve foncière. « Il appartiendra ultérieurement au conseil municipal d’Estérel, présent ou futur, de déterminer la destination (vocation) éventuelle la finalité des terrains expropriés. Il s’agit des terrains situés précisément aux lieux du golf, sauf la Péninsule et deux autres terrains situés à proximité (coins Versailles et Dupuis, zonés résidentiels et à petit-commerce pour un autre). Le terrain de golf fait partie de notre ADN et rien ne se passait là depuis la vente du 25 mars 2022, lors de sa vente », a souligné le maire Frank Pappas lors de l’assemblée spéciale.
Celle-ci a réuni une multitude de citoyens inquiets, qui ont pris place sur des chaises additionnelles ajoutées dans le vestibule de l’hôtel de ville. La majorité des citoyens a fini par louanger les conseillers et le maire « pour essayer de protéger ce joyau, d’un éventuel développement immobilier possible ».
Il incombera maintenant au Tribunal administratif du Québec de fixer l’indemnité d’expropriation, à défaut d’une entente entre les parties. Dans ce contexte, la Ville a décidé de n’émettre aucun commentaire dans le dossier. Les négociations avec le propriétaire, Groupe Olymbec, seront amorcées de gré à gré ou par expropriation. Un avis leur a été acheminé par les avocats retenus par la Municipalité, le cabinet DHC.
« Olymbec a reçu dans un avis le montant que nous sommes prêts à payer, selon les évaluations que des experts ont faites. Le résolution adoptée donne le mandat à DHC d’entreprendre les mesures d’expropriations. On verra de quoi il en retourne dans le futur », a-t-il ajouté.
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Au rôle d’évaluation de la MRC des Pays d’en-Haut, une partie des lots visés se situe au 44, rue Fridolin-Simard. Le propriétaire actuel est la compagnie 9025-1950 Quebec Inc. (Groupe Olymbec). On parle d’une valeur d’immeuble de 2 113 500 $, pour l’exercice financier 2024 à 2026 du rôle d’évaluation. La valeur du terrain se situe à 1 582 200 $ et celle du bâtiment à 531 300 $ (évaluation municipale et non marchande).
« Je ne peux dévoiler le montant transmis par la Municipalité à Olymbec. Quant à un impact éventuel sur les taxes des citoyens, si notre estimation est bonne, je dirais que pour une maison de valeur moyenne, cela pourrait se traduire annuellement à environ 230 $ sur le compte de taxes, pour une période de 20 ans. Nous sommes dans nos droits légaux de procéder ainsi. Nous avons eu des contacts avec le propriétaire, mais pas de discussions avec lui. Le proprio est indemnisé et il peut aller en appel devant la cour supérieure si c’est son choix. Toutefois, en vertu d’une nouvelle loi, le processus (d’expropriation) n’est pas suspendu. Si ça devait traîner quatre mois, la Municipalité deviendrait propriétaire des lieux. »
Répondant aux questions du public, le maire Pappas a tenu à rassurer à nouveau ses concitoyens.
« Je le jure sur mon serment d’office : ce n’est pas pour faire un développement (immobilier) que nous avons entrepris ces procédures. On ne s’engage pas non plus à exploiter le terrain de golf. C’est zoné récréatif, permettant le golf. Le conseil a conclu que la mesure est primordiale et dans l’intérêt de la Ville, de protéger ce lieu faisant partie de notre ADN local. »
Lors de la période de questions, l’avocate mandatée par Groupe Olymbec, Me Marie Dubuis, a tenté de tirer les vers du nez au maire. Elle s’est toutefois refusée à tout commentaire médiatique à l’issue de l’assemblée extraordinaire.
« Monsieur le maire : 1) quel travail préliminaire a été fait par le conseil dans le dossier ? ; 2) quelle utilité publique a la mesure prise ?; 3) quels projets sont envisagés pour le golf ?; 4) quels sont les coût envisagés; 5) et enfin, pourquoi prendre cette décision aujourd’hui ? », a-t-elle enchaîné au micro.
« Le travail préliminaire est confidentiel (et limité aux membres) du conseil. Une réserve financière est l’utilité publique. La finalité du projet n’est pas encore établie. Elle pourrait l’être à nos 14 mois de règne restants, à un deuxième mandat si nous sommes réélus, ou encore par un autre (nouveau) conseil municipal élu. Pour les coûts envisagés, les citoyens semblent plus faire confiance à leur administration municipale, peut-être, qu’à Groupe Olymbec ? Je n’en ai aucune d’idée. Quant à la période de dévoilement, cela demeure à la discrétion du conseil municipal. Cela fait deux ans qu’il n’y a rien au golf de l’Estérel. On est des gens sérieux, au conseil. On travaille à l’intérêt de l’Estérel, à des fins municipales », a rétorqué le premier citoyen.
Le citoyen André Nadeau a conclu tout-haut au microphone : « Je félicite le conseil de son courage. Ça sécurise l’Estérel. Le geste actuel coûtera moins cher que de confronter le propriétaire-promoteur actuel. Ça me semble une bonne défense. »