Manoir des Pays-d’en-Haut : Les 21 locataires devront quitter « avant la fin du mois de mars »
« Si le propriétaire n’effectue pas les travaux requis pour sécuriser le bâtiment, les 21 locataires devront avoir quitté à la fin du mois de mars », a écrit la mairesse de Sainte-Adèle, Michèle Lalonde, sur Facebook. Ainsi, dès la semaine du 1er avril, la Ville pourrait mettre à exécution son avis d’évacuation du Manoir des Pays-d’en-Haut, une maison de chambres située au 220 rue Lesage.
« C’est vraiment entre les mains du propriétaire », avait souligné la directrice générale de la Ville, Sophie Charpentier, lors de la séance du conseil municipal du 18 mars. « On est pas mal certains que les propriétaires ne feront pas les travaux. […] On n’a pas de nouvelles d’eux », craint toutefois Louis-Philippe Dupuy, du comité Un toit pour tous, en entrevue. « Le 8 mars, on a donné l’information aux résidents. Ils n’étaient pas contents. C’est sûr que les gens sont un peu en panique. […] Donc là, on est en mode « Qu’est-ce qu’on fait ? » »
Minuit moins une
Qu’arrivera-t-il si, à l’échéance, les travaux ne sont pas faits et que des locataires se trouvent encore dans le bâtiment ? « Selon la procédure, si l’évacuation n’est pas faite, la Ville va aller en cour et demander une ordonnance. C’est sûr qu’il y aura des délais », a indiqué Mme Lalonde en entrevue. Ainsi, il est difficile de savoir quand et comment, dans les faits, l’ordre d’évacuation serait mis à exécution. « La Ville ne va pas sortir le monde. […] Si tu sors tout le monde et qu’il y a une personne en chaise roulante laissée au milieu du stationnement, ça n’a pas de sens », a ajouté la mairesse.
Sylvie Labelle, membre du Comité des citoyens unis pour la préservation du 220 rue Lesage, croit cependant qu’il est encore possible de convaincre les propriétaires du bâtiment. « J’ai parlé avec des actionnaires, et certains sont plus ouverts que d’autres. » Cela dit, ceux-ci souhaitent vendre plutôt qu’investir dans le bâtiment, à cause des « locataires à problèmes » et de conflits avec l’ancien gestionnaire de l’endroit, explique Mme Labelle.
« Personne n’a de solution »
« Un regroupement d’organismes, incluant la Ville, travaille sérieusement à trouver des solutions afin de relocaliser les 21 locataires du Manoir », a indiqué Mme Lalonde sur Facebook. Ce comité inclut entre autres le CISSS des Laurentides, l’Office municipal d’habitation (OMH), le comité un Toit pour tous, un représentant de la ministre France-Élaine Duranceau, et le Comité des unis citoyens pour la préservation du 220 rue Lesage.
Mme Labelle reconnaît que ce regroupement est formé de personnes compétentes et impliquées, qui veulent aider les personnes vulnérables. « Mais il y a 16 personnes autour de la table, et personne n’a de solution ! », déplore-t-elle.
Parmi les 21 résidents, deux ou trois ont pu être replacés dans des résidences privées pour aînés (RPA), selon nos dernières informations. Les autres pourraient être relocalisés dans des motels, avance Mme Lalonde. « Peut-être à Saint-Jérôme. À Sainte-Adèle, ils sont tous occupés. » Sur sa page Facebook, la mairesse a proposé une solution. « Comme il y a 21 locataires à reloger, si les gens veulent les aider et leur offrir un logement accessoire, nous pourrons mettre les demandes de permis en priorité. »
Par ailleurs, l’OMH offre un service d’accompagnement à la recherche de logement. La Ville étudie la possibilité de joindre le programme en partie, mais cela engendrerait des coûts. « C’est fait pour que personne ne reste dans la rue le 1er juillet. Donc ce ne serait pas uniquement pour les résidents du Manoir, mais pour toutes les personnes qui cherchent un logement. Par contre, ça ne veut pas dire qu’ils vont en trouver un », explique la mairesse.
Lors de la dernière séance du conseil, Mme Lalonde avait souligné que Sainte-Adèle investit déjà 250 000 $ par année pour le logement social. « On est la seule ville de toute la MRC qui accorde des montants de cette envergure-là. »
Nulle part où aller
Bien consciente de la crise du logement, la Ville a hésité longtemps avant d’émettre un avis d’évacuation au 220 rue Lesage, souligne la mairesse. « Il y a d’autres endroits aussi à Sainte-Adèle qui sont non-conformes. […] Il y a d’autres endroits où, si on appliquait nos règlements, il y en aurait 40 de plus [à la rue] », a-t-elle ajouté lors de la séance du conseil. En entrevue, Mme Lalonde a précisé qu’il s’agit des motels, où résident plusieurs personnes en situation précaire. « Par contre, les propriétaires [des motels] sont quand même ouverts et ont fait des améliorations à la suite de ce que la Ville a demandé. Ils collaborent pour corriger les choses les plus importantes. »
D’ailleurs, les autres villes des Laurentides ont elles aussi un problème grandissant d’itinérance. La Croisée des Laurentides, un hébergement d’urgence pour les personnes en situation d’itinérance à Sainte-Agathe-des-Monts, devra fermer ses portes le 1er mai prochain, faute de financement public. « C’était le seul dans le coin », déplore M. Dupuy. À Saint-Jérôme aussi, le Book humanitaire devra cesser les activités de son unité mobile, puisque le CISSS a arrêté son financement. « C’est juste le communautaire qui s’occupe de ce monde-là. Mais on n’a pas les ressources », dénonce M. Dupuy.
Un projet « modèle innovant »
Mme Lalonde indique avoir parlé avec le promoteur du projet au 220 rue Lesage. Devant le tollé causé par la demande de démolition du bâtiment, il aurait commandé une étude pour évaluer les travaux nécessaires afin de conserver le bâtiment et l’intégrer à son projet, ajoute la mairesse.
La citoyenne Sylvie Labelle tente également de convaincre le promoteur d’ajouter des logements supervisés au projet. « Il pourrait conserver le bâtiment, le rénover et faire un projet social là. Et comme c’est un grand terrain, il peut utiliser l’espace à côté du bâtiment pour rentabiliser le projet », illustre-t-elle.
Mme Labelle souligne que parmi la vingtaine de locataires du Manoir, « au moins 14 d’entre eux ont des problèmes de santé mentale ». Selon elle, ce serait donc l’occasion pour Sainte-Adèle de « mettre sur pied un modèle innovant », qui allierait le logement et la santé mentale. Elle a d’ailleurs commencer à contacter d’autres promoteurs immobiliers, qui ont une affinité avec les projets sociaux, afin de les intéresser au 220 rue Lesage. Comme elle a de l’expérience dans le milieu, la citoyenne croit que plusieurs programmes gouvernementaux pourraient financer et rendre viable un tel projet. « Et si un gros promoteur avec une bonne réputation est prêt à mettre de l’argent sur la table, ça peut aider à faire bouger le gouvernement », espère-t-elle.
Souvent, lorsqu’il s’agit d’itinérance, on assiste au syndrome du « pas dans ma cours », déplore la citoyenne. « Mais nous, on dit : « C’est dans notre cours. On va s’en occuper. » »