(Photo : Parc linéaire du P'tit Train du Nord)

Projet de pavage du P’tit Train du Nord : Pour ou contre?

Par Rédaction

La semaine dernière, le Parc linéaire du P’tit Train du Nord a annoncé que le contrat de pavage du tronçon de 16 kilomètres situé entre la municipalité de Val-Morin et la ville de Sainte-Agathe-des-Monts avait été octroyé lors du conseil des maires de la MRC des Laurentides le 18 juin.

Jean-Sébastien Thibault, directeur général du Parc linéaire du P’tit Train du Nord. Photo : Parc linéaire du P’tit Train du Nord

Présentement, 65% de la piste du Parc linéaire du P’tit Train du Nord est asphalté. Ce projet verra ce pourcentage augmenter de 7% et s’inscrit dans une volonté d’éventuellement uniformiser la surface sur sa longueur de 234 kilomètres. Il s’agit d’un enjeu délicat qui provoque des réactions divisées au sein de la population et des personnes concernées.

Un des objectif majeur d’une telle décision est de rendre le réseau plus accessible à tous, explique Jean-Sébastien Thibault, directeur général du parc linéaire, et d’ainsi permettre aux adeptes de patins à roues alignées ou de planches à roulettes, aux personnes à mobilité réduite ou encore aux enfants de pouvoir en profiter. Ensuite, l’autre facteur important pris en compte est celui de l’entretien. « Quand il y a des pluies diluviennes, il faut aller régler les rainures et les rigoles rapidement, sinon il y a des risques d’accidents. On ne peut plus vivre ça. Nous avons six équipes d’entretien aux aguets tout le temps tandis que quand c’est asphalté, peu importe les pluies, nous n’avons pas besoin d’équipes d’entretien en attente », explique le directeur général. De plus, il souligne que la transition entre l’été et l’hiver sera plus facile, lui qui estime que l’asphaltage aura un impact sur les saisons d’accès à la piste, les prolongeant de 3 à 5 semaines.

Jean-Sébastien Thibault admet avoir vécu un mauvais moment lorsqu’il fut annoncé que le parc serait éventuellement asphalté, vu les nombreuses réactions. Il déplore aussi que des gens du secteur où le tronçon sera construit se plaignent lorsque le parc est fermé à l’automne et au printemps ou que la poussière de roche s’élève dans les airs et dérange les cyclistes. « Ce qui est très paradoxal dans ce secteur, c’est que ce sont les premiers à se plaindre de tout et la solution, c’est l’asphalte. Et maintenant, ils ne veulent pas l’asphalte. »

Jean-Sébastien soutient que dans ce débat, il ne faut pas penser à soi, mais plutôt à la collectivité. « Je n’ai aucune raison de vouloir asphalter outre le fait que je crois dur comme fer, maintenant que j’ai été convaincu, que cela a des avantages pour la collectivité. »

En chiffres

Le P’tit Train du Nord c’est: 234 km, 26 municipalités et 6 MRC

Actuellement:151 km (65%) asphalté et 83 km (35%) en criblure de pierre

L’asphaltage prolongerait les saisons de 3 à 5 semaines et augmenterait l’achalandage de 30 à 40%

Une pétition circule contre l’asphaltage du P’tit Train du Nord: 1501 signataires

De 2006 à aujourd’hui

Lucie Lanteigne fut directrice générale du Parc linéaire du P’tit Train du Nord de 2006 à 2010 et est aujourd’hui présidente de l’Association des réseaux cyclables du Québec. Elle relate qu’à l’époque, les enjeux entourant l’asphaltage étaient similaires, elle qui disait recevoir beaucoup de demandes afin que le réseau soit asphalté. « J’avais de la demande pour l’asphaltage. Mais quand je suis entrée en poste, nous n’étions pas rendus là dans notre vision et dans notre développement. »

« En général, ce qu’on entend autour des réseaux cyclables, c’est souvent une volonté d’asphalter », remarque-t-elle. Parmi les avantages de l’asphaltage, elle relève la sécurité, l’accessibilité ainsi que l’entretien. « Présentement au Québec, nous avons de fortes pluies, et ensuite moins de pluie. Avec les changements climatiques, c’est quelque chose qu’on vit. Il faut se prémunir de ça, sinon, on a d’autres réseaux cyclables qui après de fortes pluies, ferment le tronçon. C’est ce qu’on veut éviter par l’asphaltage. »

Le pour et le contre

Kathy Poulin, mairesse de Val-David.

Kathy Poulin, mairesse de Val-David, reconnaît qu’il s’agit d’un sujet très délicat et remarque que sa population est très divisée par rapport à l’enjeu et dit com-prendre tout à fait les questionnements qu’elle qualifie de très légitimes. « On associe beaucoup l’asphalte à l’urbanisme, aux grandes villes et les gens ne veulent pas retrouver cet élément dans nos campagnes. C’est certain que mon cœur trouve ça difficile comme décision, sauf que ma raison comprend parce que le parc linéaire et la MRC des Laurentides ont démontré tous les avantages de l’asphalte », indique-t-elle.

Jean-Sébastien Thibault envisage une augmentation de 30 à 40% d’utilisateurs sur le réseau. Certaines personnes craignent celle-ci et d’autres s’inquiètent aussi d’une hausse de la vitesse sur le parcours. Kathy Poulin souligne qu’il s’agit de problèmes qui existent déjà dans sa municipalité. « Nous aimerions avoir plusieurs infrastructures comme ça parce que le besoin est là. Mais tant mieux si c’est très utilisé et on va travailler pour sensibiliser les gens et nous allons remercier les patrouilleurs de faire un bon travail d’encadrement. »

De son côté, Jean-Sébastien explique comment ils ont procédé afin de peser le pour et le contre de la décision. « Dans le contre, il y a l’augmentation de la vitesse. Mais nous l’avons catégorisée dans les comportements. Que ce soit en poussière de roche ou en asphalte, ce comportement ne va pas arrêter, ça ne va jamais changer. Donc ce n’est pas quelque chose qu’on gagne ou qu’on perd. C’est un comportement. »

Au niveau de l’achalandage, le directeur général du parc linéaire soutient qu’on ne peut pas « être contre le fait d’amener plus de gens à faire de l’activité physique. »

Asphaltage et environnement

Gaël Chantrel s’était présenté en tant que candidat du Parti vert aux dernières élections fédérales dans Laurentides-Labelle.

Jean-Sébastien Thibault souligne avoir été longtemps opposé à l’asphaltage étant donné qu’il croyait que ce n’était pas écologique. Or, il indique aujourd’hui avoir été sensibilisé au fait que la poussière de roche ne serait pas plus écologique que l’asphalte. « C’est ce qui a fait changé mon fusil d’épaule à 100%, que ce n’est pas plus écologique un que l’autre. Pour moi, ça été l’élément tournant. »

Sur le site web du P’tit Train du Nord, le projet d’asphaltage y est expliqué et une section se concentre justement sur la perspective d’adaptation aux changements climatiques. On y précise notamment qu’environ 190 tonnes de criblure par kilomètre s’érodent dans la nature tous les 4 à 7 ans. Le matériel s’accumule ensuite dans les fossés et les sédiments sont transportés dans les cours d’eau et autres habitats naturels, nuisant aux écosystèmes. Jean-Sébastien mentionne aussi qu’il faut des centaines et des centaines de camions pour transporter la poussière de roche.

Or, Gaël Chantrel, candidat pour la Parti vert aux dernières élections fédérales dans Laurentides-Labelle, a manifesté ses inquiétudes sur les réseaux sociaux en matière de conscience écologique. « J’ai de gros doutes que de passer de la poussière de roche à l’asphaltage soit une bonne idée au niveau environnemental », nous confie-t-il.

Comme problématiques que pourraient engendrer la présence d’asphalte, il relève notamment la présence d’îlots de chaleur qui réchauffent le milieu environnant. « Aussi, on peut parler au niveau du processus; il y a quand même des émanations, de la fumée. Ce n’est pas un produit qui est écologique en soi », déplore-t-il. « Je pense qu’on ne peut pas se passer de la question environnementale  », affirme Gaël Chantrel. Il reconnaît tout de même que l’enjeu fut abordé, mais à travers d’autres aspects alors que selon lui, il devrait s’agir du critère principal. « Ce qui me dérange c’est que l’environnement soit une question parmi tant d’autres au lieu que ce soit l’élément central du projet. »

À cet effet, il déplore aussi un certain manque d’information, alors qu’il aimerait pouvoir consulter les études qui ont démontré que la poussière de roche n’est pas plus écologique que l’asphalte. Ce sont donc surtout des questionnements qui habitent le candidat des dernières élections, lui qui peine à trouver des réponses.

Photo : Parc linéaire du P’tit Train du Nord

Est-ce la bonne solution?

Citoyen des Laurentides, utilisateur du Parc linéaire du P’tit Train du Nord et ingénieur, Simon Létourneau, à travers sa profession, planifie et conçoit des projets d’infrastructure routières. Il offre une réflexion par rapport au projet de pavage du P’tit Train du Nord, souhaitant mettre en lumière certaines réalités et ce, en tant que résident et cycliste, et à partir de son expertise professionnelle.

« La question n’est pas de savoir si le projet est bien fait – c’est certain qu’ils font bien les choses – mais c’est de savoir s’il s’agit de la bonne solution », souligne-t-il. Simon Létourneau indique que le projet modifiera grandement les conditions sur le parcours. À cet effet, une hausse de l’achalandage, une plus grande diversité des types d’utilisateurs ainsi qu’une augmentation de la vitesse sont envisagés et le tout, accompagné d’un changement radical de la surface.

Sécurité, entretien et environnement

« Le but ultime, c’est de ne pas détériorer les conditions actuelles. Si tu fais un projet, c’est pour améliorer », soutient l’ingénieur qui positionne la sécurité comme étant l’élément central du débat. Étant donné les changements anticipés plus haut, il se questionne à savoir si le projet permettra d’améliorer le niveau de sécurité. « Pour le moment, c’est de la magie », exprime-t-il au sujet des informations et des arguments exprimés. « Ce n’est pas traduit concrète-ment, je n’ai jamais vu de rapport », déplore-t-il. « Il faut un projet, effectivement. Mais est-ce que c’est vraiment le bon? Je ne vois pas les preuves. »

« Quand tu mets du pavage, il faut que tu l’entretiennes. D’années en années, ça va se détériorer », affirme Simon Létourneau. D’ailleurs, il souligne que bien que les interventions soient moins fréquentes qu’avec la poussière de roche, elles sont plus drastiques, plus coûteuses et émettent davantage de gaz à effet de serre. Pour l’ingénieur, l’asphaltage n’est jamais synonyme d’amélioration en environnement, lui qui relie le pavage au bitume et au pétrole. « Dans la vie, aussitôt que tu parles de produits pétroliers, c’est certain que ça ne va pas avec la réduction de gaz à effet de serre. » Tout de même, il reconnaît la pertinence du raisonnement selon lequel la poussière de roche possède aussi ses limites au niveau environnemental étant donné la quantité qui s’érode chaque année et oblige de la production et du transport.

Des alternatives

Ainsi, Simon Létourneau a des doutes que l’asphaltage soit la bonne solution à long terme, mais reconnait tout de même les problématiques reliées à la poussière de roche. L’ingénieur se désole justement de voir que le débat n’inclut que deux solutions, alors qu’il connaît d’autres alternatives et en a déjà proposées par le passé au parc linéaire. Il avance l’idée d’un entre-deux entre le pavage et la criblure, donnant l’exemple d’une stabilisation de la surface actuelle. « Quand je dis stabiliser, c’est mettre une colle au même titre que la bitume pour le pavage. Il y en a qui font de la stabilisation avec de la poudre de ciment. La poussière de roche devient tellement cohésive que quand on y touche, c’est comme si on touchait du béton », explique-t-il. De cette manière, Simon Létourneau soutient qu’une quantité beaucoup plus réduite de poussière de roche s’éroderait ou s’accumulerait dans les fossés ou cours d’eau et que l’empreinte carbone serait moins affectée, tout en permettant un entretien plus simple.

Qu’est ce que ça signifie pour les coureurs?

Alain Bordeleau, président-fondateur du Marathon du P’tit Train du Nord.

Alain Bordeleau, ancien olympien en course à pied et aujourd’hui président-fondateur du Marathon du P’tit Train du Nord, se prononce au sujet du projet de pavage. « Beaucoup de coureurs nous disaient qu’ils faisaient le marathon et n’avaient pas les jambes aussi raquées que quand ils courent sur la route », souligne-t-il d’entrée de jeu.

Or, le marathonien spécifie que de toute manière, il conseille toujours aux coureurs de s’entrainer sur des surfaces variées et qu’une seule course sur l’asphalte n’aura pas de répercussion importante sur le corps de l’athlète. Tout de même, les coureurs ont souvent souligné à Monsieur Bordeleau que la poussière de roche était moins dur sur les articulations.

« Si quelqu’un me demande ce que je préfère, je préfère le parcours comme il est maintenant », admet-il. « Mais on ne parle pas de rien d’autre autour. Je parle pour ce que le parcours offre aux coureurs. La poussière de roche pour moi, c’est plus près de la nature qu’une bande asphaltée. »

Au niveau du marathon lui-même, cela signifie qu’éventuellement, les quatre premiers kilomètres environ seront dorénavant asphaltés alors que les quatre derniers kilomètres à Saint-Jérôme le sont aussi déjà. « Ça donne donc environ huit kilomètres de parcours asphalté pour le reste qui est en poussière de roche. La seule chose que je me demande, c’est si cela posera problème pour les coureurs de courir sur l’asphalte, puis sur la poussière de roche, et encore sur l’asphalte. Est-ce que ce sera positif, négatif ou ça ne changera rien? Je ne le sais pas. »

6 commentaires

      • Nous sommes mieux informés sur les enjeux de l’asphaltage vs poussière de roche, et je persiste à croire qu’asphalter la piste du P’tit Train du Nord est une mauvaise idée qui contrevient aux principes fondateurs de notre parc linéaire. Veut-on le transformer en trottoir de la rue Sainte-Catherine aux heures de pointe ? Avez-vous pensé à la vitesse des cyclistes, des planches à rouler, des patins à roues alignées, etc. sur de l’asphalte ?! Le nombre d’accidents, aggravés par la vitesse, sera multiplié par 2 ou 3 ! Il y a suffisamment de routes (asphaltées) tranquilles dans notre région pour ça !
        Jean-Claude Gémar

  1. C’est exactement vrai que mettre de l’asphalte sur un chemin réputé calme se change en piste de vitesse.
    C’est vrai que le respect des piétons disparaît avec ce mauvais choix. Je dis cela parce que, c’est ce que je vis en me promenant sur un chemin à Bois-des-Filion. Des tasse -toi et encore des poussez -vous quand ils (les cyclistes )arrivent derrière moi. C’était une promenade où il était agréable, dans le passé.
    Si vous avez le respect de l’environnement, laissez le chemin intact.

  2. Merci de prendre mon avis
    Ce récit est vrai. Si vous aimez la nature ,faites des chemins avec les ressources naturelles

  3. Aujourd’hui, j’ai eu l’occasion d’essayer le nouveau pavage voici mes constats comprenant les différents enjeux,
    J’ai observé les différents usagers dans ce nouvel environnement et je constate que lors des périodes achalandées comme aujourd’hui, les coureurs tentent de courir sur l’accotement de pierres concassées d’une largeur de +- 12´´, car la surface asphaltée tel que réalisée rétrécie significativement l’espace de roulement. Deuxièmement, le remblai de pierres concassés élève la surface de roulement d’une hauteur variant de 8 à 18 pouces à certains endroits, signifiant qu’en cas d’inattention de la part d’un cycliste les conséquences, en cas de sortie de piste, seront passablement plus graves qu’actuellement alors que la piste actuelle n’a absolument aucun dénivelé tout comme la section asphaltée entre Laval et St-Jérome.
    Finalement, j’avoue que la piste dans son état original est pas mal plus zen à rouler avec le petit craquement de la poussière de roche compactée, et ses petites ondulations. En passant je roule un vélo de route chaussé en 27, et non pas un tracteur chaussé en 38.
    Sincèrement, c’est avec le coeur gros que je constate cet « Amélioration » qui, de ma perspective, dénature l’essence même de ce magnifique parc linéaire.
    Le PROGRÈS n’est pas toujours le fun…

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *