Les employés de la Ville de Saint-Sauveur ont découvert des installations vétustes, voire insalubres, en reprenant les réseaux d'aqueduc d'Aqua-Gestion. Photo : Courtoisie de la Ville de Saint-Sauveur.

Saint-Sauveur : une tâche colossale pour les aqueducs d’Aqua-Gestion

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

La Ville de Saint-Sauveur a dû reprendre au pied levé la gestion de cinq réseaux d’aqueduc privés, desservant près de 400 résidents, après que l’entreprise Aqua-Gestion ait abandonné ses activités, révélait La Presse à la mi-avril.

La Ville a découvert des installations vétustes, très mal entretenues, voire artisanales, et qui ne peuvent garantir la qualité de leur eau. Bâtiments non sécurisés, branchements électriques non conformes, problèmes d’accès, réseau non étanche, manque de pression dans les tuyaux : « la liste des problèmes est assez longue », explique Jean-Philippe Gadbois, directeur général de la Ville de Saint-Sauveur, en entrevue avec Accès. « Les cinq réseaux ont besoin d’amour, mais trois sont plus problématiques. » Les résidences touchées ont donc un avis d’ébullition préventif qui ne sera pas levé de sitôt, prévient M. Gadbois.

Travailler à l’aveugle

Courtoisie de la Ville de Saint-Sauveur

La tâche paraît colossale pour assurer que l’eau de ces réseaux soit sécuritaire pour la consommation. Sébastien Bouchard, directeur du Service du génie et de l’aqueduc de la Ville, donne l’exemple du manque de pression, qui touche trois des cinq réseaux. « Il y a des données qu’on n’a pas sur la capacité des puits. Peut-être que la pompe ne fournit pas parce que la nappe non plus ne fournit pas assez d’eau. Mais on ne peut pas se permettre d’augmentater la pression. Comme les réseaux sont faits maison, ils sont plus ou moins étanches. » M. Gadbois ajoute qu’ils sont « convaincus qu’il y a des fuites dans ces réseaux-là ». Deux des réseaux ont même besoin d’eau en citerne, qui doit être réapprovisionnée à l’année.

Ces dernières semaines, les employés de la Ville ont aussi travaillé à « étanchéiser les zones de contamination possibles », explique M. Bouchard. « Sans étanchéité, les contaminants peuvent entrer à tout moment », illustre M. Gadbois. Ainsi, on a nettoyé une station insalubre, où des déchets et des « bébittes » se trouvaient à côté du réservoir. Un évent, qui permet aux gaz de s’échapper, était aussi directement accoté par terre et sans grille : « une belle passerelle pour les bibittes », indique M. Bouchard.

L’accès à certaines stations a même dû être sécurisé, pour éviter que les employés de la Ville se mettent en danger. De plus, les réseaux doivent être gérés à l’aveugle, explique M. Bouchard. « S’il y a une panne d’électricité, il faut toujours aller voir [sur place], parce qu’il n’y a pas d’alarme ni de télémétrie. » D’ailleurs, une seule génératrice est fonctionnelle pour l’approvisionnement en eau.

Boire à vos risques

Courtoisie de la Ville de Saint-Sauveur

Autre élément qui a surpris M. Gadbois : les réseaux n’ont pas de points d’échantillonnage conformes pour répondre aux exigences du ministère de l’Environnement. « J’ai posé la question au Ministère : comment pouvez-vous nous dire qu’il y a eu des échantillons conformes, sans points d’échantillonnage conformes ? »

« On a de très grands doutes sur les inspections du Ministère ces dernières années. Il y a eu peu ou pas de visites », ajoute M. Bouchard. « Sans plaintes, ils ne font pas de visites. Et ce qu’on nous a dit, c’est qu’il n’y a jamais eu de plaintes. Mais ça veut dire de mettre de lourdes responsabilités entre les mains d’individus », déplore M. Gadbois.

Le directeur regrette aussi que les résidents soient « vulnérables » et « dépourvus », comprenant mal la situation. Certains citoyens se sont présentés aux séances d’information de la Ville sans savoir s’ils étaient raccordés à ces aqueducs privés ou non. D’autres continuent de boire l’eau malgré l’avis d’ébullition, sans comprendre les risques.

Des résidents touchés ont aussi fait eux-mêmes des tests d’eau à partir de leur robinet. Mais M. Gadbois les met en garde. « C’est sûr que si on analyse l’eau au robinet, il se peut qu’elle soit conforme. Mais si une souris entre dans le réservoir, s’y noie et meurt, votre test ne le détectera peut-être pas. »

Tant que le réseau ne sera pas complètement étanche, il sera donc « difficile de lever l’avis préventif d’ébullition de l’eau », prévient M. Bouchard. « Ça nous prend des garanties », souligne M. Gadbois. « Il peut y avoir des nouveaux-nés, des aînés, des gens immunosupprimés qui boivent cette eau-là. »

Avenir incertain

Difficile, toutefois, de prédire les prochaines étapes pour ces réseaux d’aqueduc privés. L’ordonnance du ministère de l’Environnement demande aux municipalités d’assurer leur exploitation. Mais cette ordonnance est temporaire, le temps que le Ministère émette des recommandations pour la suite, indique M. Gadbois.

« C’est possible qu’une entreprise privée les reprennent, ou que la Ville devienne propriétaire, ou que chaque résidence doive se creuser un puits. Il y a différents modèles possible », illustre le directeur général.

En ce moment, la Ville n’a pas les moyens d’investir les millions de dollars probablement nécessaires pour mettre aux normes ces réseaux privés, indique M. Gadbois. Lors de la dernière séance du conseil municipal, les élus ont demandé du financement supplémentaire au gouvernement du Québec, mais « on n’a pas beaucoup d’espoir, quand on voit l’état des finances publiques », admet le directeur général. « Le Ministère nous a répondu d’utiliser nos programmes habituels. Mais la réponse des 12 municipalités touchées est qu’il n’en est pas question. On fait front commun. »

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