Suite de l'entrevue publiée la semaine dernière dans Accès
Par Martine Laval
Une Maison des Arts et de la Culture à Saint-Sauveur?
Voici la suite de l’entrevue présentée la semaine dernière par Accès avec le directeur général du FASS, Jacques Delisle, au sujet d’un projet qui pourrait transformer une région entière sur le plan des arts et de la culture…
Il faudrait donc que les fonds viennent du privé?
«Autant la Ville de Saint-Sauveur a toujours beaucoup plus d’intérêt pour les sports et les activités sportives familiales, il y a tout de même au sein de la MRC une écoute sur le plan culturel.
Je crois aussi que la région est en train de perdre une partie de sa population par manque d’activités culturelles. Il y a un retour des boomers vers Montréal où il y a des services de santé, des services de proximité qui font que les gens d’un certain âge se sentent plus sécurisés d’aller en ville. L’hôpital, les médecins sont plus près d’accord, mais il y a aussi le fait qu’ils ont beaucoup plus d’activités culturelles abordables pour les retraités, ce qui les incite à retourner en ville.»
Donc si on regarde la question suivante: «Quelle est la vision du FASS? Veut-on l’emmener à un autre niveau? Songe-t-on à la construction d’une salle de spectacles à Saint-Sauveur afin de lui permettre de produire des spectacles en dehors de la saison estivale visée?», on constate encore la nécessité d’un projet de salle.
Ça revient toujours.
«Oui, un lieu de création où on présente les premières qui ont été créées sur place, où des artistes du Québec rencontrent d’autres artistes des compagnies internationales, qui travaillent en même temps, qui se regardent faire, qui apprennent l’un de l’autre, qui échangent. Ce serait magnifique en effet!»
Quelle belle vision!
«C’est en fait le projet, tel qu’il a été lancé à nos organismes culturels et au Ministère de la culture en 2007-2008. Malheureusement les échos ne se sont pas fait entendre.
Il faut dire qu’en 2008 débutait la crise économique…»
Et à quel gouvernement l’avez-vous présenté ce projet, au Québec? Au Canada?
«Il a été présenté principalement au gouvernement du Québec…
«Donc: premier projet déposé au Maire en 2001. Ça a été mis de côté, le gouvernement n’était pas intéressé. C’est revenu en 2007 et le gouvernement montre alors un peu plus d’intérêt. Aujourd’hui, tout le monde dit avoir de l’intérêt, mais personne ne met de l’argent sur la table.
Le Festival a toujours dit et je le répète encore, on est prêt de notre côté à aller chercher 30% du montant d’argent au privé dans la semaine qui vient, si les gouvernements disent qu’ils embarquent.
On a plein de gens qui adorent le Festival, qui sont des gens fortunés et qui n’attendent que ça pour embarquer, mais il faut que le gouvernement dise On embarque!
C’est sûr que le gouvernement n’embarquera pas dans un projet qui n’est pas appuyé par la communauté, c’est normal. Mais NOUS on est prêts!»
Le rayonnement du FASS?
«C’est de plus en plus à l’international. L’image est de belle qualité. Toutes ces compagnies de danse qui viennent, repartent en tant qu’ambassadeurs de l’événement.
Ce qui fait qu’il y a 15 ans on devait tordre des bras pour convaincre les compagnies de participer au Festival, alors que maintenant on reçoit des propositions de tous les pays d’Europe de compagnies qui nous offrent leurs services en mentionnant qu’ils aimeraient venir chez nous. Ils ont entendu parler du Festival, savent ce qu’on fait, comment on fonctionne et ça ne devient presque plus une question d’argent mais plutôt une envie très forte de faire partie d’un tel événement.
Ils ont en plus beaucoup de plaisir dans la région lorsqu’ils viennent. Les gens, les commerces, les restaurants, les lieux de loisirs les accueillent à bras ouverts. Il y a beaucoup de générosité de la part de la communauté dans l’accueil de ces gens là. Ils sont bien reçus partout. Ils sont en plus reçus en hébergement dans d’excellentes conditions au Manoir Saint-Sauveur depuis des années. Ce qui est important également pour les artistes afin qu’ils performent bien.»
Jusqu’où la direction du FASS souhaite-t-elle emmener le festival? Au rang du plus important festival du genre au pays?
«Nous sommes déjà LE plus important du genre au pays l’été! Il est bien sûr qu’on ne peut pas compétitionner avec les festivals d’hiver comme le Canada Dance, mais ce n’est pas la même chose. Le reste de l’année, c’est Danse Danse qui est le gros événement à Montréal en saison régulière, du mois de septembre au mois de mai. On parle beaucoup avec eux pour échanger nos idées.»
**Est-ce que le type de public influence la programmation? **
«Bien sûr. On doit tenir compte du noyau dur de notre clientèle dans le choix de la programmation. Il y a un commentaire qui revient souvent de la part de la jeune clientèle qui est qu’on a peu de nouvelle danse, de danse moderne, ce qui est vrai.
Pourquoi? Parce que c’est ce qu’il y a sur une base quotidienne en saison régulière à Montréal. Une dizaine de salle ne présentent que ça, cinq jours par semaine. C’est donc disponible, tandis que les compagnies que l’on présente ici ne viennent pas au Canada de l’année. Le Festival est événementiel. Lorsqu’une compagnie vient ici, c’est un événement.
Il y a une fois de temps en temps une exception mais là encore, on essaie de rester vraiment «événementiel». Par exemple, il nous est arrivé de faire venir les Grands Ballets Canadiens, mais c’était un spectacle qui n’était pas disponible sur Montréal.
On n’a pas d’autre choix, toutefois, que de tenir en compte les données démographiques de la région. Notre population 18-25 ans n’est plus dans le Nord. Elle est à Montréal, elle est aux études, elle est ailleurs. On va donc plutôt tenter de bien répondre aux aspirations de notre clientèle de 50 ans et plus qui est plutôt le noyau dur des gens qui ont le temps et les moyens de sortir dans le Nord. C’est une réalité et il faut en tenir compte. Ils ont aussi un goût de découverte et on leur permet de faire, ici, des découvertes qu’ils ne peuvent même pas faire à Montréal. C’est donc quelque chose qui peut faire partie du succès récurant du FASS.
Nous avons toutefois un volet jeunesse pour la famille avec la journée gratuite de la Tohu Bohu, la compagnie Bouge de là en spectacle sous le chapiteau et le Studio Shake en spectacle gratuit sur la scène extérieure.
Il est sûr que nous avons beaucoup de famille ici mais ce sont des familles avec de jeunes enfants car les adolescents lorsqu’ils arrivent au temps du CEGEP ou de l’université, ils quittent la région et ça prend un certain temps avant qu’ils reviennent.
Donc les gens dans la trentaine qui ont de jeunes enfants sortent moins, la vie coûte cher
et ils font un autre genre d’activités. Leur réalité est autre.
Par contre, des enfants, il y en a beaucoup et c’est le temps de leur montrer des spectacles de danse, de leur donner «la piqûre du mouvement».
En conclusion, l’écho de cette vision qui passe par le Festival des Arts de Saint-Sauveur pour s’exprimer et tenter de prendre forme, sera discutée au cours des tables de concertation sur l’«Énoncé de vison stratégique en matière culturelle, économique, environnementale et sociale dans une perspective de développement durable» élaboré par la MRC et le CLD des Pays-d’en-Haut.
Pour faire suite à cette vision et avoir tous les éléments nécessaires pour en faire un réflexion sensée, **Accès** donnera dans les prochaines semaines, les grandes lignes de ce qui se discute lors de ces tables de concertation, énonçant les différentes opinions et les multiples aspects soulevés par les instances concernées et présentes lors de ces discussions. Un dossier à suivre de près.