Les talons Ho Ho Ho
Par Journal Accès
La chronique à Mimi
Margot, la soixantaine maganée, entre chez un concessionnaire de voitures électriques. Elle porte quasi fièrement ses jeans délavés, une chemise à carreaux qui sent plutôt le quêteux fatigué et des bottes à jambes. Non, aucune pluie abondante n’était annoncée. Elle s’habille ainsi depuis qu’elle est toute petite. En l’apercevant, les trois vendeurs demeurent assis à leur bureau espérant entre eux que l’un d’eux viendra à sa rencontre. Ce qui finit par se produire. En quelques minutes à peine, elle lui pose deux ou trois questions sur le véhicule qui l’intéresse et, à la grande surprise du vendeur, déclare simplement qu’elle la prend. Ce dernier se met à rire intérieurement (c’est toujours plus prudent) et lui répond qu’elle devra passer à l’enquête de crédit. Pas besoin, dit-elle, je vais payer comptant. C’est que Margot est millionnaire.
Je vous conte ce fait véridique à cause de Mélania Trump, accompagnée de son célèbre mari, qui a fait réagir une foule d’internautes lorsqu’elle s’est présentée en talons aiguilles au Texas suite à l’ouragan Harvey. Wow! Dès lors, les réseaux sociaux ont quelque peu délaissé Harvey pour ne parler que de sa tenue vestimentaire. Comme quoi la mosaïque humaine a un sérieux problème dans sa thermopompe. On laisse les gens mourir… on pourrait les laisser vivre! C’est le cas de le dire, c’est faire une tempête dans un verre d’eau que de parler de l’accoutrement d’une personne lors d’un désastre aussi important.
L’Homme s’ennuie profondément et invente donc des moyens de se distraire, dont celui de juger l’autre. Comme si la vie se passait derrière nous dans la médisance et les moqueries. Ce n’est pas d’hier que la jacasserie existe dès qu’une personne sort des sentiers battus.
Mon illustre mère en est un exemple frappant. Je tiens l’histoire de l’une de mes tantes qui n’a jamais digéré le fait et qui a eu un malin plaisir à me narrer l’événement.
Maman était nouvellement mariée. Elle pesait 89 livres et, avec les vêtements qu’elle portait, elle aurait pu facilement passer pour un mannequin.
Quelques semaines après son mariage, papa devint orphelin de père, et ce, durant le temps du carême. Lors des funérailles, alors que toutes les femmes dans l’église étaient habillées de noir, ma mère se présenta fièrement au bras de son Roméo vêtue d’un manteau jaune et d’un immense chapeau, couleur coquille d’œuf. Des mois plus tard, ça jasait encore dans les chaumières.
Un autre fait a marqué mon enfance. Je devais avoir une dizaine d’années. Un jour, ma mère m’offrit un magnifique anorak de ski, acheté en Suisse, digne de compétition. Il ne me quittait plus. Je le portais même pour aller à la messe. La directrice de l’école vint me voir à mon casier pour m’ordonner de ne plus porter ce genre de blouson à l’église. Je me contentai de hausser les épaules. Furieuse, elle téléphona à maman pour s’en plaindre. Alors, ma mère eut cette magnifique répartie. « Est-ce que le manteau est propre? » Devant le silence interloqué de la directrice, ma mère poursuivit : « Merci ma sœur, je vous souhaite une très bonne journée ». Et v’lan!
On juge souvent les gens à leur apparence. Certains ont les deux pieds sur le bloc de départ pour médire sur l’habillement de l’autre. Attention, parce qu’un imbécile même en tenue de soirée demeure un sot.
Mais je reviens aux talons hauts. Ils auraient été inventés par une jeune fille tannée de se faire embrasser sur le front. Il paraît que cette chaussure aurait une symbolique très forte sur le plan sexuel. Si je comprends bien, celles qui portent des souliers orthopédiques ou à grosses semelles provoqueraient chez le conjoint une libido à zéro. C’est fin pour ma tante Gertrude. C’est Albert, son mari, qui sera content d’apprendre ça, lui qui avale du Viagra comme des Smarties. En tout cas.
Personnellement, je ne porte pas de talons hauts, ça me donne le vertige… Mais, mais mais, je fais de l’esprit de bottine! Faites comme les cordons de mes espadrilles et délacez-vous en lisant cette chronique qui n’a d’autre but que de vous dire que j’aime les gens qui semellent de leurs affaires.
Au fait, avez-vous trouvé chaussure à votre pied?
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