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Le fooding

Par yves-guezou

Dernière tendance

Le terme ne pouvait être que français, le «fooding» se veut la dernière (ou l’avant-dernière!) tendance gastronomique — tout va si vite — chez nos cousins du vieux continent.

Le fooding contraction de food (nourriture) et feeling (émotion, sentiment) consiste à visiter les nouvelles avenues de l’art culinaire, à fusionner les genres et surtout à sortir du carcan conservateur et conventionnel de la cuisine. Le terme fut inventé par Alexandre Cammas, journaliste, critique gastronomique et amoureux de la bonne table. Son concept marie évènements ponctuels, chefs voulant faire connaître leurs talents, leurs découvertes, nourriture de qualité et finalement l’envie de manger avec son esprit autant qu’avec son corps. Il faut vous dire que le milieu de la haute gastronomie française se veut élitiste, guindé, le petit doigt en l’air et la bouche en cul-de-poule. Le fooding tend à contrer cette propension en s’adressant au plus grand nombre. Un événement fooding peut se dérouler comme suit: plusieurs chefs se réunissent afin de vous faire goûter leur cuisine, ça peut se passer dans une salle ou à l’extérieur sous forme de pique-nique géant. Les gens sont conviés par centaines et les dégustations sont gratuites ou un droit d’entrée servira à aider une œuvre caritative. Le fooding consiste ainsi à désacraliser la cuisine et la manière de l’aborder. En ce sens, on y associe souvent les dernières tendances de la gastronomie internationale: tapas, verrines ou cuisine moléculaire. Hormis l’aspect festif, le fooding devient émulateur, les chefs rivalisant d’originalité afin de profiter du courant et se faire un nom. Cette recherche de nouveaux plaisirs en bouche donne lieu à l’apparition de textures réinventées: mousse d’huître, gelée de tomate et les perles d’alginate à saveur de jus ou d’alcool ainsi qu’à un marché émergeant de nouveaux produits exotiques comme le sirop de poivre du Came-roun, les chips de poires 100 % naturelles, l’huile d’olive sous forme de beurre à tartiner. Des mélanges improbables font leur apparition pour la renommée de leurs instaurateurs: fraises au poivre et au citron vert, brownies aux haricots rouges et noix de pacanes, cakes aux courgettes, noix et chocolat.

En France, les toques renommées des grands palaces se laissent volontiers emporter par ces évènements pour y donner leur version de la street food (autre terme français). Tous prouvent qu’on peut manger vite et bien en dehors d’un cadre formaliste. Les amateurs de bonne bouffe ont enfin accès aux chefs. Et, pour les chefs, c’est l’occasion de rencontrer des gens qui n’auraient jamais osé pousser la porte de leur établissement. L’idée des pique-niques urbains géants, organisés chaque année dans plusieurs villes de France, traversera-t-elle l’Atlantique? Imaginez vous faire offrir une bouchée et un verre par un grand cuisinier installé dans un parc ou au milieu d’un stationnement, Visualisez un apéritif-pirate sur un pont ou sur une place. Il est vrai qu’au Québec la consommation d’alcool n’est pas autorisée sur la voie publique, mais encore-là, déjouer l’attention des forces policières et trinquer à l’extérieur (avec modération) pourrait devenir un jeu. Le fooding englobe plusieurs objectifs: faire parler de soi, faire parler de la cuisine et encourager la créativité autant que l’audace vers de nouvelles saveurs, de nouvelles textures dans de nouvelles circonstances. L’aspect festif et déroutant joue pour beaucoup dans l’engouement du public et des sommités du monde gastronomique. Je lance un défi aux chefs des Laurentides afin d’envisager un ou des évènements du genre, faire descendre leur cuisine dans la rue et se faire connaître de manière ludique. Qui relèvera la mitaine à four?

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