Une « tite vieille », un « tit vieux »… pas moi! « C’est les autres! »
Par Journal Accès
Diane Baignée, collaboration spéciale
Cette chronique a été publiée dans l’édition du 19 avril dernier.
Nous avons tous entendu parler du phénomène de vieillissement de la population du Québec. Alors que les médias cultivent le culte de la jeunesse (dont le message implicite dit qu’il faut être jeune pour être accepté socialement) et que bien des images contraires et négatives de la vieillesse sont également diffusées, comment peut-on distinguer les mythes de la réalité?
Un grand boom démographique : des faits
Saviez-vous qu’au Canada, une personne sur cinq (21 %) sera âgée de 65 ans et plus d’ici 2026, tandis que la proportion de personnes ayant 80 ans et plus triplera d’ici 2050, passant de 3,5 à 10 %? Saviez-vous également que le vieillissement de la population québécoise figure parmi les plus rapides et les plus importants du monde. Au fait, entre 2011 et 2031, la proportion d’aînés québécois passera de 16 à 26 %, ce qui représentera autour de 2,3 millions de personnes, dont plus de la moitié aura atteint 75 ans. De plus, d’ici 2050, on recensera plus de 20 000 centenaires, dont approximativement 4 sur 5 seront des femmes. Dans la grande région des Laurentides, le pourcentage d’aînés est faiblement plus bas que la moyenne provinciale (-1 %) quoiqu’il y aura de plus en plus d’aînés en région.
Néanmoins, les personnes de 65 ans et plus ne sont pas un groupe homogène! Il est faux de croire qu’il y a plus ou moins 35 ans de vie dans une catégorie nommée « le troisième âge ». La gérontologie sociale considère qu’il y a un quatrième et cinquième âge. De fait, selon le groupe d’âge dans lequel se retrouvent les aînés, soit les strates des 65-75, 75-85 ou 85 ou plus, les besoins et les réalités de chacun d’eux sont bien différents. Par contre, il y a lieu de croire que plus on avance en âge, plus des problèmes chroniques risquent de survenir étant donné que l’espérance de vie est plus longue qu’auparavant. C’est un fait et un phénomène de vieillissement tout à fait normal. Cependant, le « groupe des aînés » doit être considéré avec les nuances qui s’imposent.
Faire face à l’âgisme : les stéréotypes de la vieillesse
Parler de vieillesse, de vieillissement ou parler d’avancement en âge, la conception et la représentation qu’on s’en fait ne sont pas les mêmes selon chaque personne! Saviez-vous qu’il existerait plus de 300 théories du vieillissement et que la majorité de ces théories s’attardent à la mécanique physiologique et à la baisse des fonctions vitales. En multipliant les descriptions de dégradations physiques liées à l’âge (corps vieillissant, en décrépitude, personne en perte d’autonomie dont la santé est fragile), on participe au maintien d’une image sociale pessimiste de la vieillesse. Or, 90 % des personnes âgées habitent dans un milieu de vie naturel et sont fonctionnelles avec ou sans aide. Donc, être âgé ne veut pas dire nécessairement être une charge sociale ou économique. Autre que les publicités qui envoient des images discordantes de ce qu’est une personne en âge avancé, il est curieux de s’apercevoir que la perception négative du vieillissement provient couramment des aînés eux-mêmes qui entretiennent des préjugés négatifs sur leurs pairs. Surprenant?
Changer les mentalités : commençons par changer sa propre perspective du vieillissement et de la vieillesse
Malheureusement, notre culture porte encore préjudice aux personnes en regard de leurs capacités d’être actives socialement, économiquement et intellectuellement. Nous n’avons qu’à constater tous les déboires entourant la publicité d’une lunetterie mettant en vedette Winston McQuade et ses 73 ans qui ont choqué. Belle preuve que notre société n’évolue pas dans le pas de sa démographie. Oui, vieillir est un défi comme l’a affirmé Jeanine Sutto lors d’une entrevue en avril 2015 à Radio-Canada. « On mourrait si la vieillesse arrivait d’un seul coup. Chaque jour, il faut l’apprivoiser. C’est très dur. Moi, j’ai aimé toutes les époques de ma vie, sauf celle-là », nous disait-elle. N’oublions pas que plus de ce quart de population constitue notre patrimoine, notre mémoire, une expertise souvent non transférée. Ces personnes ont contribué à l’évolution de notre société. Au nombre d’années où j’ai côtoyé différentes personnes âgées, force est de constater qu’il y a une richesse dormante, méconnue et inutilisée ainsi qu’un gaspillage de savoirs.
Quand je vois ma mère de 85 ans assise à son ordinateur faire de la traduction bénévolement à l’aide de ses deux écrans et s’amuser à souhait avec sa tablette pour se distraire, je me dis que les temps changent… Ma mère me dit que « les tits vieux… c’est les autres ».
P.-S. Si vous croisez une personne âgée dans la rue ou ailleurs, dites-lui « Bonjour madame/monsieur ». Il se peut fort bien que ce soit le seul contact humain de sa journée. Bon nombre d’entre elles sont seules, voire même isolées. Une petite action bien simple, mais combien importante. C’est bon de se sentir « une personne».
Diane Baignée est travailleuse sociale en pratique privée.