Chronique : Se raconter nos villages
Ces temps-ci, on dirait que chaque municipalité publie un livre sur son histoire. Depuis le retour des vacances estivales, j’en ai reçu deux : Prisonniers du temps à Prévost, pour souligner ses 50 ans; et Piedmont : Au coeur de la nature, pour célébrer son centenaire. Et depuis que je travaille au journal, il y a bientôt 3 ans, j’ai ajouté à ma bibliothèque Saint-Hippolyte : Sur les chemins de son histoire (pour ses 150 ans), Il était une fois Val-Morin (pour ses 100 ans), et L’Histoire de Morin-Heights et de ses villages voisins. Chaque fois, c’est un plaisir d’en apprendre un peu plus sur notre histoire locale, nos communautés, ce qui nous distingue et ce qui nous unit.
Perdre la mémoire
Ce qui m’étonne toujours, c’est à quel point il est facile de perdre notre mémoire collective. Dans ces livres d’histoire, plusieurs photos ne sont pas datées, l’année exacte de tel ou tel événement est approximative, et certains faits parfois déterminants font l’objet de spéculations. Pourtant, l’histoire des Laurentides est jeune. Les premiers colons s’installent ici il y a « seulement » 200 ans. Mais déjà, on a perdu des détails et des histoires sur la formation de nos villages.
C’est pourquoi ces livres où se racontent nos villages sont si importants. Et le travail derrière, si impressionnant ! Les auteurs (en fait, souvent des autrices) doivent faire de longues recherches dans les archives de nos municipalités ou de fonds privés. Ils doivent faire de nombreuses entrevues, pour consigner la tradition orale et la mémoire vivante, avant qu’elles ne s’éteignent ou se perdent. C’est un véritable travail de moine.
Dieu merci, ce travail est facilité par les sociétés d’histoire de la région. D’Histoire et Archives Laurentides (HAL) à Saint-Jérôme jusqu’à la Société d’histoire et de généalogie des Pays-d’en-Haut (SHGPH), celles-ci sont les dépositaires, les gardiens de notre mémoire collective.
(Re)découvrir son histoire
Parfois, ces recherches permettent de déboulonner des mythes et des légendes autour de nos villages. Et même si on tenait à ces histoires merveilleuses, la vérité est souvent plus fascinante encore.
Bon, ce n’est peut-être pas William Shaw, l’un des premiers à s’installer à Shawbridge, qui a construit le fameux pont qui porte son nom, comme le veut la tradition orale. Il est plutôt commandé par Augustin-Norbert Morin. Mais celui qui avait décroché le contrat, c’est André Lesage, cultivateur et menuisier-charpentier, à qui l’ont doit le nom du village voisin. Ce détail, mentionné dans Prisonniers du temps à Prévost, témoigne ainsi d’un lien encore plus profond entre les trois villages aujourd’hui unis. C’est donc Lesage qui, littéralement, construit le pont entre Shawbridge et Prévost.
Ces livres nous font découvrir les familles qui ont bâti nos villages, et même les noms qui peuplent notre région. Ils nous racontent aussi notre histoire commune, celle qu’on partage avec les villages voisins. Le curé Labelle, le P’tit Train du Nord, le ski et la villégiature : tout ça nous unit.
Se raconter, pour l’avenir
Aussi, chacun de ces livres est à l’image de son village. À Prévost, c’est une bande dessinée qui occupe l’essentiel du livre. Cela permettra, on l’espère, aux plus jeunes générations d’en apprendre sur ceux qui les ont précédés, de manière ludique et interactive. À Piedmont, le livre est fait de courts chapitres, comme des cartes postales qui nous racontent la municipalité, une petite histoire à la fois.
Ils rendent aussi facilement accessibles un savoir autrement éparpillé, et pour des générations à venir. Lorsque j’ai fait un peu de recherche sur l’histoire de New Glasgow, je me suis retrouvé avec une copie de Le temps que j’m’en souviens : Sainte-Sophie, des origines à aujourd’hui (2005). La bibliothèque municipale les donne gratuitement !
D’autres, par contre, sont en rupture de stock malgré leur popularité et leur nouveauté, comme Saint-Sauveur, son histoire, notre patrimoine de Lorrain Dagenais, paru en 2019 à peine.
Cela dit, il manque encore à ma collection Histoire de Saint-Jérôme de Serge Laurin. Paru en 2009 pour ses 175 ans, c’est l’ouvrage de référence sur l’histoire de la ville et de la région. D’ailleurs, on y fait souvent référence dans les autres livres d’histoire municipale que j’ai lus.
Mais en vidant la maison de mes grands-parents récemment décédés, j’ai découvert un livre paru en 1984 pour le centenaire de Saint-Michel-de-Wentworth, un des trois villages qui forment Wentworth-Nord. À l’intérieur, j’en ai appris un peu plus sur la contribution de mon arrière-grand-père, Pierre Richer, au développement de ce village où ma grand-mère a grandi. Je vous cite un extrait de l’avant-propos, par Adèle Malo-Beauchamp.
Aimer l’histoire, se souvenir de ceux qui ne sont plus, faire revivre leurs vies, leurs luttes, leurs épreuves, leurs joies, c’est essayer de prolonger en nous les efforts continus et parfois incroyables de ces gens qui nous ont ouvert les portes d’un pays aujourd’hui plein de richesses et de possibilités dont nous pouvons profiter chaque jour.
- Adèle Malo-Beauchamp, autrice de Centenaire St-Michel de Wentworth