Suzanne Chénier

Par Rédaction

Présidente du groupe d’Amnistie international Saint-Jérôme/Laurentides

1 – Avez-vous un souvenir précis de l’évènement du 6 décembre 1989, ou en avez-vous entendu parler? Décrivez la situation.  

Je regardais le Téléjournal de Radio-Canada comme à tous les soirs. Lorsque j’ai entendu la nouvelle du massacre à la Polytechnique, je me suis dit que ça ne s’était sûrement pas passé chez-nous, à Montréal au Québec. J’ai zappé  TVA, CBC et d’autres canaux de télévision pour constater que c’était bien vrai, l’horreur avait bel et bien frappé chez-nous. De l’incrédulité je suis passée à la consternation, l’état de choc et j’ai ressenti une peine immense.

2- Qu’est-ce que l’évènement a déclenché chez vous? Quelles sont les émotions ressenties?  

Après avoir réalisé que Lépine avait tué des femmes à l’avenir prometteur du seul fait qu’elles étaient des femmes, la colère a emboîté le pas dans mon cœur et mon esprit. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai vraiment réalisé que j’étais une féministe.

3- Quel est l’impact qu’un tel évènement a-t-il eu sur votre choix de carrière ou comment cela a-t-il influencé votre vie en général?  

À l’époque  j’étais journaliste à l’Écho du Nord et une fervente militante d’Amnistie internationale depuis nombre d’années. J’avais dorénavant un parti pris pour les femmes d’ici et d’ailleurs dans le monde. Avec le groupe d’Amnistie internationale St-Jérôme/Laurentides nous avons inauguré en 2008 la Place de la paix de St-Jérôme. Depuis, à chaque année on y plante ou baptise un arbre qui porte un nom de femme dont les droits fondamentaux ont été bafoués et qui a été victime de l’intolérance et de la barbarie des hommes.

4- En lien avec l’évènement, comment votre vision de l’éducation des enfants a-t-elle été influencée?  

J’ai élevé mon fils dans le respect des autres et surtout des femmes. Par le biais d’Amnistie internationale et de mon implication sociale il sait que l’on doit se porter à la défense de celles dont les droits fondamentaux sont bafoués de ces femmes victimes de graves violations des droits humains, des conflits armés, de la violence conjugale et autres. C’est un homme féministe qui n’hésite pas à souligner par exemple, le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes autour de lui et s’oppose à toutes les discriminations et le 6 décembre il a une pensée pour les femmes de Polytechnique.

5- 30 ans plus tard, quelle est votre perception de la place de la femme dans la société actuelle?  

Plusieurs avancées intéressantes nourrissent mon espoir même s’il reste encore beaucoup de marches à gravir pour en arriver au respect des femmes dans nos sociétés et la valorisation de leur rôle dans l’avancement des mentalités et des valeurs dans un monde égalitaire pour tous et toutes. Au Québec et au Canada, il faudrait reconnaître tout le mal qui a été fait aux communautés autochtones et notamment aux femmes et filles disparues ou assassinées et le réparer. Il serait important aussi de prioriser le travail des organismes communautaires qui travaillent auprès de femmes victimes de violence, handicapées, autochtones, immigrantes et aînées.

6- Avez-vous été témoin d’une évolution dans la société ou chez l’ouverture d’esprit des hommes? Si oui, la décrire.  

Oui bien sûr et c’est primordial d’impliquer de plus en plus les hommes dans le processus de respect et de défense des femmes. De plus en plus d’hommes s’affichent comme féministes et s’impliquent activement dans l’éducation des enfants, le partage des tâches et votent des lois favorisant entre autres  le congé parental des pères. Plusieurs organismes communautaires et autres ont vu le jour pour aider les hommes violents à exprimer le mal être qui les poussent à la violence et même à réparer le tort qu’ils ont fait aux femmes.

7- Comment s’exprime le féminisme d’aujourd’hui à vos yeux? Quelle est sa place?  

Il y a beaucoup de rattrapage à faire et je pense sincèrement qu’il se fera en impliquant davantage les hommes.

8- Quelle est votre perception des nouvelles expressions du féminisme à travers les mouvements sociaux récents ou actuels (exemple: les mouvements #MeToo et #MoiAussi)? 

Elles sont très justes et mettent l’accent sur un fléau de tous les temps; les violences sexuelles. Ces mouvements ont donné la voix aux femmes, de la détermination aussi pour dénoncer l’inacceptable.

9- Avez-vous vécu des réticences ou des traitements différents au cours de votre parcours professionnel parce que vous êtes une femme?  

À au moins une reprise lorsque l’un des patrons m’avait demandé si ça me dérangerait qu’il embauche une autre femme journaliste. Il ne m’aurait sûrement pas demandé la permission d’embaucher un journaliste mâle.

10- Dans un monde idéal, quelle serait votre souhait de société pour les générations futures?

De vivre dans une société où les droits de chacun et chacune soient respectés et où la diversité culturelle vienne l’enrichir et non la diviser.

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