Manger selon son genre
Par Joëlle Currat
Les stéréotypes de genre dans le domaine alimentaire existent. La question est de savoir s’ils sont fondés sur des mythes, des faits ou des préjugés ?
L’homme mange-t-il plus de viande et la femme plus de salade ? Selon les stéréotypes alimentaires genrés, si l’on veut manger au féminin, on choisira des mets délicats, santé, faits maison, végétariens et pas trop sucrés. Par contre, si l’on veut s’alimenter « comme un homme », on optera pour des pièces de viande, du fast-food, et des plats épicés, salés et gras. Qu’elles reposent sur des faits ou uniquement sur des préjugés, ces perceptions reposent en premier lieu sur l’image préhistorique de l’homme des cavernes qui chassait le mammouth et qui devait être fort pour rapporter le gibier et nourrir la tribu. Ces instincts héréditaires se manifestent encore aujourd’hui dans la préparation de viandes sur le barbecue, une tâche dévolue la plupart du temps aux hommes. Les femmes s’occupant le reste du temps de l’achat des denrées alimentaires et de la planification des repas. D’après le nutritionniste Bernard Lavallée, cependant, il n’y aurait pas tant de différences dans les besoins nutritionnels selon le sexe. Ceux-ci varient surtout en fonction de la corpulence et selon les individus.
Question de perceptions
Dans un article du site Science + Fourchette, des études empiriques ont identifié plusieurs stéréotypes qui influencent les choix alimentaires. Les individus qui consomment des aliments considérés comme « féminins » sont jugés moins masculins que ceux qui consomment des aliments dits « masculins ». Ces mêmes études soulignent aussi que les hommes seraient plus réticents à goûter des produits végétariens que les femmes, à cause de la connotation « féminine » associée au végétarisme ou au véganisme.
Une nourriture virile
Dans son livre Pourquoi Trump de mange pas de tofu paru en septembre dernier, Suzanne Zaccour, elle-même végane, décortique les normes sociales qui poussent les humains à manger de la viande et des produits d’exploitation animale. « Les hommes qui adhèrent davantage aux stéréotypes de genre mangent plus de viande et sont moins ouverts au végétarisme que ceux qui remettent en question ces stéréotypes », écrit-elle. Sur le plan de l’alimentation, comme dans d’autres domaines, les tenants d’une masculinité dominante se tournent toujours vers le passé et se réfèrent encore à des modèles archaïques pour s’affirmer. Dans ce cas précis, ils ne considèrent aucunement les effets de leur façon de se nourrir sur l’environnement, la santé et la souffrance animale.
Des conséquences fâcheuses
Selon le site Science + Fourchette, certains chercheurs prétendent qu’on choisit inconsciemment ce qu’on mange non seulement pour les propriétés nutritives et sensorielles, mais aussi pour renforcer notre image aux yeux des autres. On se servirait même du contenu de notre assiette pour envoyer des messages positifs à propos de nous-mêmes. En fin de compte, manger uniquement selon des normes et des stéréotypes de genre mène à des restrictions alimentaires, à de la culpabilité, voire à des problèmes de santé.