3 300 km en 46 jours : traverser l’Europe en vélo
Anne Berberi et Michel McArthur, de Sainte-Adèle, aiment voyager en vélo. « Ça permet d’être dans l’émerveillement tout le temps. Tu as juste ça à faire : observer et pédaler », illustre Anne. Au printemps dernier, ils ont entrepris leur plus longue aventure jusqu’à maintenant : traverser toute l’Europe, ou presque. Partis le 21 avril de Saint-Brevin-les-Pins en France, ils sont arrivés, 3 300 km et 46 jours plus tard, à Belgrade en Serbie, le 17 juin.
Sur leurs vélos, Anne et Michel avaient déjà exploré la Gaspésie, le Saguenay et la Nouvelle-Écosse, raconte Michel. « On en a fait un aux États-Unis, de Buffalo à Albany. C’était 600 kilomètres en autonomie. » Puis ils ont découvert l’EuroVelo : un réseau de routes cyclables qui traverse le Vieux Continent. « En Europe, ils sont plusieurs années en avance sur nous, en fait de culture de vélo. En étudiant ça, on s’est dit : on se prend deux mois et on en fait un. »
La culture du vélo

« Arriver quelque part en vélo, ça enlève toutes les barrières. Les gens viennent tout de suite nous parler. C’est comme un prétexte : « Ah, vous transportez vos bagages comme ça ! Est-ce que c’est lourd ? » Ils ont tout le temps plein de questions », témoigne Anne. Le vélo agit aussi comme égalisateur et stimule les rencontres, que ce soit avec les autres touristes, les autres cyclistes ou « les gens de la place », ajoute-t-elle. « On est plus proche des endroits qu’on visite. On se sent vraiment bien. Au niveau de l’accueil, des communications, côtoyer les gens, la nourriture : tout ça était vraiment facile. »
Aussi, les endroits où ils passaient n’étaient pas toujours « touristiques ». « Ce sont des petits perles que personne ne voit, normalement. Nous, on a trouvé ça encore plus charmant et attachant. Des fois, la piste est tellement étroite, on a l’impression qu’on est dans la cour des gens », raconte Anne. Celle-ci, qui peint d’ailleurs des aquarelles, en a profité pour immortaliser quelques scènes au fil de la route. « Les gens venaient s’assoir à côté de moi, me regardaient peindre. Beaucoup de jeunes, qui posaient des questions. »
De plus, le couple insiste sur la culture du vélo, très présente et développée en Europe : les routes bien balisées, mais surtout le respect et la patience pour les cyclistes, ce qui a permis une aventure facile et sécuritaire. Toutefois, cela s’estompait un peu en allant vers l’est, en Hongrie et en Serbie par exemple.
Être autonomes

« On est partis avec un billet d’avion aller, mais on ne savait pas quand on allait revenir, ni d’où », confie Michel. Au départ, le couple souhaitait même se rendre jusqu’en Roumanie et la mer Noire. « Il y avait beaucoup de sources d’information contradictoires », indique Anne.
Avant leur départ, Michel estimait que leur trajet ferait autour de 4 000 km. Mais une fois en Europe… « On avait 1 500 km de fait, et on voit une pancarte : 3 500 km pour la mer Noire. [rires] À ce moment-là, on savait qu’on n’allait pas se rendre », raconte-t-il. Aussi, la Roumanie semblait moins accueillante et sécuritaire pour les cyclistes, selon leurs recherches. Ils ont aussi envisagé de se rendre jusqu’à Istanbul en Turquie, ou en Grèce. Mais le temps manquait.
De toute façon, l’objectif du voyage n’était pas de faire de la distance ou d’aller vite. « Juste faire du vélo : on peut rester ici et faire de la route, 100 km la tête dans le guidon », illustre Anne. « Ce n’était pas un défi sportif », ajoute Michel.
Le couple voulait plutôt prendre son temps, ne pas se presser. « On voulait arrêter dans plusieurs villes : Vienne, Brastislava, Budapest, Belgrade, et plein d’autres en France. On voulait arrêter à des endroits et rester une journée de plus », explique Michel. « Et quand on est dans les villages : on fait un coin de rue, on arrête, on prend des photos, on laisse le vélo là, on lunche sur une terrasse, on va à l’épicerie, au parc », continue Anne.
Ils décidaient où ils allaient dormir « la veille ou le matin même », raconte Michel. « Ça nous laissait beaucoup de flexibilité. » Ils ont fait beaucoup de camping. Mais après certaines nuits trop froides, ils ont aussi profité des hôtels et des auberges. « Il fallait qu’on aille du fun. Si on n’en avait plus, on changeait », illustre Michel.
Et bien sûr, ils se sont permis quelques détours en chemin. Michel donne l’exemple de leur traversée de la Bourgogne. « Ça fait 200 km qu’on fait, et on n’a pas vu un vignoble. » Au restaurant, ils parlent avec le propriétaire, qui est aussi cycliste. « Il n’y a pas de vignobles, ici ? On ne comprend pas. » Celui-ci leur répond qu’il y en a plusieurs, à seulement quelques kilomètres, juste à l’extérieur de leur chemin. « On a changé nos plans, et on est allés faire un tour dans cette région-là, qui était spectaculaire », raconte Michel.
Accompagnés
Le couple n’a pas été seul tout le voyage. Josée Pilotte (éditrice et propriétaire d’Accès et Le Nord) et son conjoint Patrick Gascon les ont accompagnés durant les deux premières semaines de leur périple. « Ç’a été fantastique. C’est l’fun de faire ça avec des amis », s’exclame Anne.
Un autre couple d’amis leur ont fait la surprise de les rejoindre à Vienne. Malheureusement, un problème de santé les a obligés à retourner à Montréal rapidement. « C’était une bactérie résistante aux antibiotiques. Donc on était tristes et inquiets aussi », confie Anne. Aujourd’hui, leur ami va bien, rassure-t-elle.
Anne et Michel, quant à eux, n’ont pas eu de soucis. Ils ne se couchaient pas tard, à cause de la fatigue, mais pouvaient manger ce qu’ils voulaient, pour donner de l’énergie à leur corps. « On n’a jamais mangé autant de crème glacée », plaisante Michel.
Ils n’ont eu aucune crevaison : que des petites réparations mécaniques et l’entretien usuel des vélos. « On a été chanceux », se réjouit Anne. « Mais ça prend quelqu’un dans l’équipe qui connait la mécanique », ajoute-t-elle, en regardant Michel. Celui-ci avait amené ses outils et des pièces de rechange. « On était assez autonome », indique-t-il. Heureusement, puisque trouver une boutique de vélo, qui est ouverte quand on passe et qui a ce qu’on cherche, était « plus complexe » qu’il ne pensait.
Revenir
Voyager en vélo est « plus accessible qu’on pense », tient à souligner Anne. Le parcours qu’ils ont suivi n’avait pas beaucoup de dénivelé, d’ailleurs. Ils ont suivi en grande partie des cours d’eau : la Loire, le Rhin, puis le Danube. « Les grosses journées, c’était parfois 500 ou 600 m de dénivelé. Sinon, c’était plus 300 m. Mais sur 75 km, c’est rien. Certains diraient qu’il y a des côtes, mais nous, on vient d’ici », ajoute-t-elle, en référence aux paysages montagneux des Laurentides.
D’ailleurs, le voyage lui a fait réaliser « qu’on a tellement de potentiel ici ». « Le voyage en vélo pourrait être plus développé. Je suis allée sur le P’tit Train du Nord en revenant et je me suis dit : « Mais c’est dont ben beau chez nous ». On a un véritable trésor. »