Ces assassins parmi nous
Par Cedric Leblanc
3 juillet 1608, Samuel de Champlain inscrit dans son Journal personnel qu’on a comploté pour l’assassiner. Il en a été informé par le capitaine Testu ,qui en avait reçu la confidence d’Antoine Natel que les conspirateurs avaient voulu associer à leur sombre projet. Natel discrètement avait refuser.
Le serrurier Jean Duval est celui qui avait mis sur pied le complot, il avait recruté trois complices pour son sinistre projet. Le plan est de poignarder Champlain après que l’on eu simulé une fausse alerte la nuit, puis de s’emparer du fort de Québec (un comptoir) et de le revendre aux Basques à fort prix, ceux-ci auraient ainsi mis la main sur un endroit stratégique pour le trafic des fourrures et se seraient rendus maîtres du Saint-Laurent.
Champlain promet l’immunité à Natel pour sa loyauté et, avec l’aide du capitaine François Gravé du Pont, attirera les quatre individus à bord d’un bateau sous le prétexte d’une fête organisée qu‘il organise, où il y aura force vin. Champlain a pris bien soin de s’entourer de gens fidèles et une fois les conspirateurs à bord, il les fait arrêter et séquestrer.
Il doit maintenant y avoir justice, il n’y a alors ni prison, ni juge, ni avocat, pas plus qu’il n’y a de menottes dont Champlain s’empresse d’en faire fabriquer six paires par un forgeron. Mais s’il n’y a pas d’institutions juridiques établies, Champlain a toutefois de son roi, l’autorité de haute et basse justice, telles que l’auront les futurs seigneurs lors du peuplement de la Nouvelle-France. Pour l’instant il y a à peine trente personnes à Québec. Haute justice veut dire que Champlain peut condamner à mort, faire pendre un individu, mais pour cela il y a quand même des règles de justice à respecter et Champlain par ses actions va nous aider à les comprendre, et apprécier ainsi le premier procès tenu en Nouvelle-France,de nos jours le Québec.
Tout d’abord il respecte la procédure criminelle française en présidant un récolement des témoins, procédure où tous les accusés font des dépositions écrites en regard des accusations, cette procédure se tient devant témoins. Les accusés tentent alors de faire porter le blâme sur le chirurgien Bonnerme et un nommé La Taille, mais la manoeuvre est grossière et rapidement elle avorte. La seconde procédure est appelée confrontation, alors que les accusés sont mis en présence des accusateurs, ici Natel et le capitaine Testu. Il semble que rapidement les quatre accusés aient reconnu leurs torts et demandé clémence,seul Duval tout en reconnaissant sa culpabilité avouera qu’il mérite la mort. Champlain malgré qu’il ait l’autorité de les condamner à mort, est la victime du crime,et pour éviter un conflit d’intérêt, il met sur pied un groupe de matelots, d’ouvriers, du chirurgien et des officiers pour juger la cause. Après délibérations il est convenu que les trois complices de Duval seront renvoyés en France avec le dossier du procès,où justice sera rendue. À ce moment-ci ils disparaissent de l’histoire, nous ne savons pas ce qu’il advint d’eux en France,seul demeure Duval qui est condamné à mort par le groupe formé par Champlain Il sera pendu, puis sa tête placée sur un pieu à l’endroit le plus élevé du fort ,afin qu’il y ait punition exemplaire.
Si le complot pour assassiner Champlain n’a pas réussi, il est une autre tentative d’assassinat survenu quatre cents ans plus tard au même endroit, lors du spectacle d’ouverture des fêtes commémorant la présence et la survie du fait français en Amérique. Dans un spectacle minable, triste caricature de notre culture, pourtant si riche à d’autres moments, s’est immiscée, avec une complicité à la Jean Duval, une chanteuse du nom de Pascale Picard, qui nous a gratifiés d’une belle chanson en langue anglaise.
Plus près de nous et même dans ce journal, un triste sire, non pas de notoriété, mais notoire, écrivit récemment des commentaires dans le genre donneur de leçons, sur la situation de la langue française à Montréal, avec pour en-tête de son article, une phrase bilingue «le vieux running gag», lapsus significatif du respect qu’il porte à l’identité québécoise. Il est des assassins parmi nous, ce sont assassins de la langue et de la culture, nombreux, efficaces, sournois, janissaires, parfois adulés, rarement méprisés. Mais qu’on se le dise, Champlain n’est pas mort, il nous suffit d’inviter ces tristes individus à bord de notre bateau pour leur offrir à boire du vin…
1 commentaire
Bonne histoire!