(Photo : Courtoisie)

Ghostée : faire le deuil d’une amitié

Par Simon Cordeau (initiative de journalisme local)

Selon Sara Dignard, une rupture entre amies peut blesser davantage qu’une rupture amoureuse. C’est ce drame intime, entre deux amies du secondaire, qu’a voulu explorer la poétesse originaire de Sainte-Agathe-des-Monts dans son recueil Ghostée.

Les Éditions du Boréal l’ont approchée pour sa collection Brise-glace, qui fait découvrir la poésie aux adolescents et aux jeunes adultes. Pour la poétesse de 38 ans, le thème du rejet en amitié s’est imposé instinctivement. « On en parle beaucoup en amour. Mais il y a beaucoup de monde qui vivent ou font vivre le rejet en amitié, et on en parle peu. »

La brûlure du silence

Sara Dignard n’a jamais écrit autre chose que de la poésie, confie-t-elle.

Dans Ghostée, ton amie Léo, avec qui tu es inséparable depuis le premier jour du secondaire, s’éloigne de toi sans explication. Selon Sara, l’élément le plus douloureux, c’est le silence et la « brûlure vive » qu’il provoque. « Je l’ai vécu, moi, à l’âge adulte. C’était une amitié de 20 ans. Et ça m’a vraiment marquée et transformée, dans ce que je suis comme femme, comme poétesse et comme enseignante. »

Faire le deuil d’une amitié est souvent plus difficile que celui d’une relation amoureuse, explique-t-elle. « En amour, on le sait que ça peut se briser. Alors qu’en amitié, on a l’impression que c’est un pari pour la vie. On est tout nu, on s’offre à l’autre, on se confie. C’est supposé être une relation d’égal à égal, gratuite. C’est ce qui fait si mal quand ça se termine dans le silence. »

Pour la protagoniste de Ghostée, cette rupture entraîne aussi une quête identitaire, avec la transition du secondaire au cégep comme décor. On sent d’abord la force et la naïveté des premières amitiés, puis la fin de l’innocence et la découverte de soi. « Il y a aussi tout le rapport au corps, exprimé par un trouble alimentaire et de l’automutilation. Mais elle finit par aimer son corps, et à s’aimer comme elle est. Il y a une réappropriation de son corps à partir de la blessure », raconte l’autrice.

La voix de l’adolescence

Ghostée est un recueil de « poésie narrative », explique Sara. « Les poèmes sont des petits tableaux qui, ensemble, créent une histoire. » La poétesse explique qu’elle a tenté de se rapprocher de la voix de l’adolescence, son côté instantané, avec des passages qui retiennent l’attention. « C’est ce qui me plait : comment raconter cinq ans de secondaire en cinq poèmes », illustre-t-elle.

L’autrice confie qu’elle n’a « jamais écrit autre chose que de la poésie », et utilise l’image d’un scalpel pour expliquer son travail. « Je coupe, coupe et coupe, jusqu’à ce que j’ai l’impression qu’il ne reste rien que je peux enlever. » Pour Ghostée, cependant, elle a voulu garder quelque chose de « plus sauvage, plus brut » et naturel, conçu pour être lu à voix haute.

Revenir chez soi

Née à Sainte-Agathe-des-Monts, Sara Dignard a grandi dans le quartier Villeray à Montréal. « Mais toute ma vie adulte, j’ai vécu en campagne : aux Îles-de-la-Madeleine, au Bic, en Gaspésie. » Elle demeure maintenant à Brownsburg-Chatham, dans les Laurentides, où elle passe tout son temps. « Je retrouve mon origine. Ici, c’est tellement naturel. Il y a quelque chose qui fait partie de moi dans la forêt et les lacs. C’est comme un chemin que j’avais laissé en friche, et que je suis en train de reprendre », raconte-t-elle.

Après avoir cherché ailleurs où elle se sentait bien, elle retrouve un ancrage dans sa région natale. « Parfois, on renie d’où on vient. On cherche, on cherche, puis on revient », conclut-elle.

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