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L’individu contre la société, et vice-versa

Par Simon Cordeau

-Correspondance culturelle-

Chère Ève,

Je lisais avec curiosité et stupéfaction cet article du Devoir, écrit par Isabelle Paré et paru le 30 septembre : Des patients de plus en plus jeunes et de moins en moins « patients » aux soins intensifs. On y apprend que parmi les jeunes touchés et hospitalisés par la COVID, non vaccinés pour la plupart, certains n’y croient toujours pas. Même s’ils sont cloués dans un lit aux soins intensifs, même s’ils ont de la difficulté à respirer, même si des professionnels de la santé s’évertuent à sauver leur vie, ces patients « impatients » refusent toujours de croire à l’évidence : cette pandémie est bien réelle et elle peut vous tuer.

Heureusement, plusieurs finissent par voir la lumière, mais le constat est clair : quelques rares ne seront jamais convaincus. Étrangement, l’obstination de ces irréductibles me ramène à un thème récurrent dans la fiction : doit-on se conformer? Cette question est toujours légitime, même si toutes les réponses ne sont pas défendables.

Je te propose deux séries télévisées, donc deux perspectives, sur la question.

Prisonniers du système

J’ai enfin pris le temps d’écouter la série culte The Prisoner. Ce classique britannique de 1967, qui compte 17 épisodes d’une heure, devrait se trouver aux côtés d’autres réflexions dystopiques comme 1984, Le Meilleur des mondes ou La Matrice.

D’abord, l’esthétisme est avant-gardiste et délicieux. C’est ce que les débuts de la télévision couleur ont de plus magnifique à offrir. Ensuite, le récit est d’une rare complexité pour l’époque.

En apparence, c’est un thriller d’espionnage. Le personnage principal, qu’on connaît seulement sous le nom imposé de Number 6, est un espion qui rappelle James Bond. Il est fait prisonnier sur une île étrange où on tente de lui soutirer des secrets, et de pervertir sa loyauté. Mais sous la surface, c’est un profond commentaire sur la société et l’aliénation de l’individu : la pression à se conformer, la futilité de se rebeller, l’implacable pouvoir du système… À travers les épisodes, on réalise que personne ne contrôle vraiment cette prison insulaire. Tous en sont prisonniers, même ceux qui semblaient en être les geôliers.

La fin est… énigmatique, ambiguë, et laisse place à toutes les interprétations, comme le font les meilleures œuvres.

La psychologie des foules

D’ailleurs, j’attendais avec impatience la nouvelle série basée sur l’œuvre d’Isaac Asimov : Foundation (Apple TV+). Asimov, c’est l’un des titans de la science-fiction américaine. On lui attribue l’invention de la « robotique », dont il explore les tenants et aboutissants.

Au cœur de son œuvre maîtresse, Foundation, se trouve Hari Seldon : un mathématicien qui utilise les statistiques pour prédire le comportement des sociétés humaines. Sa nouvelle discipline, la psychohistoire, prédit toutefois que l’Empire qui gouverne la galaxie depuis 12 000 ans est sur le point de s’effondrer. Et sa chute est inéluctable.

Asimov utilise cette prémisse pour explorer de profondes questions sociales. Quelle agence ont réellement les individus, dans une société complexe et rigide, voire dans le flot imprévisible de l’Histoire? Pourtant, ce sont les individus qui composent et façonnent la société (qui d’autre?), et ce sont donc eux qui créent son avenir. Mais peuvent-ils vraiment diriger cet avenir?

Au bout du compte, sommes-nous les victimes ou les artisans de notre société? Bref, malgré le contexte de science-fiction, je suis certain qu’une étudiante en sociologie comme toi trouvera son compte dans ces deux séries.

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