Théâtre du Marais : « Donnez-moi des informations claires et à ce moment-là, je pourrai bien travailler »
Par Rédaction
« Tous les diffuseurs, on ne demande pas une reprise au plus vite, pas du tout. Ce qu’on veut, c’est un horizon », déplore la directrice générale du Théâtre du Marais, Sonia Piché, qui soutenait, lors de notre entrevue du 3 juin dernier, être toujours dans le brouillard par rapport à la suite des choses.
Le 1er juin, la ministre de la culture, Nathalie Roy, a annoncé 400 millions de dollars pour la culture en plus de laisser entendre que les salles de spectacle pourraient rouvrir d’ici le 24 juin prochain. Au sujet de l’aide financière, Sonia Piché souligne attendre le début de la semaine prochaine pour se prononcer, alors que des détails concernant le déploiement de cette aide seront donnés.
Au sujet d’une ouverture possible d’ici le 24 juin, la directrice générale, comme plusieurs autres, a été très surprise d’entendre ces propos qui à ses yeux, ne font aucun sens. « C’est sorti comme d’une boîte à surprise. Personne n’avait entendu parler de ça », affirme-t-elle. « Ça fait deux mois qu’on demande à la ministre de la Culture un minimum de 8 à 12 semaines entre une annonce et l’ouverture de nos salles. Donc de l’entendre dire avant le 24 juin, c’est très inusité ». En effet, la directrice explique qu’un gros travail de promotion est nécessaire afin d’élaborer une reprise graduelle et il est aussi primordial de repartir les équipes.
« Si admettons, on reprenait en janvier, moi, le 1er septembre, je fais entrer tout le monde et on part. On fait la programmation, on fait la promotion, on annonce, on ajuste notre salle à la nouvelle réalité. J’ai besoin de trois mois. »
Distanciation difficile
Sonia Piché souligne que la salle du Théâtre du Marais, bien que très belle et charmante, est aussi très petite, ne pouvant accueillir que 176 personnes. Il sera donc difficile pour la directrice de fonctionner dans un contexte de distanciation sociale alors que la salle ne pourra accueillir que très peu de spectateurs.
« Moi, il faut que je remplisse et nous sommes presque toujours plein au Théâtre du Marais. Mais si j’ai 40 personnes au lieu de 176, il n’y a pas la même énergie et c’est certain que ce n’est pas viable sans support. Il y a encore beaucoup d’inconnu. Si on me disait : il n’y a pas de spectacles jusqu’en janvier, voici les programmes et à partir de là, je pars! Nous sommes créatifs, nous sommes capables, nous sommes en mesure de rebondir. Mais présentement, il y a encore beaucoup de zones d’ombre pour savoir en quoi sera la reprise. »
Sonia Piché indique avoir été consultée pour le guide des mesures sanitaires et d’en avoir donc pris connaissance. « Ce guide me permet de dire qu’il y a peu de chance que je fasse des spectacles avec la distanciation. Les mesures sanitaires dans un contexte de spectacles sont difficiles d’application ». Bien entendu, cette réalité ne sera peut-être pas le cas pour chaque diffuseur, mais pour la directrice dont la salle est petite et ne comporte qu’une seule porte, ce sera très difficile.
Adapter une création
« Pour de nombreuses productions, ça peut prendre deux ans avant de créer un spectacle, surtout en danse ou en théâtre. Tu travailles pendant deux ans – les répétitions, les décors, la mise en scène – tu peaufines tout ça et tu arrives à la veille de partir en tournée pour quelques années et maintenant, on te dit de créer autre chose. […] Ils arrivent à ce moment-ci et on leur dit de s’adapter, d’adapter une nouvelle création qui pourrait passer dans le numérique. Mais c’est comme si on leur demandait de changer de métier », déplore Sonia Piché.
Elle fait aussi le parallèle avec les techniciens de scène, une grande préoccupation pour elle présentement. « Les techniciens en art de la scène, ce sont des machines de guerre pour rendre un show avec le bon son et le bon éclairage et présentement, il faudrait aller vers les caméras; c’est un autre métier. J’ai peur que pour le « en attendant », on nous amène ailleurs de ce pourquoi on existe, qu’on nous éloigne de notre mission et de notre identité de diffuseur. »
Ainsi, comme mentionné d’entrée de jeu, Sonia Piché souligne que tout ce qui est souhaité, c’est un horizon plus clair afin de pouvoir débuter la préparation. « Dites-nous, admettons, qu’on envisage un retour en salle en janvier. À partir de là, on m’ouvre mon terrain de jeu. Ça me donne la latitude d’annuler tous les shows qu’il reste. Créer, je n’ai pas de problème, mais donnez-moi un horizon et des informations claires et à ce moment-là, je pourrai bien travailler ».