Un jour j’irai à Messac

Par Cedric Leblanc

«Attention ami lecteur, cette chronique peut susciter un sentiment d’appartenance, quant aux généalogistes, prière de s’abstenir de lire, puisque les renseignements écrits ici sont confidentiels».

J’ai un ami qui a pour prénom Louis, mais qui a un nom pour le moins surprenant,Le Bicheur, qu’il complète par sieur de la Roche. Son nom est donc, Louis le Bicheur sieur de la Roche.

Il était soldat dans la garnison des Trois-Rivières et il est mort le 30 septembre 1654 de ses blessures reçues au combat des Iroquois. Mais comment peut-il être mon ami alors qu’il est mort depuis près de trois cent cinquante ans et que je ne l’ai ni vu, ni connu ?

Je ne l’ai point vu il est vrai, mais je l’ai connu malgré les siècles qui nous séparent. Si j’ai pu me lier d’amitié pour Louis, ce fût grâce à un dépouillement d’archives, plus particulièrement à la lecture de son testament dont les notaires de Nouvelle-France se sont faits les gardiens pour ainsi préserver ces joyaux de notre histoire parvenus à notre époque. Monsieur «Severin Nottaire» m’en a présenté l’écrit du 26 septembre 1654 «en la Chambre des soldats de la garnison des Trois-Rivières où il prend les dernières volontés de Louis qui gist malade».

Louis n’est pas seul lors de son agonie, il y a deux témoins, l’un, Gilles l’honneur dict Champagne et l’autre Pierre Boulanger dict Saint-Pierre. Quatre jours plus tard il succomba à ses blessures. À cette époque Trois-Rivières est un poste de traite des fourrures où la coalition Lauren­tienne, c’est-à-dire les Hurons, les Monta­gnais et les Algonquins échangent des fourrures avec les Français, leurs alliés. Ces trois nations amérindiennes ont pour ennemis séculaires les Iroquois,qui s’embusquent dans les petites anses de la rivière Richelieu aussi nommée rivière des Iroquois, pour y surprendre les traiteurs français et leurs alliés amérindiens, ils les tuent, les scalpent où en amènent certains prisonniers pour les torturer à mort en Iroquoisie ( maintenant Albany, New York ).

Louis mon ami a fort probablement été blessé lors d’une de ces embuscades, mais il a survécu suffisamment longtemps pour nous révéler par l’écrit de son testament quelle fut sa vie.

Il est du bourg de Messac en Bretagne, il semble qu’il soit venu en Nouvelle-France seul, car il a donné «quarante sols au Nottaire Et luy a enchargé de Réserver à sa mère Mademoiselle de la Roche Le Bicheur à Messac Et luy faire Sçavoir qui a esté blessé au combat des Iroquois».

Louis avait peu de choses, des dettes infimes et quelques effets, mais il nous a laissé en héritage un peu de poésie de la Nouvelle-France car «il portoit souliers François et un Justeau corps et a déclaré ne savoir écrire à cause de son indisposition».

Je reprends la plume du «Nottaire Severin» pour écrire à Louis, un témoignage d’amitié: «Un jour j’irai à Messac, et j’y planterai un arbre, que j’apporterai des Trois-Rivières».

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