Déboires de Lion : Des autobus électriques mis au rancart
Par Luc Robert
Des transporteurs écoliers des Laurentides préfèrent mettre temporairement au rancart des autobus électriques quasi neufs, cet hiver, plutôt que de devoir composer avec les tergiversations de Québec et le risque potentiel de manque de pièces pour les réparer s’ils brisent en fonction.
Sous le sceau de l’anonymat, ces intervenants du milieu soutiennent préférer entretenir leurs autobus actuels au diesel et prolonger leur vie utile, au lieu de miser sur la situation délicate dans laquelle se trouve le constructeur Lion, établi à Saint-Jérôme, pour le court terme.
« Il y a des problèmes d’ingénierie dans certains exemplaires existants, qui sont à améliorer. Le chauffage représente un de ces éléments. Ce n’est pas évident en hiver. En plus, ça ne regarde pas trop bien pour la disponibilité de certaines pièces. Lion semble être en sursis, mais pour combien de temps ? Pour le moment, on préfère garder nos autobus électriques dans la cour, en attendant de savoir ce qui va se passer. Il y a trop d’inconnues », a souligné un de nos informateurs.
Depuis l’automne 2021, les transporteurs n’ont plus le droit d’immatriculer des autobus neufs pour écoliers fonctionnant au diesel. D’autre part, ils sont tenus de renouveler leur flotte après 12 ans de service d’un véhicule.
« On se sent pris entre l’arbre et l’écorce. C’est certain que l’on aimerait mettre notre flotte d’autobus scolaire à jour, mais présentement, on n’a pas le droit de s’approvisionner auprès des deux autres joueurs du Québec. Il faut rendre moins contraignant le programme d’électrification du transport scolaire, pour permettre à des firmes comme Girardin Blue Bird, Autobus Thomas (Daimler) et Leed Autobus Transit (Navistar), toutes deux situées près de Drummondville, de pouvoir vendre des véhicules scolaires, même s’il sont construits ailleurs qu’au Québec.
Présentement, on se trouve dans un vide parce que le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) dit évaluer les besoins et s’ajuster, mais notre période d’achats de bus pour la rentrée scolaire de septembre 2025-2026, c’est présentement qu’elle se déroule. Québec doit cesser de se traîner les bottines et trancher. On ne veut pas que les jeunes soient touchés dans six mois. »
La vide actuel serait causé par d’éventuelles modifications de modalités du Programme d’électrification du transport scolaire (PETS), mis en place par le gouvernement caquiste de François Legault. Si des subventions pouvant atteindre 175 000 $ (pour éponger le surcoût à l’acquisition d’un modèle électrique) existent, elles s’accompagnent cependant d’une exigence importante : l’autobus doit être assemblé au Canada. Or, une seule firme répond au critère, pour les modèles C et D (catégorie qui représente près de 80 % des bus d’écoliers au Québec) : Lion Électrique !
« Jusqu’à 200 autobus peuvent être produits par Girardin Blue Bird par année, exceptionnellement, malgré qu’ils soient assemblés hors-Québec. Mais présentement, il n’y a pas de représentants qui viennent nous voir pour prendre les commandes habituelles. Nous sommes tous en attente, tant chez les constructeurs, que chez les transporteurs. »
Un autre interlocuteur local veut que Québec bouge au plus vite.
« C’est sans compter la décision de Trump, pour la hausse de taxes. Ils vont coûter combien les nouveaux modèles de Lion et autres, avec ces nouvelles folies ? Il faut une position claire de Québec pour savoir vers quoi on s’en va. Prolongez au-delà de 12 ans la durée de vie des autobus actuels; Permettez-nous d’acheter à nouveau des véhicules diesel, en attendant de clarifier la situation du milieu. Permettre un prolongement d’un an pour acheter selon nos besoins. Sinon, les problèmes de circuits vont s’amplifier vite en septembre prochain », a mis en garde notre première source.
Les exemplaires produits par des constructeurs étrangers peuvent parfois atteindre jusqu’à 500 000 $ par véhicules, avant l’application des subventions. C’est plus cher que les autobus scolaires de Lion qui, se vendaient à un maximum de 350 000 $ chacun.
« Les problèmes de Lion, je les prend personnels. Ottawa doit s’impliquer. Ce sont 800 emplois à Saint-Jérôme qui sont en jeu. Je préfère toujours une fabrication locale fiable, à la construction d’autobus dans le fond de la Géorgie des États-Unis. Ça n’a pas de sens que le fédéral laisse aller ça : et après, ils me font rire avec des défauts de conception, comme le fait qu’il n’y ait pas de vitre électrique. Même Nova Bus a fermé aux USA : ce n’est pas facile pour personne actuellement. Je suis certain que Lion va revenir au jeu dans une forme ou une autre », a prévu le maire jérômien, M. Marc Bourcier.
Rappelons que c’est la firme Deloitte, qui supervise actuellement le processus qui se déroule chez Lion, en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Au moment d’aller sous presse, lundi dernier, La Compagnie Lion Électrique n’avait pas donner suite à nos questions.
Un bref historique
31 juillet 2024 : Lion fait 300 mises à pied et recentre sa stratégie. On délaisse la construction de camions aux États-Unis.
6 novembre 2024 : Avec des coffres presque à sec, l’entreprise révèle qu’elle pourrait bientôt manquer d’argent.
1er décembre 2024 : Lion fait 400 mises à pied et négocie avec un groupe d’investisseurs. Elle évoque la possibilité de se placer à l’abri de ses créanciers.
18 décembre 2024 : Insolvable, l’entreprise est à l’abri de ses créanciers et cherche un repreneur.
3 janvier 2025 : La moitié de l’effectif restant du constructeur, soit environ 150 personnes, est mis à pied.
En chiffres
- 65 % est la cible d’électrification du parc d’autobus scolaires visée par Québec en 2030
- 15 % est la proportion du parc d’autobus d’écoliers (1600 véhicules sur un total de 10 650) électrifiée en date du 30 septembre dernier
SOURCE : Gouvernement du Québec